RD Congo : Répression contre l’opposition avant les élections https://t.co/MokopKQJ5V
— HRW en français (@hrw_fr) August 22, 2023
Contexte
L'étau se resserre sur l'opposition à l'approche des élections générales
Le groupe de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a dénoncé que depuis mai 2023, en prévision des élections générales qui devraient se tenir le 20 décembre 2023, les autorités ont pris pour cible les dirigeants de partis politiques d’opposition, ont restreint leurs libertés fondamentales, et ont arrêté certains cadres de ces partis. Entre autres, elles ont arrêté des dirigeants et de hauts responsables de l'opposition et ont empêché des sit-ins, des rassemblements et des réunions politiques organisés par des membres de l'opposition.
Salomon Idi Kalonda, un des principaux conseillers du candidat à la présidence Moïse Katumbi, a été arrêté le 30 mai 2023. Il est accusé de trahison, d'entente avec des officiers rwandais et de complicité avec le groupe armé M23. Les autorités de la RDC et des rapports des Nations unies accusent le Rwanda de soutenir le M23. Le 20 juin 2023, des membres de la Garde républicaine ont arrêté à Kinshasa Franck Diongo, candidat de l'opposition, qui est accusé de possession illégale d'arme. Il est resté en détention au siège des renseignements militaires et a été libéré sans charges le 15 juillet 2023.
Le 13 juillet 2023, le corps du député et porte-parole du parti d'opposition Ensemble pour la République, Chérubin Okende Senga, a été retrouvé sans vie à l'intérieur de sa voiture, à Kinshasa. Peu après les faits, deux personnes ont été arrêtées en lien avec le meurtre et le gouvernement a annoncé l'ouverture d'une enquête pour garantir la transparence dans l’affaire, sans toutefois fournir de précisions à ce sujet.
Plus de cinquante personnes, adeptes d’une secte hostile aux Nations unies, avaient été tuées à la fin d’août quand des militaires avaient ouvert le feu sur la foule. La peine capitale n’est plus appliquée en RDC et est systématiquement commuée en ... https://t.co/IW0JXtOXza
— Le Monde Afrique (@LeMonde_Afrique) October 3, 2023
Liberté de réunion pacifique
Une manifestation contre la MONUSCO et la force régionale de la Communauté de l'Afrique de l'Est fait une cinquantaine de morts
Le 30 août 2023, plus de cinquante personnes ont été tuées par balle lors d'une manifestation à Goma, dans la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC. Tôt dans la matinée, des militaires avaient été déployés afin d'empêcher une manifestation pour réclamer le départ de la force de maintien de la paix des Nations unies en RDC (MONUSCO) et des soldats de la force militaire régionale de la Communauté de l'Afrique de l'Est. Les autorités locales avaient interdit la manifestation organisée par la secte mystique Foi naturelle judaïque et messianique vers les nations.
Selon des médias qui citent un document interne des Forces armées de la RDC (FARDC), au moins 48 civils ont été tués lors de la manifestation, 75 personnes ont été blessées et 168 personnes ont été arrêtées, dont Efraimu Bisimwa, le « gourou » de la secte. Un agent de police aurait été lapidé à mort durant la manifestation également. Plus tard, le colonel Michel Kachil, représentant du ministère public, a déclaré que 56 personnes ont perdu la vie pendant la mobilisation.
Le 1ᵉʳ septembre 2023, 143 civils qui avaient été arrêtés lors de la manifestation et avaient été accusés d’être les instigateurs des violences ont comparu devant le tribunal militaire de Goma. Cependant, le 4 septembre 2023, le vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur et de la Sécurité Peter Kazadi a annoncé la libération de toutes les personnes arrêtées et la prise en charge par le gouvernement des obsèques des personnes tuées le 30 août 2023.
Le 5 septembre 2023 a commencé le procès de six militaires congolais, dont deux membres de la Garde républicaine, un corps d’élite, devant la cour militaire du Nord-Kivu, au camp militaire de Katindo, à Goma. Tous sont poursuivis pour « crime contre l’humanité par meurtre et incitation des militaires à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline ». Le 2 octobre 2023, le tribunal militaire a condamné quatre des six accusés.
