Présentation
La France vit sous un état d'urgence sanitaire « transitoire » depuis le début de la pandémie de COVID-19 et l'exécutif dispose désormais de pouvoirs supplémentaires. En octobre 2021, ce régime a été prolongé jusqu'en juillet 2022, soit au-delà des élections présidentielles qui se tiendront en avril 2022. Cela signifie que le contrôle parlementaire sur l'application de l'état d'urgence sera extrêmement faible, entraînant un affaiblissement durable de l'État de droit. Le passe vaccinal contre la COVID-19 a été prolongé et est obligatoire pour accéder aux grands événements, aux restaurants, aux cinémas et autres lieux de sociabilisation jusqu'en juillet 2022. Une partie de l'opinion publique française y voit une atteinte à la liberté individuelle et une manière indirecte de rendre la vaccination quasi obligatoire.
Liberté d'association
La société civile continue de faire pression alors que la loi sur le séparatisme entre en vigueur
Le 1ᵉʳ janvier 2022, la loi dite sur le séparatisme est entrée en vigueur après que le Conseil constitutionnel a validé la plupart des dispositions du projet de loi, en dépit des préoccupations majeures soulevées par une large coalition d'organisations de la société civile (voir les mises à jour précédentes). En mars 2022, 25 OSC ont déposé un recours contre le décret d'application de la loi devant le Conseil d'État.
Hier, avec 24 autres assos environnementales et/ou de lutte contre la corruption, nous avons déposé un recours devant le @Conseil_Etat pour annuler le décret d’application de la loi « séparatisme » approuvant le « contrat d'engagement républicain ».
— Les Amis de la Terre FR (@amisdelaterre) March 2, 2022
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La Loi N° 2021-1109 du 24 août 2021 vise à lutter contre le « séparatisme » en France et à conforter le respect des principes de la République en obligeant les associations et fondations à signer un « contrat d'engagement républicain » lorsqu'elles souhaitent obtenir un agrément de l'État, une subvention ou accueillir un jeune en service civique. Dans le cadre de ce contrat, les OSC s'engagent à respecter les principes de liberté, égalité et fraternité ; à ne pas remettre en cause la laïcité de la République ; et à s'abstenir de toute action portant atteinte à « l'ordre public ».
Comme précisé dans l'avis du Haut Conseil à la vie associative (HCVA), la principale inquiétude des OSC est que « le contrat d'engagement républicain tend à confier à l'administration une marge d'interprétation et de sanction très large » et ce « sans qu'il existe des informations claires, obligatoires et au préalable sur les voies de recours disponibles pour les associations et fondations en cause ». Les critiques contre la loi sur le séparatisme ont été unanimes jusqu'à présent : de l'ONG Le Mouvement associatif et du HCVA, au Conseil d'experts sur le droit en matière d'ONG de la Conférence des OING du Conseil de l'Europe, en passant par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) et le Défenseur des droits.
Dans un communiqué publié début janvier 2022, Le Mouvement Associatif a exprimé son désaccord avec le contrat d'engagement républicain et s'est préoccupé notamment des risques encourus pour la liberté d'action associative qui « est essentielle à notre démocratie et contribue à faire vivre les principes de la République, y compris dans sa dimension d'alerte, d'interpellation et de contestation ».
Au-delà des sanctions arbitraires auxquelles les associations risquent d'être confrontées, Le Mouvement Associatif s'inquiète également de la disposition rendant les dirigeants associatifs responsables de la bonne application du contrat d'engagement républicain par les bénévoles, salariés et adhérents de l'organisation. Il faut souligner que cette obligation a été introduite par le décret d'application de la loi séparatisme de janvier 2022 et qu'elle ne figurait pas dans la loi elle-même.
