#UPDATE An elite military unit that backed youth-led anti-government street protests said on Tuesday it had taken power in Madagascar after the national assembly voted to impeach President Andry Rajoelina ➡️ https://t.co/OemB8QBQWW pic.twitter.com/JPa4oq1pgy
— AFP News Agency (@AFP) October 14, 2025
Liberté de réunion pacifique
L’armée s’empare du pouvoir après une série de manifestations menées par la jeunesse et réprimées dans le sang ; au moins 22 personnes ont été tuées durant les premiers jours des manifestations du mouvement Gen Z
Le 17 octobre 2025, le colonel Michael Randrianirina a été nommé « président de la refondation » de la République de Madagascar, après avoir dissous toutes les institutions, à l’exception de l’Assemblée nationale. Cette dernière a voté la destitution du président Andry Rajoelina le 14 octobre 2025. Il avait fui le pays, après que les militaires, et plus particulièrement le corps militaire CAPSAT, ont exprimé leur soutien aux manifestations en annonçant qu’ils ne suivraient pas les ordres de tirer sur les manifestants.
Ces faits sont survenus après des semaines de manifestations constantes contre le gouvernement, menées par des jeunes qui s’étaient mobilisés depuis le 25 septembre 2025 sous la bannière du mouvement Gen Z Madagascar. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive, voire létale, pour les réprimer.
Le 25 septembre 2025, une manifestation pacifique a eu lieu à Antananarivo et dans d’autres villes de Madagascar pour protester contre les coupures d’eau et d’électricité récurrentes et de longue durée. Elle avait été organisée sur les réseaux sociaux principalement par des étudiants universitaires et lycéens, mobilisés dans le cadre de ce que l’on a appelé le mouvement Gen Z Madagascar. Le préfet d’Antananarivo l’avait interdite la veille, au motif de « risques de trouble à l’ordre public », et avait réquisitionné les forces de police. Malgré l’interdiction, des manifestants se sont rassemblés dans la capitale. Ils ont été réprimés par les forces de sécurité qui ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, et ont arrêté et battu des manifestants. Plus tard dans la même journée, des violences et des affrontements ont éclaté. Il y a eu des pillages, et des symboles du pouvoir, comme les logements d’une sénatrice et d’un membre de l’Assemblée, ont été incendiés.
Des observateurs de France 24 ont indiqué que les manifestants avaient été réprimés avec une violence et une force disproportionnée : il y a eu des tirs de gaz lacrymogène à bout portant et des voitures ont foncé dans la foule, faisant des blessés et causant une panique généralisée. Cinq personnes ont été tuées selon des médias qui se sont entretenus avec des sources hospitalières. La Fédération internationale des droits humains (FIDH) a relaté que trois manifestants, dont deux défenseurs des droits de l’homme, avaient été arrêtés, battus et privés de la possibilité de consulter un avocat, tandis que d’autres manifestants avaient été menacés d’arrestation. Des dizaines de personnes, dont des journalistes, ont été blessées.
Dans la capitale, les autorités ont décrété un couvre-feu de 19 heures à 5 heures du matin. Des mesures similaires auraient également été prises à Antsiranana, Majunga, Toliara et Antsirabé, et des manifestations auraient également eu lieu à Antsirabé, Fianarantsoa, Diego Suarez (Antsiranana) et Tamatave.
La tension n’avait cessé de monter avant la manifestation du 25 septembre, à la suite de l’arrestation, le 19 septembre 2025, des conseillers municipaux Clémence Raharinirina et Faniry Alban Rakotoarisoa, en lien avec une manifestation devant le palais d’État d’Anosikely, situé dans un périmètre d’accès interdit (zone rouge). Ils ont été arrêtés après avoir déposé une demande d’autorisation pour une manifestation, prévue le 25 septembre, pour dénoncer les pénuries d’eau et les coupures d’électricité. Ils ont été remis en liberté, mais restent sous contrôle judiciaire. Ils sont poursuivis pour avoir violé une zone rouge.