Il semblerait que les forces militaires congolaises ont tiré sur la foule pour empêcher une manifestation. C'est un moyen brutal et illégal de faire respecter une interdiction. Depuis deux ans, les autorités militaires utilisent l'état de siège dans la province du Nord-Kivu pour réprimer brutalement les libertés fondamentales. Thomas Fessy, chercheur spécialiste sur la RDC à Human Rights Watch
- Thomas Fessy, chercheur spécialiste sur la RDC à Human Rights Watch
Bien qu'il ait eu plusieurs manifestations contre la MONUSCO dans l'est de la RDC, les manifestants considèrent qu'elles n’ont pas contribué à réduire l'insécurité dans la région. Comme nous l'avons signalé sur le Monitor CIVICUS, au moins 36 personnes ont été tuées lors de manifestations contre l'ONU en juillet 2022.
#FreeStanis - Stanis Bujakera Tshiamala, correspondant de @jeune_afrique en #RDC, a été placé sous mandat d’arrêt provisoire le 11 septembre, après trois jours de garde à vue.
— Jeune Afrique (@jeune_afrique) September 12, 2023
Cette détention est en contradiction avec les dispositions relatives au droit public à l’information de… pic.twitter.com/bS6mOi4Cyq
Liberté d'expression
Un journaliste arrêté et poursuivi en justice
Le 8 septembre 2023, le journaliste de renom Stanis Bujakera Tshiamala, directeur de publication adjoint du site d'information actualite.cd et correspondant de Reuters et de Jeune Afrique, a été arrêté à l'aéroport Kinshasa-N'djili. Il a été accusé de « répandre de fausses rumeurs » et de « diffuser de fausses informations ». Ces accusations portent sur un article publié par Jeune Afrique le 31 août 2023 selon lequel l'Agence nationale de renseignements aurait affirmé dans un rapport que les membres de l'état-major des renseignements militaires sont responsables de l'enlèvement et de l'assassinat de Chérubin Okende Senga, député et porte-parole du parti d'opposition Ensemble pour la République, le 13 juillet 2023. L'article était signé par « la rédaction » de Jeune Afrique et le nom du journaliste qui l'avait rédigé n'y figurait pas.
Le gouvernement de la RDC a mis en question l'authenticité du rapport de l'Agence nationale de renseignements et a assuré qu'il s'agissait d’un supercherie visant à « discréditer les actions du gouvernement ».
Le journaliste a été emmené à un poste de police où on lui a confisqué son ordinateur portable et ses deux téléphones. Au bout de trois jours de garde à vue au cours desquels il avait été interrogé à trois reprises à propos de l'article, le dossier de Bujakera a été transféré au parquet de Kinshasa-Gombe, qui a délivré un mandat d'arrêt provisoire. Il a été emmené à la prison de Makala, à Kinshasa, le 14 septembre 2023.
Le 20 septembre 2023, le Rassemblement des journalistes pour l'émergence du Congo (RAJEC), a organisé un sit-in à Kinshasa, devant les bureaux du ministère de la Justice, pour réclamer la libération sans condition de Bujakera. Ils ont demandé également la fin des poursuites judiciaires contre les journalistes en RDC. Les manifestants ont remis un mémorandum au cabinet de la ministre de la Justice. Le 19 septembre 2023, le groupe de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières (RSF) a saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies.
Comme nous l'avons signalé sur le Monitor CIVICUS, le ministre de la Défense, Gilbert Kabanda, a déposé une plainte contre Bujakera en mars 2023 pour « publication de fausses rumeurs ». Le journaliste a reçu des menaces en 2022, notamment des menaces de mort, via les réseaux sociaux et par téléphone, en raison de sa couverture de la situation dans l’est de la RDC.
RDC : à quatre mois des élections, RSF s’inquiète des attaques contre les journalistes couvrant le processus électoral https://t.co/JiZCOIFGY8
— ACTUALITE.CD (@actualitecd) August 21, 2023
Des journalistes font les frais de la campagne électorale
Selon les organisations de défense de la liberté de la presse Journalistes en danger (JED), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF), plusieurs journalistes ont été victimes de violences physiques alors qu'ils couvraient des activités politiques à l'approche des élections générales de décembre 2023. Voici quelques cas :
- Franck Kalonji, journaliste du site d'information en ligne actu7.cd, a été giflé et malmené le 29 juillet 2023 par des partisans du parti d'opposition Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECIDE), la formation politique du leader d'opposition Martin Fayulu, lors d'une réunion du groupe à Ndjili. Il a déclaré qu'avant l'attaque, des hommes lui ont pris son portable et l’ont accusé d'être un espion envoyé par l'UDPS, le parti du président Tshisekedi. L'attaque a été stoppée grâce l'intervention des responsables de l'ECIDE, qui sont également intervenus pour qu'on lui rende son téléphone.
