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Septembre Liste de surveillance 2023

Dernière mise à jour : 21 septembre 2023 -La nouvelle liste de surveillance de CIVICUS Monitor met en évidence de profondes préoccupations sur l'exercice des libertés civiques au Bangladesh, en Bosnie-Herzégovine, dans les Émirats arabes unis, en Équateur et au Sénégal. Elle attire l'attention sur les pays qui connaissent un déclin important et rapide du respect de l'espace civique et a été établie à partir de l'évaluation des résultats de recherche faite par CIVICUS Monitor et ses partenaires de recherche, en consultation avec des militants sur le terrain.

Dans les semaines et les mois à venir, CIVICUS Monitor suivra de près l'évolution de la situation dans chacun de ces pays dans le cadre des efforts déployés pour accroître la pression sur les gouvernements. CIVICUS demande à ces gouvernements de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre immédiatement fin aux mesures de répression en cours et de veiller à ce que les responsables de ces actes rendent des comptes.

Ci-dessous, vous trouverez un résumé des violations de l'espace civique qui se produisent dans chaque pays. Si vous souhaitez nous faire parvenir des informations à propos de l'espace civique de ces pays, veuillez nous écrire à monitor@civicus.org.

À l'approche des élections présidentielles contestées en février 2024, les autorités sénégalaises ont intensifié la répression de l'opposition et des dissidents, notamment des journalistes et des militants, tandis que les violations de l'espace civique se sont multipliées.

Jusqu’au 4 juillet 2023, le président sortant, Macky Sall, a refusé de dire s’il se présenterait pour un troisième mandat, sachant que la Constitution sénégalaise limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Bien qu’il ait finalement décidé de ne pas se présenter pour un autre mandat, les poursuites judiciaires engagées contre le dirigeant populaire de l’opposition et maire de Zinguinchor, Ousmane Sonko, considérées comme politiquement motivées par l’opposition, ont déclenché des manifestations et provoqué des troubles qui ont été durement réprimés par les autorités et les forces de sécurité. Ousmane Sonko a été arrêté fin juillet 2023, accusé entre autres de fomenter l’insurrection et de porter atteinte à la sûreté de l’État dans le cadre des manifestations meurtrières de juin 2023 et mars 2021, tandis que son parti politique, le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), a été dissous par les autorités.

Ces derniers mois, les violations de l'espace civique se sont intensifiées, notamment l'usage excessif et meurtrier de la force lors des manifestations de l'opposition, l'assassinat de manifestants, les arrestations arbitraires de journalistes, la suspension des médias, la dissolution du parti d'opposition PASTEF et les restrictions d'accès à Internet et aux réseaux sociaux, notamment TikTok, qui a été suspendu.

À l'approche des élections nationales en janvier 2024, l'opposition, les militants et les dissidents ont fait l'objet d'une répression croissante.

Depuis début 2023, les autorités ont intensifié leurs attaques contre le parti d'opposition Bangladesh Nationalist Party (BNP). Des milliers de plaintes factices ont été déposées contre ses partisans. Les forces de l'ordre ont utilisé ces accusations pour justifier la perquisition des domiciles des membres de l'opposition ; des actions qui s'apparentent à du harcèlement et à de l'intimidation politiques manifestes. En outre, les manifestations de l'opposition ont fait l'objet de restrictions et d'un usage excessif de la force, notamment de gaz lacrymogènes et de balles réelles.

Les autorités ont accéléré les audiences contre les militants Adilur Rahman Khan et ASM Nasiruddin Elan du groupe de défense des droits humains Odhikar et les ont condamnés à deux ans de prison. Ils ont été confrontés à dix ans de harcèlement judiciaire à cause de la publication en 2013 d'un rapport sur les exécutions extrajudiciaires et ont fait l'objet d'une campagne de diffamation pour leur travail.

Les autorités ont également redoublé d'efforts pour réduire les médias au silence par le biais de la censure, de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire des journalistes. Des médias critiques ont été fermés, dénigrés et attaqués, et des parents de journalistes en exil ont été pris pour cible. À cela s'ajoute l'impunité pour les assassinats et les enlèvements de journalistes.

En outre, la Digital Security Act (DSA), une loi draconienne sur la sécurité numérique contenant des dispositions vastes et vagues qui accordent de larges pouvoirs aux autorités pour contrôler l'espace numérique, est sur le point d'être remplacée par la Cyber Security Act, qui conserve la plupart des dispositions répressives de la DSA. Cette dernière est souvent utilisée contre les journalistes et les critiques en ligne.

Le gouvernement continue d'utiliser les disparitions forcées comme outil pour anéantir les mouvements politiques et faire taire les dissidents, créant ainsi un climat de peur dans tout le pays.