Dans son communiqué de presse, Le Mouvement Associatif s'insurge :
« Cette disposition vient faire peser une responsabilité tout à fait disproportionnée, et dont les conditions de mise en œuvre restent très incertaines, sur les épaules de dirigeants bénévoles, au risque d’en décourager plus d’un. »
Le Mouvement Associatif s'est engagé à rester mobilisé dans les mois à venir pour « accompagner les associations et rendre compte des difficultés rencontrées dans la mise en application de ce dispositif ». Une plateforme plus large intégrant Le Mouvement Associatif et la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) a constitué un dossier contre le contrat d'engagement républicain afin de le porter devant les tribunaux, notamment la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
La Coalition libertés associatives (Coalition L.A.), avec le soutien d'un consortium de fondations européennes dans le cadre du projet Civitates, a publié récemment un article expliquant comment contester légalement des abus dans l'application de la loi sur le séparatisme et obtenir une assistance pour déposer des recours. En septembre 2021, Coalition L.A. avait déjà annoncé que la « bataille n'était pas terminée » et avait créé une cellule de veille concernant la loi sur le séparatisme au sein de son Observatoire des libertés associatives.
Dissolution d'une OSC de défenseurs des droits des musulmans
Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), une association dont le but était de combattre les discriminations envers les personnes musulmanespar voie légale, a été dissous par décret le 2 décembre 2020. Le ministre de l'Intérieur l'avait accusé de « provocation aux actes de terrorisme » en réaction au meurtre de Samuel Paty, un enseignant assassiné après avoir montré des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves.
Le Conseil d'État a approuvé la dissolution fin septembre 2021. Comme le signale La Ligue des droits de l'homme (LDH), le décret s'appuie sur le fait qu'au motif de la lutte contre la discrimination et la haine anti-musulmans, le CCIF s'est rendu lui-même coupable de discrimination et de haine. Pour le Conseil d'État, « critiquer sans nuance » des politiques publiques ou des lois que l'on considère comme discriminatoires, c’est pousser les victimes de la discrimination alléguée sur la pente de la radicalisation et les inviter à se soustraire aux lois de la République. À ce propos, la LDH avait alerté :
« Pour en arriver à cette conclusion, le Conseil d’État a totalement dévoyé un texte conçu, à l’origine, pour combattre la propagation d’idéologies violentes, racistes et inégalitaires, qu’il transforme ainsi en arme létale utilisable contre toute association de défense des droits et des libertés. »
« La décision est également inquiétante en ce qu’elle revient à admettre qu’une association est responsable, non pas seulement de ses actions propres et de ses prises de positions publiques, mais également de celles de ses anciens dirigeants – y compris lorsqu’ils s’expriment à titre personnel –, de celles de ses membres, anciens membres et même des personnes qui commentent ses publications électroniques. Les associations sont ainsi sommées, sous peine de dissolution sans mise en demeure préalable, d’exercer une vigilance de tous les instants sur les propos ou actes de leurs membres – des propos ou des actes qu’en l’espèce le ministère public n’avait du reste jamais jugé opportun de poursuivre. »
En outre, la dissolution administrative de Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI) a été prononcée par décret le 20 octobre 2021 en s'appuyant sur des motifs similaires.
Les dissolutions d'OSC qui défendent les droits des musulmans ont lieu dans un climat croissant d'islamophobie et de xénophobie dans le paysage politique et médiatique français. Une enquête inédite publiée le 1ᵉʳ février 2022 par l'Observatoire des libertés associatives montre comment les dérives de la lutte contre l'islamisme sont passées de l'antiterrorisme à l'entrave politique et financière contre les associations auxquelles participent des personnes musulmanes. Elles ont entraîné « une chasse aux sorcières » qui risque de s'avérer contre-productive et liberticide.