- Le même jour, des partisans présumés de l'UDPS ont attaqué un convoi de journalistes qui accompagnaient Delly Sesanga, député et candidat à la présidence du parti politique Envol, à un rassemblement à Kananga, dans la province du Kasaï-Central. Les agresseurs ont jeté des pierres, brûlé des pneus et barricadé des routes pour empêcher le groupe de participer au rassemblement. Sesanga et les journalistes Elysée Odia de Yabisonews.cd, Didier Kebongo du quotidien Forum des As et Trésor Kalafayi de Congo Web TV ont été blessés légèrement à la tête.
- Le journaliste José Nkoso, directeur de Radio Bomoko Mankanza, a été agressé à son domicile à Mankanza, dans la province de l'Équateur, le 25 juillet 2023 par Lich Nkele, président fédéral du Mouvement de libération du Congo (MLC), un parti politique allié au président Tshisekedi, et trois membres de ce parti. En déclarations au CPJ, Nkoso a relaté que ses agresseurs étaient en colère parce qu'un militant qu'il avait interviewé sur Radio Bomoko avait affirmé que de nombreux candidats du MLC perdraient les élections. Les quatre auteurs présumés ont frappé le journaliste à coups de bâton et ont cassé des fenêtres et des portes de sa maison. Ils ont été arrêtés, mais Nkele a été libéré plus tard.
- Doux-Jésus Beledu, directeur du site d'information Liberteactu.cd, a été agressé début juillet 2023 à Kinshasa par des partisans présumés de l'opposition. Les agresseurs auraient encerclé le journaliste, l'auraient accusé d'être du côté du gouvernement et l'auraient menacé ; un d'entre eux lui aurait lancé un objet métallique.
M23 rebels ban radio show by displaced Congolese journalists - Committee to Protect Journalists https://t.co/5dfHCJzDxN
— CPJ Africa (@CPJAfrica) July 20, 2023
Un groupe rebelle armé interdit une émission de radio
Le 14 juillet 2023, le responsable de la communication et des médias du groupe rebelle armé M23 a interdit aux diffuseurs privés Radio Horizon FM, Radio Communautaire de Rutshuru, Radio Alliance et Radio Racove de retransmettre l'émission Sauti Ya Wahami (La voix des déplacés) à Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu, à l'est de la RDC. Selon le CPJ, le programme a été interdit de diffusion pendant soixante jours dans le but de promouvoir « la consolidation de la paix, l'entente entre les communautés et le vivre ensemble ».
Le groupe armé a convoqué les responsables des stations radio à une réunion en ligne pour évaluer le programme le 10 août 2023 et les a informés que l'émission resterait suspendue jusqu'à cette date. Lors de la réunion, le M23 a « autorisé » les radios à reprendre la diffusion de l'émission.
Sauti Ya Wahami est une émission de radio en swahili produite et animée par des dizaines de journalistes de Goma, en dehors des zones occupées par le M23, et dont la plupart sont des déplacés internes. Par le passé, les rebelles du M23 se sont rendus à plusieurs reprises dans les locaux des stations radio qui diffusent ou aident à produire Sauti Ya Wahami et ont intimidé ou menacé leur personnel.
En février 2023, le M23 avait déjà interdit la retransmission de Top Congo FM, une radio populaire de Kinshasa, pour une période de deux mois. RSF a indiqué que les stations ont reçu l'ordre de diffuser Maisha ya Kwetu (La vie à la maison), un programme hebdomadaire animé par un membre du M23. À ce jour, Top Congo FM reste interdite par le M23.
Alors que le M23 emploie des menaces pour soumettre les médias et les journalistes dans les zones occupées, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication (CSAC), l'autorité nationale de régulation des médias, a également menacé de poursuites judiciaires les médias qui se conformaient aux ordres du M23 et qui relayaient des informations émanant du groupe.
Des agents d'immigration agressent un journaliste
Le 1ᵉʳ septembre 2023, dix agents d'immigration auraient saisi, traîné et jeté au sol le journaliste Soleil Ntumba Mufike, directeur de l'information à la chaîne radio Malandji. L'incident s'est produit alors qu'il couvrait l'expulsion, ordonnée par un tribunal, de la famille du directeur adjoint de la Direction générale de migration à Kananga, dans la province du Kasaï-Central. Des policiers seraient intervenus pour mettre fin à l'agression, mais le journaliste a quand même perdu son microphone et sa caméra a été brisée