Introduction
Même si le président Emmanuel Macron a été réélu pour un second mandat en avril 2022, Ensemble, la coalition présidentielle, a perdu la majorité absolue à l'Assemblée nationale à l'issue des élections législatives de juin 2022. Elle a obtenu une majorité relative avec 246 sièges, tandis que la Nouvelle Union Populaire écologique et sociale (NUPES), une alliance de gauche, a remporté 142 sièges et le parti d'extrême droite Rassemblement national 89. En mai 2022, l'ancienne ministre du Travail Elisabeth Borne a été nommée première ministre du second mandat d’Emmanuel Macron, devenant ainsi la seconde femme à occuper ce poste sous la Vᵉ République.
Les institutions européennes s'inquiètent de l'état de droit
Le 13 juillet 2022, la Commission européenne a présenté le Rapport 2022 sur l'état de droit, qui comporte une synthèse sur l'état de droit dans l'UE et une évaluation de la situation dans chaque État membre. La section dédiée à la France contient des recommandations sur la numérisation de la justice et l'affectation de personnel suffisant au système judiciaire, la lutte contre la corruption de haut niveau et l'application de règles pour accroître la transparence des activités de lobbying et de la propriété des médias.
Pour compléter les conclusions du rapport de la Commission, les eurodéputés Verts/ALE Gwendoline Delbos-Corfield et Philippe Lamberts ont présenté une étude sur la résistance du système juridique français à un choc autoritaire. L’analyse, coordonnée par les professeurs Laurent Pech et Sébastien Platon, s'appuie sur les exemples de la Pologne et de la Hongrie pour interroger les vulnérabilités du système juridique français que pourrait exploiter une nouvelle majorité autoritaire pour s'emparer de la Constitution. L'hypothèse d'un gouvernement autoritaire suppose que le président de la République et la majorité à l’Assemblée Nationale appartiennent tous deux au même parti. Cela n'a pas été le cas lors des élections législatives de juin 2022, où aucun parti n'a obtenu des sièges suffisants pour avoir la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Globalement, le système institutionnel français est muni de garanties constitutionnelles et légales suffisantes pour assurer l'équilibre des pouvoirs. Cependant, en raison du rôle prédominant de l'État dans la tradition française, les contre-pouvoirs non institutionnels seraient relativement faibles face à une majorité autoritaire. L'étude remet en question la dépendance écrasante vis-à-vis de l'État, le pluralisme limité des médias et l'attitude des institutions, traditionnellement hostiles envers la société civile. En particulier, le document constate « l’augmentation de l’emprise du pouvoir de l’Administration sur les associations dans le cadre des politiques sécuritaires et islamophobes », dont le projet de loi sur le séparatisme.
Liberté d'association
La société civile réagit aux sanctions prévues par le projet de loi sur le séparatisme
La société civile a fait preuve de résilience face aux lois restrictives.
Le 13 septembre 2022, le préfet de la Vienne a envoyé des lettres aux autorités de Poitiers et de sa région pour leur demander de retirer leur financement au « Village des alternatives », un festival organisé par Alternatiba, un mouvement populaire qui lutte contre le changement climatique et les inégalités sociales. Selon le préfet, les activités prévues constitueraient une violation du contrat d'engagement républicain, une exigence introduite par le projet de loi sur le séparatisme (voir mises à jour précédentes). Alternatiba Poitiers avait prévu l'organisation d’ateliers de désobéissance civile dans le cadre des actions contre le changement climatique.
Le contrat d'engagement républicain est obligatoire pour les associations qui sollicitent une subvention d'une autorité administrative ou d'un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial ; qui demandent un agrément d’État ou la reconnaissance d’utilité publique ; ou qui souhaitent accueillir un volontaire en service civique. À son tour, l'association signataire s'engage à respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité, de dignité humaine et de laïcité de l'État, et à s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public.
Dans ses missives, le préfet rappelle que « les associations ne doivent entreprendre ni inciter aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d'entraîner des troubles graves à l'ordre public », et qu'« elles s'engagent à ne pas provoquer à la haine ou à la violence envers quiconque et à ne pas cautionner de tels agissements ».
En réaction à ces lettres, Alternatiba Poitiers a expliqué que la désobéissance civile est non-violente par nature et qu’elle favorise la liberté d'expression et l'engagement des citoyens dans un domaine d'intérêt commun comme le changement climatique.
Une formation à l'action non-violente au village des alternatives de Poitiers a suffit pour que le préfet demande à la mairie de retirer les subventions à Alternatiba Poitiers 🤯 Selon lui, la formation serait la preuve "d'un non respect du contrat d'engagement républicain"
— Alternatiba (@Alternatiba_) September 17, 2022
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La maire de Poitiers — l'un des destinataires de la lettre — a critiqué la requête du préfet en la qualifiant de disproportionnée et a offert son soutien à Alternatiba tout en refusant de retirer les financements pour ces activités. La communauté urbaine du Grand Poitiers a publié un communiqué de presse dans lequel elle a renouvelé son soutien permanent aux initiatives contre le changement climatique. En revanche, au sein du conseil municipal, un groupe d'opposition s'est placé dans le sillage du préfet, en affirmant que les actions contre le changement climatique ne peuvent pas s'inscrire en dehors de la loi.
