Cette mise à jour couvre les événements liés aux libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique survenus au Cameroun du 11 janvier 2025 au 28 octobre 2025.
Liberté de réunion pacifique
Élection présidentielle : l'opposition et l'espace civique sont soumis à des restrictions flagrantes
Le président Paul Biya, le dirigeant le plus âgé du monde et deuxième dirigeant le plus ancien d'Afrique, a brigué un huitième mandat en 2025. En 2008, une modification constitutionnelle rédigée par son propre parti avait aboli la limitation à deux mandats présidentiels. Le parti de Biya, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), contrôle toutes les institutions gouvernementales, y compris la commission électorale et le pouvoir judiciaire. Les élections présidentielles de 2018 se sont déroulées dans un contexte marqué par les tensions politiques et sécuritaires, ainsi que par l'arrestation du candidat de l'opposition Maurice Kamto et de plus de 200 de ses partisans. En septembre 2025, 36 d'entre eux, qui avaient participé à des manifestations, étaient toujours incarcérés à la prison centrale de Kondengui. En 2020, les partis d'opposition ont boycotté les élections législatives et municipales. Une fois de plus, Paul Biya a bravé les nombreux appels à passer le relais, notamment ceux émanant de l'Église catholique et des leaders de la société civile de son bastion traditionnel. De plus, l'absence de campagne électorale lui a valu des critiques.
Plusieurs réunions de partis d'opposition ont été interdites ou empêchées de mars à juin 2025 :
– Le 28 mars 2025, l'administrateur civil et sous-préfet de l'arrondissement d'Eséka a interdit, dans toute la circonscription, les manifestations du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN) prévues les 27, 28 et 29 mars 2025. Le porte-parole du parti d'opposition a dénoncé avec fermeté la décision.
- Le 10 avril 2025, le sous-préfet de Mbanga, Temboh Christine Nkefor, a interdit une manifestation du Front pour le changement au Cameroun (FCC) prévue le 13 avril 2025 dans le Moungo, invoquant de « sérieuses menaces de trouble à l'ordre public ». Le président national du FCC, qui est également député, a vivement réagi et a dénoncé une application discriminatoire du droit de manifester. « Le parti-État, en l'occurrence, le RDPC, a organisé des manifestations publiques le 24 mars dernier dans cette même circonscription administrative en présence de ce sous-préfet », a-t-il rappelé.
- Le 9 mai 2025, Nevala Pierre, sous-préfet de l'arrondissement de Maroua I, a officiellement interdit une manifestation : Ismaila Wano, au nom de la Plateforme des jeunes de l'Extrême-Nord pour l'émergence, avait déposé une demande d'autorisation pour une marche le 10 mai 2025. « [Nous voulons exprimer] notre mécontentement et nos aspirations à l'égard de nos élites politiques », avait-il expliqué. L'événement a été interdit pour « des raisons liées à la préservation de la paix publique et à l'absence de récépissé de reconnaissance de l'organisation ». Dans son arrêté, le sous-préfet avait indiqué que l'interdiction serait immédiatement appliquée et transmise aux forces de l'ordre pour une application stricte.
Les 7 et 8 juin 2025, les autorités ont complètement coupé la circulation dans le quartier de Deido, fief du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), où Maurice Kamto devait rencontrer ses partisans. Le préfet du Wouri avait interdit les motos-taxis par décret. Des centaines de partisans de Kamto ont franchi le cordon de sécurité et se sont rassemblés devant le siège local du parti. Des agents des forces de sécurité lourdement armés ont également encerclé le domicile de Kamto, l'empêchant de sortir pour se rendre à un rassemblement.