Les menaces sécessionnistes de la République serbe de Bosnie, l'une des deux entités constitutives du pays, ont déclenché la crise politique que vit actuellement la Bosnie-Herzégovine et qui a entraîné une pression accrue sur la société civile et les médias sur ce territoire ; cependant, elle menace également l'espace civique dans l'ensemble du pays. Cette crise a atteint son paroxysme en juin 2023, lorsque le Parlement de la République serbe de Bosnie a adopté une loi qui rejette l'autorité de la Cour constitutionnelle fédérale. Le président de la République serbe de Bosnie, Milorad Dodik, a affirméque la mesure cherche à « purger la Bosnie-Herzégovine de l'influence étrangère » et a défendu une série de projets de loi destinée à museler les dissidents. Par exemple, le projet de loi sur les « agents étrangers », qui interdit aux OSC financées par l'étranger et aux médias à but non lucratif de s'engager dans des « activités politiques » sous peine de fermeture ou de poursuites pénales ; ou encore les modifications législatives « draconiennes » qui réintroduisent la diffamation dans la législation pénale. Ces initiatives ont suscité de vives critiques de la société civile et des associations de journalistes, ainsi que des organisations internationales. Pendant ce temps, les institutions de la République serbe de Bosnie ont échoué à protéger les militants LGBTQI+ de la violence grandissante.

En parallèle des événements en République serbe de Bosnie, la société civile a mis en garde contre des actions inquiétantes au niveau national, notamment l’introduction d'amendements restrictifs à la loi sur l'accès à l'information en avril 2023 par le gouvernement fédéral. D’autre part, les violences et les menaces contre les journalistes sont monnaie courante dans tout le pays et les défenseurs de l'environnement subissent des pressions de la part d'entreprises privées.

L'offensive constante contre l'espace civique est toujours une grande source d'inquiétude. Elle se matérialise par les attaques contre les défenseurs des droits de l'homme, la promulgation de lois répressives et l'usage de la justice pénale pour exercer des représailles systématiques contre ceux qui défendent les droits de l'homme.

Alors que le pays s’apprête à accueillir la 28e Conférence sur les changements climatiques (COP 28) du 30 novembre au 12 décembre 2023, le CIVICUS Monitor, le Gulf Center for Human Rights et d'autres groupes de la société civile continuent de documenter des restrictions de l'espace civique incessantes et de mettre en lumière la répression qui sévit toujours dans le pays. Les organisations de la société civile se sont inquiétées du fait qu'au moins 58 prisonniers d'opinion restent en prison, bien qu'ils aient purgé leur peine. Aux Émirats arabes unis, la pratique de la torture dans les prisons et les centres de détention, notamment sur les défenseurs des droits de l'homme, est très répandue. Les défenseurs des droits de l'homme et les opposants pacifiques sont toujours pris pour cible de manière systématique par les autorités en représailles pour leur travail pacifique en faveur des droits de l'homme. À ceci s'est ajoutée la loi sur la cybercriminalitéde 2022, qui criminalise le travail des journalistes, des lanceurs d'alerte, des militants et des critiques pacifiques dans le but de juguler la contestation.

Les OSC se sont également inquiétées de la capacité de la société civile à participer de manière significative dans ce sommet ou à le critiquer dans un contexte marqué par des représailles et des sanctions croissantes ; ainsi que de la capacité des organisations de la société civile à défendre efficacement la justice climatique dans le pays hôte, compte tenu de son piètre bilan en matière de droits de l'homme.

L'Équateur est actuellement plongé dans une crise préoccupante en raison de la recrudescence de la violence politique à la suite de l'assassinat du journaliste et candidat à la présidence Fernando Villavicencio à la fin d'un rassemblement électoral à Quito. Le contexte sécuritaire a entraîné une augmentation des attaques contre les journalistes et les personnalités politiques risquent de faire l'objet d'attaques violentes, deux facteurs qui témoignent de la détérioration de l'espace civique dans le pays.

De même, le cadre pour l'exercice de la liberté d'expression est de plus en plus hostile et des attaques et des violences ont été documentées, notamment des cas de cyberharcèlement. Deux journalistes ont été assassinés en 2022, et en 2023, des groupes criminels organisés ont continué de proférer des menaces de mort. Vingt-neuf attaques ont été documentées avant le premier tour des élections présidentielles en août 2023, principalement contre des journalistes, des médias et des candidats.

Au moins cinq reporters ont dû fuir l'Équateur ces derniers mois à cause de la recrudescence de la violence en 2023. Au total, 175 agressions avaient été documentées jusqu'en août 2023. En 2022, le pays a atteint le triste chiffre de 356 attaques, le plus élevé depuis 2018.

En attendant les élections nationales d'octobre 2023, les organisations de la société civile s'inquiètent du niveau de la violence du crime organisé. Elles ont critiqué le gouvernement pour son inaction dans la mise en place des mécanismes nécessaires à la protection des personnes qui exercent activement leur liberté d'expression.