Liste de surveillance (FR)
Dernière mise à jour : 16 février 2023 - La nouvelle liste de surveillance de CIVICUS Monitor met en évidence de profondes préoccupations concernant l'exercice des libertés civiques au Cambodge, en Iran, au Soudan, au Pérou et au Zimbabwe. La liste de surveillance attire l'attention sur les pays qui connaissent un déclin important et rapide du respect de l'espace civique ; elle a été établie à partir d'une évaluation des résultats de recherche faite par CIVICUS Monitor et ses partenaires de recherche, en consultation avec des militants sur le terrain.
Dans les semaines et les mois à venir, CIVICUS Monitor suivra de près l'évolution de la situation dans chacun de ces pays dans le cadre des efforts déployés pour faire en sorte qu'une pression accrue soit exercée sur les gouvernements. CIVICUS demande à ces gouvernements de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre immédiatement fin aux mesures de répression en cours et de veiller à ce que les auteurs de ces actes rendent des comptes.
Ci-dessous, vous trouverez un résumé des violations de l'espace civique qui se produisent dans chaque pays. Si vous souhaitez nous faire parvenir des informations à propos de l'espace civique dans l'un de ces pays, veuillez nous écrire à monitor@civicus.org.
OUVERT |
RÉTRÉCI |
OBSTRUÉ |
RÉPRIMÉ |
FERMÉ |
Pérou
Evaluation de l'espace civique: obstrué
La tentative de dissolution du Congrès par l'ancien président Pedro Castillo et sa destitution rapide le 7 décembre 2022 ont projeté le Pérou dans un nouvel épisode de crise politique. Son évincement et son arrestation ont déclenché des manifestations avec des appels à des élections générales anticipées et à une refonte des institutions. Depuis, les violations graves des libertés civiques se sont succédé.
Entre le 8 décembre 2022 et le 27 janvier 2023, au moins 57 personnes, dont six mineurs, sont mortes dans le cadre de ces troubles. Selon la Coordination nationale des droits de l'homme (CNDDHH), au moins 46 d'entre elles ont été tuées lors d'exécutions extrajudiciaires pendant la répression des manifestations. Le Bureau du médiateur a signalé que 1 658 personnes ont été blessées lors de manifestations durant cette période.
Les organisations de la société civile (OSC) ont également enregistré de multiples violations, notamment des arrestations arbitraires, des raids, l'utilisation de munitions interdites par les forces de l'ordre et l'usage disproportionnée de gaz lacrymogènes. Elles ont répertorié aussi des cas où des agents ont tiré à bout portant des grenades lacrymogènes directement sur le corps des manifestants.
Des dizaines de journalistes couvrant les manifestations ont aussi déclaré avoir été victimes d'attaques. Depuis le début des protestations et jusqu'au 10 janvier 2023, L'Association nationale de journalistes du Pérou (ANP) a enregistré 72 cas d'attaques contre la presse et d'agressions contre des journalistes. La plupart de ces attaques ont été perpétrées par la police et l'armée. Les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l'homme qui font un suivi des abus commis pendant la crise ont été victimes de harcèlement et d'attaques de groupes radicaux liés à l'extrême droite.
La suspension de la liberté de réunion pacifique et le déploiement des forces armées pour faire face aux troubles ont été possibles grâce aux mesures d'urgence. Elles ont été prolongées jusqu'à la mi-février dans plusieurs départements. Bien que les autorités envisagent d'avancer les élections générales à la fin de 2023, la crise se poursuit et beaucoup se sont engagés à continuer les manifestations et exigent désormais que justice soit rendue aux personnes décédées et blessées dans les troubles.
Cambodge
Evaluation de l'espace civique: réprimé
Durant les dix dernières années, le premier ministre Hun Sen a supervisé une offensive systématique contre les libertés fondamentales. Des lois répressives sont régulièrement utilisées pour restreindre les libertés civiques, ébranler et affaiblir la société civile et criminaliser les militants. Au moins 50 prisonniers politiques sont derrière les barreaux.