La liste provisoire des candidats retenus pour l'élection présidentielle a été publiée le 26 juillet 2025 par l'ELECAM, l'organisme chargé des élections au Cameroun. Cependant, Maurice Kamto, le principal opposant de Biya, avait été exclu du scrutin. L'ELECAM a alors soutenu qu'il avait reçu deux candidatures différentes du parti de Kamto. Ce dernier a déposé un recours contre sa disqualification devant le Conseil constitutionnel. Aucun média n’a été autorisé à retransmettre en direct les débats et décisions du Conseil constitutionnel, et des agents des forces de l'ordre équipés de dispositifs antiémeute ont été postés à plusieurs axes stratégiques à proximité de l'institution. Le 4 août, les forces de sécurité ont arrêté au moins 53 partisans de l'opposition devant le Conseil constitutionnel à Yaoundé, alors que se tenaient des audiences d'appel, pour « trouble à l'ordre public, rassemblement illégal, rébellion et incitation à la révolte ». Certains d'entre eux ont passé plus de quarante jours dans les cellules du commissariat central numéro 1 de Yaoundé. Le 28 octobre 2025, treize personnes arrêtées ont été condamnées à un mois de prison et à des amendes par un tribunal militaire, à la suite d'une procédure sans comparution. À propos des civils jugés par des juridictions militaires, Maximilienne Ngo Mbe, militante des droits de l'homme et directrice de l'OSC REDHAC, avait dénoncé une « curiosité camerounaise que nous voyons de plus en plus ».
Le Conseil constitutionnel a rejeté le recours de Kamto le 5 août 2025. Human Rights Watch et d'autres groupes de défense des droits de l'homme ont dénoncé son exclusion du scrutin et ont exprimé des inquiétudes quant à la crédibilité du processus électoral. Les dizaines de manifestants qui s'étaient rassemblés aux portes du Conseil constitutionnel pour soutenir Kamto ont été dispersés par la police au moyen de gaz lacrymogènes.
La décision d'exclure Maurice Kamto de la course à la présidence reflète l’intolérance persistante du gouvernement à l'égard de toute opposition et dissidence, et intervient dans un contexte de répression accrue à l'encontre d’opposants, d’activistes et d’avocats, à l'approche des élections, prévues plus tard cette année.
- Human Rights Watch
L'ancien ministre Issa Tchiroma Bakary est apparu comme le principal concurrent. Il critique un système « à bout de souffle », fustigeant notamment la confiscation du pouvoir, le tribalisme, l'impunité et l'exclusion des jeunes, et a réussi à galvaniser des foules. Selon l'International Crisis Group, « la faiblesse globale de l'opposition camerounaise peut être attribuée en grande partie à la répression de l'État, en particulier à l'emprisonnement — ou aux menaces d'emprisonnement — de personnalités ». Le gouvernement refuse systématiquement d'autoriser les manifestations de l'opposition ou envoie ses forces pour les interrompre.
Dans un contexte marqué par des tensions, les groupes de la société civile et les jeunes activistes ont continué d'organiser des manifestations pacifiques pour réclamer un processus électoral transparent. De même, le Partenariat pour une politique internationale des TIC en Afrique de l'Est et australe (CIPESA), Adisi-Cameroun, la plateforme #defyhatenow et d'autres ONG ont mis en place des ateliers pour lutter contre la désinformation et ont formé des enseignants et des citoyens afin qu'ils supervisent le processus électoral.
Le 2 septembre 2025, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a alerté sur les restrictions croissantes imposées à l'espace civique et démocratique à l'approche de l'élection présidentielle d'octobre.
Un environnement sûr et propice aux droits de l'homme est essentiel pour des élections pacifiques, inclusives et crédibles. Il semble malheureusement que ce ne soit pas le cas au Cameroun.
- Volker Türk, haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme
Le 8 septembre 2025, des séparatistes anglophones ont imposé un confinement dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ont barré les routes et ont fermé les commerces et les écoles, alors que l'année scolaire débutait, afin d'entraver la campagne pour l'élection présidentielle. Ils ont ordonné aux habitants de rester chez eux et de boycotter le scrutin. Ils ont également invité la population à ne pas voyager et à éviter de prendre le volant. Selon l'International Crisis Group, les rebelles ont menacé de perpétrer des violences durant la semaine des élections, et les milices séparatistes du Nord-Ouest auraient tué jusqu'à six civils dans la ville de Bamenda et ses environs, en septembre, alors qu'elles tentaient de faire respecter le confinement.
