Au début de l'année 2022, Haïti a connu des niveaux de violence extrêmes et une dégradation constante de la sécurité auxquelles s'ajoutent les affrontements entre gangs rivaux ou entre ces groupes et la police pour le contrôle des rues.
Certains dirigeants de la société civile ont continué à demander la mise en place d'un gouvernement de transition, estimant que les conditions ne sont pas réunies pour organiser des élections libres et équitables. Toutefois, lors d'une réunion le 25 janvier 2022, le premier ministre Ariel Henry avait affirmé qu'il avait toujours l'intention de faire pression pour la tenue d'élections générales, ainsi que pour une réforme constitutionnelle au moyen d'une Assemblée constituante cette année.
Réunion pacifique
Les travailleurs du textile réclament des salaires plus élevés
Video from today's protests in #Haiti today by workers demanding the minimum wage be raised to 1500HG ($14.59US). This was moments before a demonstrator was shot in the head and five others were arrested by agents of the National Police of Haiti. pic.twitter.com/NDMalpEjCJ
— HaitiInfoProj (@HaitiInfoProj) February 23, 2022
En janvier et février 2022, les travailleurs de l'habillement ont manifesté à Port-au-Prince et dans les usines pour réclamer des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Le 17 janvier 2022, dans une lettre ouverte adressée au premier ministre Ariel Henry, une coalition de neuf syndicats a réclamé une augmentation du salaire journalier afin qu'il passe de 500 gourdes (4,82 USD) à 1 500 gourdes (14,62 USD). Dominique St Eloi, de l'Union nationale des travailleurs haïtiens, a assuré qu'ils demanderaient une augmentation du salaire minimum au gouvernement au cas où les directeurs d'usine ne satisferaient pas leurs demandes.
Le 17 février 2022, des milliers de manifestants se sont rassemblés autour du parc industriel de Sonapi, dans la capitale du pays, puis se sont regroupés le long d'une route voisine après que la police les a dispersés à l'aide de gaz lacrymogènes. Selon le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), il y a eu au moins quinze victimes de brutalités policières ; par ailleurs, dans une vidéo de la manifestation, on peut voir un policier asséner une gifle à un manifestant pacifique. Une autre vidéo montre des civils armés en train de prêter main forte à la police pour disperser les manifestants, tout en les menaçant de leur tirer dessus.
Le 21 février 2022, le gouvernement haïtien a annoncé une hausse du salaire minimum de 54 % à la suite de semaines de manifestations des travailleurs du textile. Toutefois, cette augmentation reste bien en deçà des exigences des syndicats. Le 23 février 2022 à Port-au-Prince, la police a ouvert le feu sur des manifestants qui réclamaient un salaire minimum plus élevé que celui annoncé par le gouvernement. Un reporter a été tué et deux autres journalistes ont été blessés par balle lorsque des policiers qui passaient par là dans un véhicule ont tiré sur des manifestants.
IPI extends its condolences to the family and colleagues of journalist Maximilien Lazard, killed while doing his job of covering a public demonstration in #Haiti. Authorities must swiftly hold those responsible for this senseless act to account ⬇️https://t.co/tajT1OV9Lt
— IPI-The Global Network for Independent Journalism (@globalfreemedia) March 2, 2022
Maxihen Lazzare, qui travaillait pour le groupe de médias numériques Roi des Infos, a reçu une balle dans la poitrine et est décédé plus tard à l'hôpital. « Ce qui s'est passé aujourd'hui est coup dur pour la presse », déplore Oméus Romane, directeur du Roi des Infos. « Si la constitution accorde aux travailleurs le droit de protester, nous, en tant que journalistes, faisons notre travail ». Le 9 mars 2022, des journalistes ont défilé à Port-au-Prince pour demander justice pour Lazzare.