« Ces attaques infondées contre ces associations relèvent d’une police administrative aux motivations idéologiques, une chasse aux sorcières qui devrait heurter toutes celles et tous ceux attachés à l’État de droit et aux libertés associatives. »
Un site web d'extrême droite publie des listes de centaines d'« islamo-gauchistes » et d'organisations de la société civile qui aident les migrants
Comme l'a rapporté le journaliste Taha Bouhafs en septembre 2021, le site français d'extrême droite Fdesouche a rédigé et publié une liste avec des centaines de soi-disant « islamo-gauchistes ». Ce site est lié à Génération Identitaire, un groupe d'extrême droite violent dissous par le gouvernement français en mars 2021 et qui tient une « revue de presse » sur les sujets qui intéressent l'extrême droite (immigration, islam, etc.).
Début août, je découvrait l’existence d’un fichier très suspect provenant du site de « Fdesouche »
— Taha Bouhafs 🔻 (@T_Bouhafs) September 16, 2021
C’est un tableau Excel qui établit une liste de ethnique et politique, de ce que l’extrême droite considère comme les « islamogauchiste » des centaines de personnes sont fichées ; pic.twitter.com/ddSwSyVP74
Environ 350 journalistes, avocats, imams, élus et hommes politiques de tous bords étaient recensés sur un fichier Excel. On y trouvait le poste qu'ils occupent dans leur organisation et ils avaient été classés en fonction de leur appartenance ethnique et politique. Il a été publié en téléchargement sur le site de Fdesouche, mais finalement a été supprimé le 17 septembre 2021. Une seconde liste comprenant près de 800 initiatives et associations d'aide aux migrants dans toute la France a également été publiée. Ce registre contenait de nombreuses informations sensibles, comme des noms, des adresses, des coordonnées et des descriptions d'activités. Plus de 90 personnes, dont M. Bouhafs, ainsi que d'autres personnalités, militants ou associations concernés, ont déposé une plainte contre le site d'extrême droite.
Criminalisation croissante des défenseurs des droits de l'homme et de l'environnement
En France, la répression à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme et de l'environnement s'intensifie et la loi du 8 octobre 2021 est venue élargir l'arsenal juridique pouvant être utilisé contre le militantisme climatique. L'article 10 de cette loi vise à renforcer la criminalisation de la désobéissance civile en créant un nouveau délit, celui d'« intrusion sur les pistes d'aéroport », passible de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 7 500 EUR (voir mise à jour précédente).
Auparavant, le 13 décembre 2019, avait été mis en place un dispositif de surveillance des militants écologistes. Il s'agit de la cellule Déméter, fruit d'une convention signée entre le ministère de l'Intérieur, la Gendarmerie, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs – les deux principaux syndicats agricoles – dont le but est de lutter contre l'« agribashing ». La création de cette cellule visait à criminaliser l'expression des opinions, ce qui est en contradiction avec le principe fondamental de la liberté d'opinion de la République française. Le 1ᵉʳ février 2022, le tribunal administratif de Paris a jugé que les missions idéologiques de cette cellule de renseignement n'ont pas de base légale et a donc ordonné au gouvernement d'y mettre fin dans un délai de deux mois, sous peine d'une amende de 10 000 euros par jour de retard. Comme le rapporte l'ONG de défense de l'environnement Pollinis, le gouvernement a décidé de faire appel de la décision du tribunal et de « forcer la main pour défendre, coûte que coûte, les missions illégales d'intimidation idéologique et de surveillance que Déméter accomplit afin d'étouffer la contestation de l'agro-industrie aux grands frais de l'État ».
Les associations Pollinis et Générations Futures s'apprêtent donc à riposter par la voie judiciaire, aux côtés de l'avocate spécialiste de l'environnement Corinne Lepage et invitent les citoyens à signer une lettre ouverte au gouvernement pour exiger la dissolution immédiate de Déméter et la garantie du droit inaliénable des citoyens à protéger l'environnement et la biodiversité.
Les OSC ont franchi une étape importante pour la justice climatique
Malgré le contexte hostile au militantisme climatique, le 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a donné raison à l'Affaire du siècle et a condamné l'État français à réparer, avant le 31 décembre 2022, le préjudice écologique causé par l'émission excessive de gaz à effet de serre (GES) entre 2015 et 2018.