Dans un communiqué de presse, le Mouvement Associatif, le plus grand réseau de la société civile française, a manifesté sa solidarité avec Alternatiba et a fait valoir que cet épisode est un bon exemple des préjudices à la liberté d'association qu'entraîne l'application du contrat d'engagement républicain.
📣 #Communiquédepresse
— Le Mouvement associatif (@lemouvementasso) September 21, 2022
À la lecture des derniers évènements, notamment du cas d'@Alternatiba Poitiers, @lemouvementasso réaffirme son opposition au contrat d’engagement républicain et s’alerte des premières dérives constatées.
👉https://t.co/1QC9u6ShP0 pic.twitter.com/4dYDTdhduj
« Ce pacte de confiance État-associations, auquel nous souscrivons, ne pourra pleinement se construire sans que des réponses soient apportées et sans que soient prises en compte les inquiétudes, aujourd’hui avérées, des acteurs et des partenaires de la vie associative face au contrat d’engagement républicain. »
Claire Thoury, présidente du Mouvement Associatif
Le festival, notamment les ateliers sur la désobéissance civile, s'est déroulé du 16 au 18 septembre 2022 et a connu un franc succès.
Un maire d'extrême droite exclut une ONG de défense des droits civiques d'un festival
Début juin 2022, Franck Briffaut, maire de Villers-Cotterêts et membre du Rassemblement national, a fait expulser la Ligue des droits de l'homme (LDH) d'un festival folklorique local où elle devait présenter ses activités d'alphabétisation et animer un stand de cuisines du monde. La LDH affirme que cette interdiction constitue une atteinte à la liberté d'association et d'expression, et a rappelé autres épisodes d'intimidation provenant de l'extrême droite.
Des OSC dénoncent l'usage disproportionné de la force par la police et lancent une action en justice contre l'impunité
Depuis le début de l'année 2022, neuf personnes ont été abattues par des agents de police lors de contrôles routiers. La LDH a demandé l'abrogation de l'article L.435-1 du Code de la sécurité intérieure, une disposition qui facilite l'usage d'armes en cas de refus d'obtempérer aux ordres de la police. D'après l'organisation, ce texte a engendré une incertitude juridique dangereuse concernant l'utilisation des armes.
En juillet 2022, le président de la LDH, Patrick Baudouin, a adressé une lettre ouverte aux députés français dans laquelle il a formulé des recommandations pour rétablir la confiance des citoyens dans les forces de l'ordre et éviter une utilisation non nécessaire ou disproportionnée de la force par la police. Outre l'abrogation de l'article L.435-1 du Code de la sécurité intérieure, ces recommandations portent sur la modification du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur afin d’accroître le contrôle parlementaire sur l'achat et l'utilisation des armes ; le recensement obligatoire par le ministère de l'Intérieur de tout décès ou atteinte à l'intégrité physique perpétré par une personne dépositaire de l’autorité publique utilisant une arme ; la création d'une autorité indépendante de contrôle de l’activité des forces de l’ordre et la poursuite de la réforme constitutionnelle engagée pour rendre le parquet indépendant de l'exécutif.
Pour mettre fin à l'impunité des forces de police en cas d'usage disproportionné de la force, les ONG LDH, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) et l'Observatoire parisien des libertés publiques se sont associées au Syndicat des avocats de France et au Syndicat de la magistrature pour lancer une action en justice qu'ils ont présentée ensemble le 26 septembre 2022. Elles cherchent à faire évoluer le règlement sur l'identification des agents pour faciliter la poursuite des violences illégales. En France, les agents de police et les gendarmes sont identifiés par le numéro référentiel des identités et de l’organisation, ou RIO. Cependant, l'Observatoire parisien des libertés publiques, qui fait un suivi des pratiques policières lors des manifestations, a documenté que dans la majorité des 70 cas analysés, le RIO était absent et l'identification des agents était difficile, voire impossible
L'@ObsParisien, qui documente les atteintes aux libertés publiques en FR, part de données de terrain : 70 observations de terrain ont déjà été réalisées. Il a constaté l'absence récurrente du port du RIO et l'identification difficile voir impossible dans la plupart des cas.
— LDH France (@LDH_Fr) September 26, 2022
Dans un communiqué de presse conjoint, les organisations ont expliqué qu'initialement elles avaient adressé un recours gracieux au ministère de l'Intérieur en juillet 2022 afin de rendre plus contraignantes les règles régissant le port du RIO. Après un rejet tacite de leur demande, elles ont décidé de porter l'affaire devant la justice administrative. Elles sollicitent que le numéro RIO soit visible en toutes circonstances, ce qui en faciliterait la mémorisation, et que des sanctions disciplinaires effectives soient appliquées en cas de non-port du RIO ou de dissimulation du visage.