Le lendemain, le 26 septembre 2025, le président Andry Rajoelina a démis de ses fonctions le ministre de l’Énergie, Olivier Jean-Baptiste, dans l’espoir d’étouffer les protestations. Malgré cela, le mouvement Gen Z Madagascar a appelé à une nouvelle manifestation le 27 septembre, au départ de l’Université d’Antananarivo et jusqu’au quartier d’Ambohijatovo. Ce jour-là, des centaines de personnes ont répondu à l’appel et ont manifesté, malgré la présence des forces de sécurité qui ont tenté de les repousser à l’aide de gaz lacrymogènes. Des affrontements ont été signalés à Tamatavé, Diego-Suarez et Majunga. Les manifestations se sont poursuivies les jours et les semaines suivantes. Dans un communiqué publié le 29 septembre 2025, le Bureau du haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a indiqué qu’au moins 22 personnes ont été tuées et plus de 100 blessées durant les premiers jours des manifestations. Parmi les victimes figurent des manifestants et des passants, dont certains ont été tués par les forces de sécurité et d’autres par des individus et des gangs responsables de violences généralisées et de pillages et sans lien avec les manifestants. Les gaz lacrymogènes ont coûté la vie à un nourrisson d’un mois. Les autorités ont contesté le nombre de morts avancé par les Nations Unies et ont rétorqué que seulement 12 personnes étaient décédées au cours des manifestations.
Bien que le président Rajoelina ait annoncé qu’il démettrait le gouvernement le 29 septembre, le mouvement Gen Z a continué à se mobiliser et à manifester presque quotidiennement, et a été rejoint par la plateforme Solidarité syndicale de Madagascar pour exiger la démission de Rajoelina. On a signalé fréquemment l’utilisation de gaz lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de balles en caoutchouc par les forces de sécurité lors de ces manifestations.
- Le 4 octobre 2025, des centaines de partisans de Rajoelina se sont rassemblés au Colisée d’Antananarivo pour manifester leur soutien au président, à la suite d’un appel à la mobilisation lancé par ce dernier. Pendant ce temps, les manifestants du mouvement Gen Z, qui ont tenté de rejoindre les jardins d’Ambohijatovo, également appelés « place de la Démocratie », ont été réprimés par les forces de sécurité, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les groupes de manifestants.
- Le 6 octobre 2025, le président Rajoelina a nommé le général de l’armée Ruphin Fortunat Dimbisoa Zafisambo au poste de Premier ministre et appelé à un dialogue national.
- Le 8 octobre, la police a dispersé près de 200 étudiants en médecine qui tentaient de manifester, après avoir organisé un sit-in pacifique dans le principal hôpital public du pays. Le mouvement Gen Z a déclaré qu’il ne négocierait pas avec le gouvernement tant que les forces de sécurité continueraient d’utiliser la force contre les manifestants, et a lancé un ultimatum de 48 heures au président Rajoelina pour qu’il accède à ses demandes, sous peine d’une grève nationale.
- Le 9 octobre 2025, de violents affrontements auraient éclaté lorsque les forces de sécurité ont déployé des véhicules blindés et ont utilisé des gaz lacrymogènes ainsi que des balles en caoutchouc pour disperser un millier de manifestants qui tentaient d’atteindre les jardins d’Ambohijatovo. Les manifestants ont lancé des pierres sur les forces de sécurité lors des violences de rue qui ont suivi. Au moins 6 personnes auraient été blessées et 28 manifestants auraient été déférés au bureau du procureur pour être mis en examen.
Plusieurs personnes arrêtées lors d’une manifestation contre le projet minier Base Toliara
Le 27 avril 2025, les forces de sécurité ont arrêté six manifestants qui protestaient contre le projet minier Base Toliare à Benetse. Dans un communiqué, l’OSC CRAAD-OI a expliqué que des agents de sécurité se sont rendus à Ankilimalinike pour arrêter M. Relaso, un opposant au projet minier. Ne l’ayant pas trouvé, ils ont saisi son troupeau de zébus et sa moto. Une manifestation a éclaté lorsque les agents de sécurité ont annoncé l’arrestation d’autres opposants au projet. À Benetse, des manifestants ont érigé un barrage routier. Six manifestants ont été arrêtés, dont deux ont été blessés, lors d’affrontements qui ont duré près de huit heures.
Le 25 mars 2025, le colonel Rodney Rehosy Fanampera a été arrêté à Tuléar, puis transféré à Antananarivo pour avoir participé à une manifestation non autorisée contre le projet Base Toliara. Il a été condamné à trois ans de prison avec sursis le 1ᵉʳ avril 2025.
La région a connu des manifestations similaires contre le projet minier. Dans un communiqué publié le 21 juillet 2025, le Réseau des jeunes pour le développement durable, Femmes en action rurale de Madagascar et d’autres OSC ont condamné la détention de manifestants, ainsi que la force excessive et la violence employées par les forces de sécurité lors des manifestations qui se sont succédé depuis le début d’avril.