L'affaire a débuté en décembre 2018, lorsque Notre affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France ont envoyé une demande préalable indemnitaire au gouvernement français. Une pétition en ligne a alors été lancée et a recueilli plus de deux millions de signatures en moins de trois semaines. Le 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris a reconnu la culpabilité de l'État dans l'inaction climatique et l'existence d'un préjudice écologique. Cette décision définitive est intervenue après une audience qui s'est déroulée le 30 septembre 2021 et au cours de laquelle la rapporteuse publique a proposé aux juges d'enjoindre à l'État de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de prévenir une nouvelle aggravation du préjudice climatique sur la base des mémoires fournis par les OSC requérantes et le gouvernement.
📢ALERTE📢L'Etat français est condamné à réparer les conséquences de son inaction climatique #LAffaireDuSiecle #PasDeClimatPasDeMandat https://t.co/8jMWRMWcQE
— Greenpeace France (@greenpeacefr) October 14, 2021
Un nouveau projet de loi menace d'accroître la surveillance
Le 19 octobre 2021, le Sénat français a adopté avec des modifications la première lecture du projet de loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure, qui aborde, entre autres, l'usage de drones de surveillance par les forces de l'ordre. Le projet de loi avait déjà passé l'examen de l'Assemblée nationale le 23 septembre 2021, en première lecture également. Cette législation a été critiquée en raison de certaines mesures qui figuraient déjà dans le projet de loi sur la sécurité globale (voir mise à jour précédente), lequel avait été rejeté par le Conseil constitutionnel à cause des dispositions relatives à l'utilisation de drones de surveillance, qui n'étaient pas conformes au droit à la vie privée.
La Ligue des Droits de l'Homme (LDH) a dénoncé que l'adoption de ce projet de loi sur la sécurité contribue à l'instauration d'un état de surveillance.
#LoiSécuritaire | L’assemblée nationale approuve l’usage des #drones par les forces de l’ordre, après sa censure dans un précédent projet de loi. La poursuite obstinée d'une logique de société de la #surveillance généralisée. Nous sommes tous-tes visés !https://t.co/cM7yWZNwzi
— LDH France (@LDH_Fr) September 29, 2021
Liberté de réunion pacifique
Les mauvais traitements infligés aux exilés à la frontière franco-britannique ont entraîné une mobilisation massive des OSC
Depuis la mi-octobre 2021, la situation des exilés à Calais et sur les côtes du nord de la France a retenu l'attention de la population, des médias et du monde politique et associatif. Le rapport de force entre le gouvernement et les OSC et les citoyens défendant les droits des exilés est toujours défavorable aux défenseurs des droits. La rhétorique anti-migrants, souvent construite à partir d'arguments erronés, est portée et relayée par différents partis politiques, et pas seulement par l'extrême droite – même si le contexte électoral marqué par les candidatures d'Éric Zemmour et de Marine Le Pen a rendu très présent le discours anti-migrants dans le débat public en amont des élections présidentielles d'avril 2022. De plus, les acteurs de la société civile qui défendent les droits de l'homme des exilés n'ont que peu de visibilité.
À la suite de la mort d'un jeune Soudanais écrasé par un camion, trois personnes, dont un prêtre jésuite lié au Secours Catholique Caritas France, ont entamé une grève de la faim le 11 octobre 2021 dans le but de mettre fin aux mauvais traitements infligés aux exilés qui cherchent à franchir la Manche pour rejoindre le Royaume-Uni. Cette grève de la faim a été lancée par des personnes inconnues du grand public et sans le soutien préalable du monde associatif. En dépit de cela, elle a été largement médiatisée grâce à une forte mobilisation citoyenne et associative entre le 20 et le 25 octobre 2022, à l'initiative de VoxPublic. Malgré les 37 jours de grève de la faim, la mobilisation des associations et les revendications minimales des grévistes — l'arrêt des expulsions des camps pendant l'hiver et la reconnaissance du droit des associations à distribuer de l'aide dans les lieux de vie des exilés —, le gouvernement n'a fait quasiment aucune concession.