L'élection a eu lieu le 12 octobre 2025. La mission d'observation électorale conjointe de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de l'Union africaine (UA) a relevé quelques insuffisances logistiques et des irrégularités ponctuelles, dans un scrutin qui s'est déroulé globalement de manière satisfaisante. Une coalition d'organisations de la société civile a constaté des irrégularités majeures, comme la publication tardive des listes des bureaux de vote et des électeurs, la présence de nombreuses personnes décédées sur les listes électorales, ainsi que quelques scènes de violence et des affrontements avec les forces de police.
La veille des élections, dans la région du Nord, des manifestants ont lancé des projectiles sur des camions blindés de la Gendarmerie nationale. Issa Tchiroma Bakary s'est autoproclamé vainqueur le 14 octobre. Le lendemain, à Dschang, des manifestants ont incendié le palais de justice et le siège du parti Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). À Bonamoussadi, des manifestants se sont rassemblés devant les locaux d'ELECAM, mais ils ont été rapidement dispersés par les forces de sécurité. Les manifestations se sont ensuite étendues à d'autres villes. À Bafoussam, Maroua et Garoua, les manifestants, qui ont paralysé les centres de dépouillement, étaient majoritairement des jeunes qui réclamaient un changement dans la gouvernance.
Le 19 octobre 2025, de nombreuses manifestations et marches ont sillonné les rues de tout le pays. Issa Tchiroma Bakary a appelé ses partisans à continuer de se mobiliser. De nouvelles manifestations ont eu lieu le 21 octobre 2025. Ce jour, le ministre de l'Administration territoriale a annoncé l'arrestation de vingt personnes, à Garoua, en raison de « faits d'insurrection et d'incitation à la révolte ». Zouhaïra Hassana, enseignante à l'école primaire arabe de Poumpoumré, a été tuée par balle lors de cette manifestation. Selon certaines sources, l'auteur du crime serait un agent de sécurité. D'après le ministre de l'Administration territoriale, le décès « a été malicieusement attribué à la police par un média acquis au mouvement insurrectionnel ».
Le lendemain, le 22 octobre 2025, le gouvernement a interdit les rassemblements publics et l'utilisation de motos-taxis dans plusieurs villes, notamment à Yaoundé. Selon Mimi Mefo Info, des jeunes hommes ont été arrêtés à leur domicile à Buea et conduits dans des postes de police par des agents en uniforme. Les victimes auraient été contraintes de promettre qu'elles ne prendraient part à aucune manifestation.
Dans certaines villes, des véhicules blindés ont été stationnés à des carrefours stratégiques, donnant l'impression d'un pays en état de siège plutôt que d'un pays qui attend la clôture pacifique d'un processus démocratique.
- Mimi Mefo Infos
L'organisation indépendante NetBlocks a relevé des perturbations considérables dans l'accès à Internet à partir du 23 octobre 2025 (voir « Liberté d'expression »).
Le 24 octobre 2025, deux jours avant la proclamation des résultats officiels, Djeukam Tchameni, président du Mouvement pour la démocratie et l'interdépendance au Cameroun, ainsi que Florence Titcho, trésorière du MANIDEM, et Anicet Ekane, président du MANIDEM, ont été arrêtés, sans avoir été convoqués au préalable. Le professeur Aba'a Oyono, ancien partisan de Maurice Kamto et conseiller de campagne de Tchiroma Bakary, a également été arrêté à son domicile. Au 28 octobre, les autorités n’avaient toujours pas révélé l’endroit où il était détenu. Lors d'un point de presse, le ministre de l'Administration territoriale (MINAT), Paul Atanga Nji, a justifié ces arrestations en raison de la « mise à nu d’un plan insurrectionnel savamment pensé par le camp de Issa Tchiroma Bakary » et a annoncé qu'il y aurait d'autres arrestations.