Manifestations contre l'insécurité
Day of protests: Thousands march against insecurity, other ills in Haiti https://t.co/7sIv1ZE2yI
— Haitian Times (@HaitianTimes_) March 30, 2022
En mars 2022, les professionnels de la santé et les travailleurs du secteur des transports ont protesté contre une recrudescence des enlèvements liés à des gangs. Le 15 mars 2022, les manifestants ont brûlé des pneus et bloqué des routes au cours du deuxième jour d'une grève de trois jours convoquée par des médecins, des infirmières et d'autres professionnels de la santé. Pendant la manifestation, les établissements de santé publics et privés sont restés fermés dans la capitale et dans d'autres villes, et seules les urgences accueillaient des patients.
Selon un rapport des Nations unies publié le 15 février 2022, en Haïti, le nombre d'enlèvements contre rançon a augmenté de 180 % en 2021 par rapport à l'année précédente. La police a signalé 655 enlèvements et 1 615 homicides en 2021.
À la suite de la grève des travailleurs de la santé, les travailleurs des transports ont également annoncé une grève du 17 au 20 mars 2022. Ils ont demandé à l'État de garantir la sécurité des travailleurs et des passagers des transports publics, après la saisie de quatre bus assurant le trajet Jacmel-Port-au-Prince par un groupe armé de Martissant.
Le 29 mars 2022, jour du 35ᵉ anniversaire de la Constitution haïtienne, des milliers de personnes sont redescendues dans les rues pour dénoncer la criminalité, l'inflation et la paralysie politique. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes, dont Port-au-Prince, Jacmel et Les Cayes. La plus grande manifestation s'est tenue à Port-au-Prince et a été majoritairement pacifique ; cependant, les mobilisations dans la ville des Cayes, au sud du pays, se sont terminées par des troubles, un avion incendié et la mort d'au moins un manifestant.
Expression
Haitian authorities must conduct a swift and thorough investigation into the brutal killings of journalists John Wesley Amady and Wilguens Louis-Saint, and bring those responsible to justice.https://t.co/K3F7Nc02Z3
— Committee to Protect Journalists (@pressfreedom) January 7, 2022
Le 6 janvier 2022, des membres présumés d'un gang ont abattu les journalistes John Wesley Amady et Wilguens Louis-Saint alors qu'ils effectuaient un reportage sur l'insécurité à Laboule 12, un quartier de la commune de Pétion-Ville, à Port-au-Prince. Amady était en mission pour le radiodiffuseur Radio Écoute FM et Louis-Saint travaillait pour les médias numériques Télé Patriote et Tambou Verité. Wilmane Vil, un autre journaliste, aurait été présent lors de l'attaque, mais aurait réussi à s'échapper.
Le 31 janvier 2022, des individus armés circulant à bord de deux véhicules ont tiré plusieurs coups de feu et jeté des cocktails Molotov dans les locaux de la station privée Radio Télé Zenith (RTZ), située dans la commune de la Croix-des-Bouquets à Port-au-Prince. Les balles ont atteint l'entrée du bâtiment et brisé des fenêtres, alors que les explosions ont endommagé certains équipements et meubles. En déclaration au Comité de protection des journalistes, Chimene Sylvestre, directeur de RTZ, affirme qu'au moment de l'attaque, au moins deux membres du personnel se trouvaient à l’intérieur des locaux en train de diffuser un reportage, mais personne n'a été blessé. Des groupes locaux ont indiqué que cette attaque pourrait être l’œuvre de membres des gangs en raison de la couverture médiatique menée par la radio concernant les activités des gangs et les menaces que des groupes criminels avaient proférées à son encontre.
Association
Le rapport annuel 2021-2022 d'Amnesty International met en relief le fait que les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes du pays ont été de plus en plus exposés à des attaques et à des violations des droits de l'homme en 2021. L'organisation signale qu'il n'y a eu que peu de progrès dans l'enquête sur l'assassinat du journaliste Diego Charles, reporter pour Radio Vision 2000 et cofondateur du site web Larepiblik Magazine, et d'Antoinette Duclaire, militante politique et des droits de l'homme ouvertement critique envers le gouvernement et cofondatrice de Larepiblik Magazine. Ils ont été assassinés juste une semaine avant le président Moïse. Les autorités n'ont pas protégé leurs familles, qui ont fait l'objet de menaces de mort et d'actes d'intimidation.