Après la mort de 27 exilés, dont plusieurs enfants, dans la Manche le 24 novembre 2021, le gouvernement et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin n'ont fait que pointer du doigt les passeurs, sans remettre en cause leur politique à l'encontre des exilés vivant sur le littoral. Pourtant, au cours trente dernières années, il a été démontré que l'usage de la force et la militarisation progressive de la frontière franco-britannique (côté français) sont coûteux et inefficaces, en plus d'être préjudiciables aux droits de l'homme, comme le soulignent deux rapports publiés le 4 février 2022 par la Plateforme des soutiens aux migrantes (PSM). Dans un de ces rapports, une personne interrogée affirme :
« Ce système est fait pour que tu perdes ton temps, tes espoirs, tes meilleures années, c’est tellement injuste… On est perçu comme des criminels, on est traités comme des chiens. Maintenant, il y a bientôt des élections et alors ils nous font partir davantage, la police vient nous contrôler presque quotidiennement. Ce n’est pas humain, ils nous prennent nos affaires, ils sont racistes, c’est leur manière de faire passer le message qu’ils ne veulent pas de nous. Ce n’est pas humain ! Qu’ils me disent où je peux aller pour vivre dignement ! »
Relaxe en appel pour les « sept de Briançon »
L'article L622-1 du Code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile stipule (avec quelques exceptions) que « toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France dans un but lucratif sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 € ». Cédric Hérrou, un militant de la vallée de la Roya qui avait aidé des migrants en les hébergeant dans sa ferme à côté de la frontière italo-française, a été poursuivi en vertu de cette législation et cela a donné lieu à de nombreuses affaires judiciaires. Après une condamnation, un appel et un pourvoi en cassation, le procès de Cédric Hérrou a été renvoyé devant la Cour d'appel de Lyon, qui l'a acquitté des faits qui lui étaient reprochés le 13 mai 2020. Malgré cela, le procureur général a formé un nouveau pourvoi devant la Cour de cassation qui a été rejeté le 31 mars 2021 et mis fin ainsi à toutes les procédures judiciaires contre Hérrou.
Cependant, en dépit de la nouvelle jurisprudence, le parquet français a continué à faire une interprétation restrictive des exemptions pour motifs humanitaires, à l'exemple des sept personnes poursuivies pour avoir participé à une manifestation pacifique le 22 avril 2018 en réaction à une action anti-migrants du groupe d'extrême droite Génération identitaire (dissous à présent). À cette occasion, environ deux-cents personnes ont franchi la frontière alpine entre l'Italie et la France, parmi eux, des migrants. Ils ont été surnommés les « sept de Briançon » et ont été poursuivis pour avoir prétendument « aidé les migrants à entrer » dans le territoire français. En décembre 2018, le tribunal pénal de Gap les avait condamnés en première instance et certains d'entre eux ont reçu des peines de prison. Ils n'ont été acquittés en appel que le 9 septembre 2021.
Dans sa décision du 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a consacré le principe de fraternité et a statué qu'« il découle du principe de fraternité la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». En dépit de ce jugement, le procureur de la République et certaines juridictions continuent d'adopter une attitude hostile envers les militants des droits de l'homme. Seules les interventions des plus hautes autorités juridictionnelles ont permis de mettre un terme à ces procédures.
Les manifestations contre la COVID-19 interdites d'accès à la capitale
Le 10 février 2022, la préfecture de police de Paris a interdit au « Convoi de la liberté » l'accès à la capitale du 11 au 14 février 2022, en raison de risques de troubles à l'ordre public. Le mouvement s'était inspiré de l'agitation qui secouait l'Ottawa, au Canada, début février 2022, où des milliers de camionneurs canadiens et leurs partisans s'étaient levés contre l'obligation vaccinale pour le transit transfrontalier en provenance des États-Unis. Malgré cela, les manifestants français ont enfreint l'interdiction et sont entrés dans la capitale le 12 février 2022 où ils ont été dispersés par la police au moyen de gaz lacrymogènes. Selon les forces de l'ordre, 54 personnes ont été arrêtées.