Le 25 octobre 2025, l'Ordre des avocats du Cameroun a exprimé sa profonde inquiétude vis-à-vis de la détérioration de la situation sécuritaire sur la scène politique nationale, ainsi que son indignation face aux violations flagrantes des droits de l'homme observées à travers le pays, au lendemain de l'élection présidentielle.
Le 26 octobre 2025, à la veille de l'annonce des résultats de l'élection présidentielle, des centaines de partisans de l'opposition ont bravé les interdictions de manifester et ont barricadé des routes. À Garoua, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des centaines de personnes. À Douala, quatre personnes ont été tuées lors d'affrontements entre les forces de sécurité et des partisans du chef de l'opposition. Le gouverneur de la région a déclaré que les manifestants avaient « attaqué » une brigade de gendarmerie et des postes de police dans deux quartiers. Selon des manifestants interrogés par l'AFP, les forces de sécurité ont d'abord lancé des gaz lacrymogènes, puis elles ont tiré à balles réelles sur les manifestants. Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur de la région du Littoral, où se situe Douala, a déclaré qu'au moins 105 manifestants avaient été arrêtés. Dans un arrêté, le gouverneur a expliqué qu'ils sont en garde à vue administrative pour une durée de 15 jours renouvelables, pour avoir manifesté à la suite d'un appel lancé sur les réseaux sociaux par le candidat à la présidentielle Issa Tchiroma Bakary. Ils sont accusés d’avoir détruit du matériel de maintien de l’ordre, en l’occurrence, un véhicule de liaison du commissariat de sécurité publique, et d'avoir attaqué les forces de l'ordre.
Authorities must respect, protect and facilitate people’s right of peaceful assembly.
— Amnesty International (@amnesty) October 27, 2025
There must be a prompt, independent and impartial investigation into the deaths.#ProtectTheProtest pic.twitter.com/oXn1le746E
Des organisations internationales et panafricaines de défense des droits de l'homme ont condamné cette répression brutale et ont exigé des autorités camerounaises qu'elles ordonnent immédiatement aux forces de sécurité de s'abstenir de recourir à la violence contre les manifestants. Human Rights Watch a rappelé aux autorités que les forces de l'ordre ne peuvent recourir intentionnellement à l'usage meurtrier d'armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies. L'organisation a également demandé qu'une enquête impartiale fasse la lumière sur l'usage présumé d'une force excessive et que les responsables de tout meurtre rendent des comptes.
L'Union européenne a publié un communiqué dans lequel elle a exprimé sa profonde préoccupation à propos de la répression violente des manifestations des 26 et 27 octobre 2025. Au sujet de l'élection présidentielle, le porte-parole de l'UE a souligné l'importance de garantir l'intégrité physique de tous les acteurs et a appelé à la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement depuis les élections présidentielles.
Le 27 octobre 2025, le Conseil constitutionnel a annoncé que Paul Biya avait remporté l'élection avec 53,66 % des voix, tandis que le candidat Issa Tchiroma Bakary avait récolté 35,19 % des suffrages. Les leaders de l'opposition ont contesté les résultats officiels. À Douala, le quartier de New Bell a été placé sous blocus. L'armée et la police ont restreint les entrées et les sorties dans certaines rues.
Dans un communiqué commun, plus de 300 organisations de la société civile ont appelé à transformer l'élection présidentielle en un moment de refondation pour le Cameroun. Elles ont salué la mobilisation sans précédent des jeunes Camerounais à travers le pays et ont appelé à la création d'un front uni par le biais d'une nouvelle alliance d'organisations, ainsi qu'à la tenue urgente d’états généraux de la refondation, afin de poser les bases d'un nouveau pacte fondé sur la confiance, l'équité et la transparence.
Les populations autochtones dénoncent le non-respect de leurs droits
À Guidiguis, une localité située dans la partie nord du Cameroun, à la frontière avec le Tchad, les communautés de l’ethnie toupouri ont manifesté à plusieurs reprises depuis début 2025 pour protester contre leur expulsion programmée en raison de la création du parc national Ma Mbed Mbed dans leur district. Cette aire protégée de 12 000 hectares, créée par un décret du Premier ministre Joseph Dion Ngute, le 7 janvier 2020, réduit considérablement les terres et les ressources disponibles pour les populations locales. Ces dernières s'inquiètent des conflits entre l'homme et la faune, de la perte de leurs terres et de l'absence de consultation préalable concernant la création du parc. Les toupouri ont organisé une manifestation près de Kourbi le 29 janvier 2025.