Liberté d’expression
Des journalistes blessés lors des manifestations du mouvement Gen Z
Reporters sans frontières (RSF) a signalé que plusieurs journalistes avaient été blessés par les forces de sécurité durant les premiers jours des manifestations. La journaliste de la station radio Aina Fahazavana, Hardi Juvaniah Reny, qui portait un gilet de presse, a été touché par une balle dans le bas-ventre alors qu’elle couvrait les manifestations du Gen Z, le 26 septembre, à Antsiranana, dans le nord de Madagascar. Le même jour à Antananarivo, des agents du Groupement de sécurité et d’intervention spéciale (GSIS) — une unité spécialisée de la gendarmerie — ont frappé Alain Rakotondrainabe, photojournaliste de L’express de Madagascar, notamment à la tête, à deux reprises. Le journaliste de Real TV, Léonard Jo Andriamparany, était en direct lorsque l’un des agents du GSIS a fait tomber son téléphone portable par terre d’un coup de poing. Le 30 septembre 2025, alors qu’il témoignait devant les caméras d’un incident survenu plus tôt au cours duquel il avait été frappé au visage par les forces de l’ordre, Andriamparany et le groupe de journalistes qui l’entouraient ont été la cible d’une grenade lacrymogène. Le 26 septembre 2025, à Antsiranana, le correspondant de Kolo TV, Stanio Bezara, a été visé par une grenade lacrymogène et des pierres.
Le journaliste Élysée Bonhomme, de Kolo TV à Toliara, dans le sud de Madagascar, et le reporteur Isaac Hubert Ratefilaza, de Radio Télé Nakay à Mahajanga, dans le nord, ont été blessés par des pierres lancées par les manifestants.
En réponse à un rapport de RSF, la ministre de la Communication et de la Culture de Madagascar, Volamiranty Donna Mara, a indiqué à l’organisation de défense de la liberté de la presse qu’une enquête administrative interne avait été ouverte concernant « l’agression délibérée de journalistes » par les forces de sécurité.
Deux journalistes sont menacés de sanctions pénales
En août 2025, le ministère de la Communication et de la Culture a écrit aux médias français TV5 Monde et Radio France Internationale (RFI) pour leur demander de remplacer leurs deux correspondantes à Madagascar : la journaliste indépendante Gaëlle Borgia et Pauline Le Troquier. Le ministère les accuse de porter atteinte à la sécurité publique en raison de leur couverture journalistique de la mort d’au moins 32 personnes lors d’une fête d’anniversaire, en juin, à Ambohimalaza, à l’est d’Antananarivo. Les deux journalistes avaient remis en question l’explication officielle selon laquelle les décès étaient dus à un empoisonnement intentionnel. Elles ont plutôt suggéré que les décès auraient pu être causés par le botulisme à la suite d’une mauvaise manipulation ou d’un mauvais stockage des aliments.
Selon Gaëlle Borgia, qui s’est entretenue avec le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), les autorités l’accusent d’avoir violé un article de la loi malgache sur les médias relatif à la publication d’informations fausses, une infraction passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 2 260 USD. De plus, les autorités l’ont menacée de poursuites en vertu de l’article 91 du Code pénal, qui prévoit des peines d’un à cinq ans de prison pour la diffusion d’informations qui compromettent la sécurité publique ou provoquent des troubles politiques graves.
Un journaliste détenu et accusé de diffusion de fausses nouvelles
Le 29 janvier 2025, des gendarmes ont arrêté le journaliste d’investigation Ferdinand Avimana, plus connu sous le nom de Ferdinand Cello, à son domicile alors qu’il rendait visite à sa famille. D’après le CPJ, il a été accusé le 30 janvier 2025 de diffusion de fausses informations et de menaces à l’ordre public, avant d’être placé en détention provisoire.
Le 5 octobre 2023, le doyen des juges d’instruction du tribunal de première instance d’Anosy avait délivré un mandat d’arrêt contre le journaliste, en raison d’une publication sur les réseaux sociaux dans laquelle ce dernier affirmait que le président, le ministre de la Communication et le président de la Haute Cour constitutionnelle s’étaient enfuis en France. Il s’est ensuite rétracté et a présenté ses excuses. Selon RSF, avant son arrestation, Cello avait relayé des critiques visant Madagascar dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), un processus du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui évalue l’évolution de la situation des droits humains dans le pays. Il avait notamment exprimé ses inquiétudes concernant le détournement de fonds de l’Union européenne destinés à la construction d’une autoroute.
Il avait déjà été harcelé par la justice par le passé. En 2017, il était resté en détention durant quatre mois, avant d’être condamné à une peine de deux ans de prison avec sursis. Il a toutefois été acquitté par la cour d’appel de Fianarantsoa en 2019.