Manifestations pendant la Journée internationale des femmes
Des femmes se sont rassemblées dans plusieurs villes de France le 8 mars à l'occasion de la Journée internationale de la femme pour protester contre les féminicides et les inégalités entre les sexes, notamment l'écart de rémunération entre hommes et femmes. Plusieurs milliers de femmes se sont réunies à Paris et ont reproché au gouvernement d'Emmanuel Macron d'échouer dans la lutte contre les inégalités entre les sexes. Plusieurs organisations, dont Women's Foundation et Oxfam, ont présenté un « pacte d'urgence » comprenant dix revendications qu'elles souhaitent voir mises en œuvre dès le début du prochain quinquennat, dont un « Grenelle de l’égalité salariale ».
Le cortège, composé principalement de jeunes femmes, qui s’étend sur tout le boulevard Maubeuge depuis la Gare du nord, arrive place de la République. #8mars #JourneeDesDroitsDesFemmes pic.twitter.com/OmTLOfDwVl
— Cécile Bouanchaud (@CBouanchaud) March 8, 2022
Liberté d'expression
Entre fin 2021 et début 2022, les médias et les journalistes français ont subi des menaces de diverse nature en provenance de différents acteurs du paysage politique et social.
Un journaliste agressé verbalement par le coprésident du groupe des Verts au Parlement européen
Le 14 décembre 2021, le journaliste de Libération Jean Quatremer a été agressé verbalement par Philippe Lamberts, coprésident du groupe politique des Verts au Parlement européen, qui a insulté son travail journalistique lors d'une conférence de presse. Quatremer suppose que cette attaque a été déclenchée par un article qu'il a écrit début décembre 2021 à propos d'une enquête sur le trafic d'influence entre les Verts, Renouveau et le PPE dans le cadre de l'élection de Roberta Metsola à la présidence du Parlement européen.
RSF condemns the insults from MEP @ph_lamberts towards @Libe journalist Jean @Quatremer who investigated influence peddling at EU bodies. Calling him a "so called journalist" doing "shitty" work & writing "bullshit" is not acceptable and constitutes an attempt to #pressfreedom. https://t.co/CpsoMmPLqr
— RSF (@RSF_inter) December 22, 2021
Des journalistes agressés verbalement et physiquement par des manifestants antivaccins
En janvier 2022, à différentes occasions, plusieurs journalistes ont été victimes de violences verbales ou physiques de la part de manifestants opposés au vaccin contre la COVID-19 :
- Le 3 janvier 2022, à Paris, des manifestants ont insulté et menacé le journaliste de la chaîne LCI Paul Larrouturou devant l'Assemblée nationale, alors qu'il tentait d'interviewer certains d'entre eux.
- Le 8 janvier 2022, à Nantes, trois manifestants ont agressé physiquement et poussé au sol la photographe indépendante Estelle Ruiz. Ils ont saisi son appareil photo et l'ont jeté par terre en le détruisant au moment où elle prenait des clichés pour l'agence Studio Hans Luca.
- Le 15 janvier 2022, au Palais de Tokyo, à Paris, environ 150 participants à une manifestation d'antivaccins organisée par le parti d'extrême droite Les Patriotes ont approché une équipe de l'Agence France-Presse (AFP) composée par deux reporters d'images accompagnés de deux agents de sécurité. Une cinquantaine de ces manifestants ont attaqué le groupe de l'AFP et les ont menacés de mort. Ce n'est qu'après l'intervention des agents de sécurité que les journalistes ont réussi à s'échapper. Les agents de sécurité ont été frappés à coups de matraque et l'un d'entre eux a été touché par une bouteille à la tête. Finalement, l'équipe de l'AFP a réussi à s'abriter derrière un cordon de gendarmerie mobile.