Les projets de Camvert, Sophony et Boiscamp, près de Campo, ont également suscité des manifestations dans la région du Sud. D'avril 2020 à avril 2025, la société Cameroun Vert (CamVert) a défriché 6890 hectares de végétation autochtone en bordure du parc national de Campo-Ma'an, dans le sud du pays, afin d'y cultiver des palmiers à huile. La population de Campo est descendue dans la rue pour exprimer son mécontentement envers plusieurs entreprises, car ces dernières ne respectent pas ses droits et ne lui versent pas les redevances. Des arrestations ont été signalées lors d'une manifestation organisée le 17 janvier 2025.
La grève des travailleurs saisonniers s'est soldée par des morts
Le 4 février 2025, l'employé Gaston Djora a été tué par balle et un policier a succombé à ses blessures à Nkoteng, dans le centre du pays, lors d'un mouvement de grève lancé par des travailleurs saisonniers. Le 26 janvier 2025, un conflit de travail avait éclaté entre les travailleurs de la Société sucrière du Cameroun (Sosucam) et leur employeur à cause d'un retard dans le paiement des salaires, déclenchant une grève. Le mouvement social a commencé à Mbandjock, où 2000 personnes l'ont suivi, puis il s'est étendu à Nkoteng, où 1500 grévistes supplémentaires ont cessé le travail. Le 4 février 2025, les forces de sécurité ont réprimé avec violence la grève des travailleurs de la Sosucam, ont tenté de disperser la foule, puis ont fini par tirer des gaz lacrymogènes. Les travailleurs ont riposté en jetant des pierres sur les forces de sécurité. La gendarmerie a alors tiré à balles réelles, ce qui a entraîné la mort de Djora. Plusieurs personnes ont été blessées et des champs de canne à sucre ont été incendiés.
En 2023, le Syndicat camerounais des travailleurs saisonniers de la filière canne à sucre avait publié un rapport dans lequel il analysait la répression structurelle de l'activité syndicale par la société Sosucam.
Liberté d'expression
Des coupures d'Internet lors des manifestations
Le 22 octobre 2025, dans un contexte marqué par les tensions électorales, plusieurs journalistes, entreprises et organisations de la société civile ont commencé à signaler des coupures d'Internet affectant plusieurs régions. Le gouvernement a nié toute responsabilité et a expliqué que la perturbation était due à la coupure d'un câble sous-marin dans la ville portuaire de Douala.
⚠️ Confirmed: Metrics show a disruption to internet connectivity in Cameroon, also impacting neighbouring countries; the incident may limit coverage of events on the ground amid calls to annul presidential election results as President Biya seeks to extend his 43 years in power pic.twitter.com/osZSDEaPr7
— NetBlocks (@netblocks) October 23, 2025
Le Cameroun a déjà connu de multiples coupures d'Internet par le passé, notamment en 2017 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où elles ont duré plus de trois mois.
Les autorités interrompent une interview en direct d'une personnalité politique
Le 7 août 2025, le sous-préfet de Douala, accompagné d'une dizaine de policiers, s'est rendu dans les locaux de la chaîne STV dans le but de mettre fin à une interview de l'homme politique Dieudonné Yegba. Après seulement huit minutes d'interview, la chaîne a commencé à diffuser un documentaire sur Nelson Mandela. Selon des sources de la chaîne, l'autorité administrative n'a pas présenté de documents officiels justifiant cette interruption. Dieudonné Yegba est au cœur des débats, car c'est sa candidature qui a permis au Conseil constitutionnel d'écarter celle de Maurice Kamto de l'élection présidentielle. Les autorités n'ont pas répondu aux demandes d'explications de Reporters sans frontières.