En novembre 2022, la dirigeante syndicale et défenseur des droits de l'homme Chhim Sithar a été arrêtée par la police de l'immigration à l'aéroport international de Phnom Penh. Ensuite, elle a été envoyée en détention provisoire pour avoir prétendument violé les conditions de sa libération sous caution et s'est vu refuser une nouvelle libération sous caution. Elle est membre du syndicat Labor Rights Supported Union of Khmer Employees of NagaWorld, qui a fait l'objet d'actes de harcèlement et d'arrestations pour des manifestations qui se sont succédé durant plus d'un an.
Les restrictions à la liberté de la presse n'ont pas cessé non plus : des stations de radio et des journaux sont réduits au silence, des rédactions subissent des purges et des journalistes sont poursuivis. Les journalistes des médias VOD et VOA se sont vu refuser l'accès à la conférence de presse du premier ministre Hun Sen à l'issue du sommet de l'ASEAN en novembre 2022.
Les militants cambodgiens sont toujours confrontés à la répression. Ces dernières années, ils ont été harcelés et condamnés au moyen d'accusations vagues d'« incitation ». En janvier 2023, les autorités ont ordonné le retrait d'un vidéoclip d'un rappeur dans lequel il relate la répression meurtrière d'une manifestation de travailleurs par le gouvernement en 2014, neuf ans auparavant. Le service de police chargé de la cybercriminalité a interrogé des militantes au sujet de la vidéo.
Hun Sen a également intensifié sa répression de l'opposition à l'approche des élections générales de juillet 2023. Il a menacé de dissoudre le parti d'opposition Candlelight, de saisir ses propriétés et de formuler des accusations contre ses dirigeants. En décembre 2022, 36 dirigeants et militants liés au Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC), une formation interdite, ont été condamnés sur des accusations faites de toutes pièces. Ce verdict est venu clore le quatrième des cinq procès collectifs initiés contre 158 dirigeants et partisans du PSNC depuis novembre 2020.
Zimbabwe
Evaluation de l'espace civique: Réprimé
Le Zimbabwe reste sur la liste de surveillance de CIVICUS Monitor en raison des attaques incessantes contre l'espace civique avant les élections de 2023.
Malgré la vive indignation et la riposte de la société civile, le Parlement et le Sénat ont adopté le Projet d'amendement à la loi sur les organisations bénévoles privées (PVO), qui soumettra les OSC à des restrictions plus strictes. À présent, ce projet de loi n'attend que le feu vert du président. Il représente l'une des plus grandes menaces pour la liberté d'association au Zimbabwe ; avec lui, les autorités cherchent à cibler les groupes de la société civile qui ont souvent fait part de leurs préoccupations concernant les violences liées aux élections. Le 22 janvier 2023, les autorités zimbabwéennes ont annoncé qu'elles avaient invalidé l’inscription officielle de 291 organisations non gouvernementales et de la société civile pour « non-respect des dispositions de la loi sur les organisations bénévoles privées », remettant ainsi en question la capacité de la société civile à surveiller le processus électoral qui se déroulera en 2023.
Dans la continuité de l'offensive constante contre les OSC, en novembre 2022, l'exécutif a approuvé le Projet d'amendement du droit pénal (codification et réforme) de 2022, connu sous le nom de Patriotic Act. Cette proposition législative cherche à créer une nouvelle infraction : l'« atteinte volontaire à la souveraineté et aux intérêts nationaux du Zimbabwe ». Elle criminalisera essentiellement le lobbying auprès de gouvernements étrangers pour qu'ils étendent ou mettent en œuvre des sanctions contre le Zimbabwe ou ses représentants. Cette démarche préoccupante, interprétée par certains comme une tentative malveillante destinée à bâillonner les OSC, entraînera de graves conséquences pour les personnes déclarées coupables, qui pourront être entre autres déchues de leur citoyenneté. Le projet de loi doit encore être validé par le Sénat et le président Emmerson Mnangagwa.
En outre, depuis la publication du dernier rapport sur le Zimbabwe dans le cadre de la liste de surveillance, les membres de l'opposition et leurs partisans ont continué de faire l'objet d'attaquessystématiques perpétrées par des partisans du parti au pouvoir. Les citoyens qui organisent des rassemblements, même ceux qui ne sont pas de caractère politique, sont également confrontés à des arrestations arbitraires à mesure que le gouvernement restreint de façon générale la liberté de réunion.