- Le 24 janvier 2022, la journaliste Ophélie Meunier a été la cible de menaces de mort sur Internet après la diffusion d'un épisode de l'émission Zone interdite qu'elle présente sur la chaîne M6 et qui portait sur l'islamisme radical en France. Elle a été placée sous protection policière.
- Le 9 février 2022, près de Perpignan, une équipe de BFM TV a fait l'objet d'intimidations et a été empêchée de prendre l'antenne pour couvrir le Convoi de la liberté français (un mouvement nouveau inspiré du Convoi de la liberté canadien), qui a rassemblé des conducteurs pour protester contre les mesures sanitaires contre la COVID-19, entre autres. Un groupe de manifestants a encerclé l'équipe de télévision, l'a menacée et a reproché à BFM TV de ne pas fournir d'informations objectives pendant la crise sanitaire.
"Convoi de la liberté": notre équipe de journalistes empêchée de faire un duplex pic.twitter.com/nNuJmFMUu4
— BFMTV (@BFMTV) February 9, 2022
Le média indépendant Nantes Révoltée sous procédure de dissolution administrative
Le 25 janvier 2022, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé devant l'Assemblée nationale que le média local indépendant Nantes Révoltée serait dissous par une procédure administrative. Ce média est connu pour sa couverture en ligne des mouvements sociaux et environnementaux. Selon le syndicat de journalistes SNJ-CGT, cette dissolution est « une menace pour la liberté de la presse dans son ensemble », étant donné que « depuis dix ans, Nantes Révoltée est devenu l'un des médias incontournables sur le sujet des violences policières ». Le 29 janvier 2022, la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) a demandé à Gérald Darmanin l'interruption du processus de dissolution.
Deux journalistes blessés par des manifestants indépendantistes en Corse
Le 9 mars 2022, des manifestations indépendantistes ont eu lieu dans les principales villes de Corse en réaction à l'agression d'une figure nationaliste emprisonnée. Ces mobilisations ont donné lieu à quelques incidents violents à l'encontre des journalistes. À Bastia, un photojournaliste de Corse-Matin a été agressé par un manifestant qui l'a frappé à la tête avec une pierre. Après avoir été secouru par les pompiers, le photographe a été emmené à l'hôpital où il a été soigné.
#France : au moins 1 journaliste, le photographe @RaphaelPoletti, a été frappé par un manifestant hier soir à #Bastia alors qu'il couvrait la mobilisation contre la tentative de meurtre d’#YvanColonna pour @libe & @Corse_Matin. Blessé à la tête, il a depuis été pris en charge. pic.twitter.com/WNlTO8rs4E
— RSF en français (@RSF_fr) March 10, 2022
À Ajaccio, un journaliste de TF1 a été touché par une grenade qui l'a blessé à la jambe, alors qu'il couvrait la manifestation. Il a reçu sept points de suture dans un hôpital local ainsi que dix jours d'ITT (incapacité totale de travail).
Une journaliste visée par des menaces de viol et de mort
Le 16 mars 2022, la journaliste de Vice France Justine Reix a signalé sur Twitter qu'elle avait été harcelée par l'« ami » d'une ancienne personne interviewée, qui menaçait de la violer et de la tuer si elle ne supprimait pas l'interview. Cette personne a traité Reix de « sale pute » au téléphone et a proféré des menaces de mort contre sa famille et son éditeur. Reix a déposé une plainte auprès de la police et a reçu le soutien de ses éditeurs, qui lui ont également proposé une assistance juridique.
"Sale pute, je vais te tuer si tu ne supprimes pas l'interview". Hier, un "ami" d'un de mes anciens interviewés m'a m'appelé sans arrêt pendant une demi-heure à 23h30. Menaçant ma vie, celle de mon rédacteur en chef, de ma famille, sans oublier les incitations au viol etc...
— Justine Reix (@Justine_Reix) March 16, 2022