Un journal et son rédacteur en chef suspendus à la suite de la publication d'un dessin satirique
Le 23 juillet 2025, le Conseil national de la communication (CNC) a suspendu le journal Le Popoli et son rédacteur en chef, Paul Louis Nyemb Ntoogue, alias Nyemb Popoli, en raison d'une caricature publiée le 22 mai 2025. Dans le design diffusé sur les réseaux sociaux, on peut voir le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, remettre une enveloppe au pape. Le CNC estime que la publication contient « des informations à caractère insinuant et conflictogène », et que le journal et Nyemb sont responsables de « manquement professionnel et viol de l’opinion dans le traitement de l’information portée à la connaissance du public ». Le Popoli est le seul média satirique du Cameroun.
Dans le passé, Paul Nyemb Ntoogue avait déjà été menacé par téléphone, arrêté et passé à tabac par les forces de police.
Nous continuons malgré tout : nous faisons de la résistance éditoriale. Nous sommes toujours vivants et nous reviendrons.
- Paul Louis Nyemb Ntoogue, caricaturiste
Des journalistes sont attaqués lors d'une enquête
Le 13 février 2025, le correspondant régional de la chaîne privée Equinoxe TV, Joseph Abena Abena, et le caméraman, Augustin Ndongo, ont été agressés alors qu'ils enquêtaient sur une exploitation agricole à Mbébé, dans le sud du pays. Trois jours plus tôt, le président Paul Biya avait loué les mérites de Samuel Tony Obam Bikoué, à l'origine de cette plantation. La rédaction centrale les avait envoyés enquêter et produire un reportage authentique sur les activités de Tony Obam Bikoué, un personnage controversé. Leurs agresseurs les ont frappés avec des gourdins lorsqu'ils sont entrés sur l'exploitation, ont confisqué leurs portables et les ont menacés de mort. Ils ont été libérés à la suite de l'intervention d'un chef local.
L’attaque perpétrée contre Joseph Abena Abena et Augustin Ndongo est une nouvelle illustration du sentiment d'impunité dont jouissent ceux qui intimident et menacent les journalistes au Cameroun.
- Moussa Ngom, représentant pour l'Afrique francophone du Comité pour la protection des journalistes
Un rédacteur en chef et un journaliste sont suspendus deux mois à la suite d'un article sur un ministre
Le 23 juillet 2025, le Conseil national de la communication (CNC) a suspendu Anne Azewa, journaliste au journal L'Opinion publique, et Polla Patrice, rédacteur en chef de la publication, leur interdisant l’exercice de la profession de journaliste au Cameroun pour une durée de deux mois. Cette sanction fait suite à la non-comparution à une convocation officielle, malgré une notification par huissier, et à la publication d'un article susceptible de porter atteinte à la réputation du ministre par intérim des Mines, de l'Industrie et du Développement technologique, en lui imputant des actes de corruption dans l'exercice de ses fonctions.
Un journaliste est arrêté à deux reprises à cause d'un différend locatif
Le 18 juin 2025, Didier Kouamo, journaliste et chef d'ABK Radio, a répondu à une convocation concernant un litige foncier opposant le propriétaire de l'immeuble qui abrite les locaux de la société de presse 2A Media, opérateur d'ABK Radio, à cette dernière. Il a été brièvement placé en garde à vue. Le 8 août 2025, il a été arrêté par des membres de la Légion de gendarmerie du Littoral, sans qu'aucune explication ne lui soit fournie. Le 12 août 2025, le journaliste et son employeur ont été déférés devant le tribunal de première instance de Douala-Ndokoti, puis ramenés dans les cellules de la Légion de gendarmerie du Littoral, à Bonajo. Le Bureau exécutif Littoral du Syndicat national des journalistes du Cameroun a dénoncé une injustice manifeste, insistant sur le fait que le maintien en détention d'un simple employé, sans rapport avec le conflit en cause, violait les principes élémentaires de justice et de respect des droits de l'homme. Kouamo a été libéré le 16 août 2025.