Iran
Evaluation de l'espace civique: fermé
En septembre 2022 s’est déclenchée une vague de manifestations sous la forme d'une action collective contre les lois sur le port obligatoire du voile, qui a rapidement incorporé des griefs plus généraux et des demandes d'un changement politique et social substantiel. Ces mobilisations se sont heurtées à une répression impitoyable caractérisée par l'usage de la force meurtrière, les arrestations massives, les détentions et les poursuites, ainsi que par une répression numérique. Ces manifestations ont éclaté à la suite de la mort de la Kurde iranienne Mahsa Amini, décédée en garde à vue le 16 septembre 2022 après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict du pays. La réaction brutale des autorités ne montre aucun signe d'apaisement, alors que les manifestants, les militants et les journalistes continuent de subir de terribles conséquences pour avoir osé exercer leurs droits.
Selon le Centre pour les droits de l'homme en Iran, les autorités ont abattu plus de 500 manifestants depuis le début des mobilisations en septembre 2022, plus de 15 000 ont été arrêtés et des milliers d'entre eux ont été détenus dans des prisons surpeuplées et ont été privés de leurs droits à un procès équitable. Les autorités iraniennes ont exécuté deux hommes en relation avec les manifestations au 5 janvier 2023 et ont requis la peine de mort pour au moins 21 personnes dans le cadre de simulacres de procès destinés à intimider ceux qui participent au soulèvement populaire. La libération des manifestants a été entachée par la mort suspecte de plusieurs détenus libérés récemment, que les autorités iraniennes ont qualifiés de « suicides », ce que de nombreux éléments contredisent.
Le gouvernement a également amplifié sa répression brutale des manifestations en perturbant l'accès à Internet et aux réseaux sociaux, et s'est lancé dans un programme de phishing ciblé au moyen des techniques d'ingénierie sociale pour accéder aux informations sensibles des manifestants, des défenseurs des droits de l'homme et du personnel des OSC.
Soudan
Evaluation de l'espace civique: réprimé
Des attaques croissantes contre les libertés civiques ont été documentées au Soudan, dans ce contexte, les manifestants prodémocratie et les femmes défenseurs des droits de l'homme ont été pris pour cible à plusieurs reprises depuis le coup d'État d'octobre 2021.
En décembre 2022, les militaires et les partis politiques ont signé un accord de deux ans établissant le cadre pour une transition dirigée par des civils vers des élections. Cependant, les comités de résistance prodémocratie ont rejeté l'accord, car il n'inclut pas de mesures de justice transitionnelle ni la réforme des forces de sécurité. Cela a provoqué de nouvelles manifestations en décembre 2022 et janvier 2023 qui ont été réprimées avec une force excessive. Par exemple, le 17 janvier 2023, l'Association des médecins soudanais (SDA) a signalé qu'au moins 112 manifestants ont été blessés et que certains d'entre eux ont été frappés à la tête par des grenades lacrymogènes et des pierres tirées par les forces de sécurité et ont dû être hospitalisés. En outre, 60 personnes ont été arrêtées lors de manifestations. Jusqu'à présent, des milliers de personnes ont été blessées, et 119 manifestants ont été tués depuis octobre 2021.
Les femmes défenseurs des droits de l'homme et les manifestantes ont été la cible d'une violence brutale. À tire d'illustration, le 17 novembre 2022, dans le centre de Khartoum, une manifestante de 24 ans a souffert des blessures graves à la colonne vertébrale après avoir été jetée d'un pont par les forces de sécurité. Par ailleurs, les bureaux d'Alharisat, l'un des principaux groupes de femmes, ont été perquisitionnés.
En outre, plusieurs associations ont été confrontées à des restrictions. L'inscription officielle de la Société soudanaise de protection des consommateurs (SCPS) a été annulé, tandis que l'Association du barreau soudanais a également été prise pour cible, après que ses locaux ont été temporairement occupés et attaqués par la police et par des membres du Syndicat des avocats de l'ancien régime.