Liberté d'association
La cour juge injustifiée la fermeture prolongée de l'OSC REDHAC
Comme nous l'avions signalé, le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, avait ordonné la suspension de quatre associations en décembre 2024, et Alice Nkom et Maximilienne Ngo Mbe, du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC), avaient été victimes de harcèlement judiciaire. Bien que la suspension ait initialement été de trois mois, les procédures se sont poursuivies tout au long de 2025.
Le 6 mai 2025, la directrice exécutive du REDHAC, Maximilienne Ngo Mbe, a été convoquée au Secrétariat d'État à la Défense, le service d'enquête de la gendarmerie.
Le 17 septembre 2025, le tribunal administratif du Littoral a annulé l'arrêté préfectoral ordonnant la fermeture des locaux de l'organisation en décembre 2024, estimant que la mesure n'était pas justifiée. Il a également ordonné la levée des scellés, qui a été effectuée le 6 octobre 2025 en présence d'Alice Nkom et de Maximilienne Ngo Mbe. Toutefois, un rapport judiciaire complet est encore nécessaire pour évaluer l'état des lieux avant la reprise des activités (voir ci-dessous).
Les dirigeants du REDHAC sont toujours victimes de harcèlement
Le 2 juin 2025, la deuxième audience dans l'affaire opposant l'État du Cameroun à Alice Nkom et à Maximilienne Chantal Ngo Mbe pour « bris de scellés » et « rébellion » s'est tenue devant le tribunal de première instance de Douala Bonanjo. Le président du tribunal a refusé d'ouvrir l'audience, arguant que Maximilienne Ngo Mbe, présente dans la salle, n'avait pas transmis de citation à comparaître au tribunal pour justifier de sa présence. Le tribunal a jugé que les statuts de 2019 de l'organisation, présentés sans le compte rendu de l'assemblée générale pertinente, ainsi que l'incapacité présumée de la présidente du conseil d'administration à représenter valablement le REDHAC, étaient insuffisants pour reconnaître formellement son conseil. Il convient de noter que le REDHAC n'avait pas pu accéder à ses bureaux ni à ses documents depuis la mise sous scellés de ses locaux en décembre 2024. Le procès a donc été renvoyé au 4 août 2025 pour « non-respect de la procédure administrative ».
Ce jour-là, le tribunal a une nouvelle fois décidé de reporter l'affaire au 6 octobre 2025, afin de permettre la comparution du représentant de l'État et l'ouverture de la procédure. L'organisation Front Line Defenders a réitéré son appel aux autorités camerounaises pour qu'elles abandonnent toutes les charges à l'encontre d'Alice Nkom et de Maximilienne Ngo Mbe. Le préfet du Wouri, Sylyac Marie Mvogo, qui s'était absenté à plusieurs reprises, a provoqué un nouveau report de l'audience, désormais fixée au 1ᵉʳ décembre 2025.
Les avocats de la défense du REDHAC estiment que ces reports successifs sont une manœuvre pour épuiser la défense.
Les bureaux du REDHAC ont été cambriolés et vandalisés
Dans la nuit du 22 au 23 avril 2025, les bureaux du REDHAC ont été cambriolés. Bien que les autorités aient été alertées, personne ne s'est rendu sur place pour enquêter. Les employés de l'organisation n'ont pas pu pénétrer dans les locaux ni rédiger de rapport, car ceux-ci étaient toujours scellés. Une semaine plus tard, dans la nuit du 29 au 30 avril, un autre cambriolage s'est produit, cependant cette fois l'un des voleurs a été arrêté et conduit au commissariat de Douala 1.
Les avocats en grève dénoncent des violences récurrentes
Des vidéos d'actes de torture, d'humiliations et de traitements dégradants perpétrés contre des avocats en février et mars 2025 ont circulé sur les réseaux sociaux. En réponse, les avocats ont décidé de raccrocher leurs robes du 5 au 7 mars 2025 et de boycotter les tribunaux pendant trois jours pour dénoncer les abus et les agressions perpétrés par les forces de l'ordre dont ils se disent victimes.