#MaRueMesDroits : action de groupe contre les contrôles au faciès
Plusieurs ONG ont lancé une action de groupe devant le Conseil d'État pour obtenir des mesures concrètes, efficaces et permanentes pour mettre fin aux contrôles au faciès.
Malgré la persistance des #contrôlesAuFaciès en France et leurs impacts dévastateurs, l’Etat n’a jamais pris les mesures nécessaires pour y mettre fin.
— #MaRueMesDroits (@MaRueMesDroits_) September 19, 2022
📢 Des associations ont alors décidé de lancer la première action de groupe devant le Conseil d'Etat : https://t.co/3R8DfCV3RM pic.twitter.com/W0yEszTjLf
Elles demandent la modification du cadre juridique relatif aux contrôles d'identité, lequel octroie un pouvoir discrétionnaire excessif à la police et ouvre la voie à l'arbitraire et à la discrimination. Elles sollicitent également davantage de transparence sur le nombre de contrôles effectués, le renforcement de la supervision publique et indépendante des activités de la police, et une reddition de comptes accrue en cas d'abus.
Des ONG dénoncent des violences policières sur des migrants
L'usage disproportionné de la force par la police lors des contrôles aux frontières et de la gestion des migrants a également été documenté. Grâce au suivi sur le terrain des ONG Auberge des migrants, Utopia 56 et Human Rights Observers, le parquet de Boulogne-Sur-Mer a ouvert une enquête sur d’éventuelles violences commises par des personnes dépositaires de l’autorité publique sur des personnes migrantes.
D'après Human Rights Observers, dans la nuit du 22 au 23 août 2022, deux personnes migrantes ont été battues par des policiers à Calais alors qu'elles tentaient de rejoindre le Royaume-Uni.
Une nouvelle #violencepolicière a eu lieu à #Calais dans la nuit du 22 au 23 août. 2 personnes exilées ont été emmenées dans une rue sans caméra de surveillance par des CRS puis violemment frappées.
— Human Rights Observers (@HumanRightsObs) September 7, 2022
Nous avons envoyé un courrier au procureur pour retrouver et juger les auteurs. pic.twitter.com/blXBSKX2AS
Des ONG demandent l'annulation des arrêtés empêchant la distribution d'eau et de nourriture aux migrants à Calais
Le 20 septembre 2022, une affaire portée par une coalition de treize ONG a été entendue devant le tribunal administratif de Lille dans le cadre d'une action en justice afin d’annuler des arrêtés pris par le préfet pour empêcher la distribution de nourriture et d'eau aux migrants dans les rues de Calais.
Depuis 2 ans, @GDarmanin empêche, par arrêtés, la distribution gratuite d’eau et de nourriture dans certaines rues de Calais. Ce jour, dès 13h nous serons avec 12 associations requérantes au TA de Lille pour contester ces décisions cyniques et défendre le principe de fraternité. pic.twitter.com/RGJzumvYGj
— Utopia 56 (@Utopia_56) September 20, 2022
Dans une déclaration conjointe, la coalition a exprimé l'espoir que la justice reconnaisse que les activités des ONG sont une des principales expressions du principe humanitaire auquel nul ne peut déroger.
Un rapport d'ONG documente la répression des musulmans en France
Dans le rapport intitulé « Nous commençons à répandre la terreur », l'organisation revendicative de lutte contre l'islamophobie, la CAGE, dévoile la politique d'« obstruction systématique » menée par le gouvernement français depuis 2017 contre les personnes et les groupes de musulmans en France.
Le rapport critique l'usage détourné des lois antiterroristes et des politiques d'assimilation, accompagné de discours sur la « radicalisation » et le « séparatisme » dans le langage institutionnel et dans les médias, qui stigmatisent la communauté musulmane française. Le projet de loi sur le séparatisme — en vigueur depuis août 2021 — et la « charte de l'imam » — présentée par le gouvernement fin 2020 — sont cités comme des exemples de la politique d'« obstruction systématique » et de ses initiatives pour façonner une version de l'islam approuvée par le gouvernement.
Le rapport décrit comment la liberté de religion et d'opinion des musulmans est restreinte et redéfinie en raison de l'accent mis par l'État sur la lutte contre le « séparatisme islamiste ». D'après les conclusions de ce rapport, de nombreuses organisations musulmanes ont été dissoutes, tandis que des écoles musulmanes et des mosquées ont été fermées dans le cadre d'une stratégie menée par l'État.
Le droit à un environnement sain reconnu comme un droit fondamental juridiquement opposable
Le 20 septembre 2022, le Conseil d'État a reconnu que le droit à un environnement sain, inscrit dans la Charte de l'environnement, qui fait partie du bloc de constitutionnalité du droit français, est un droit fondamental juridiquement opposable. Ceci signifie que tout individu personnellement et directement affecté par l'action ou l'inaction de l'autorité publique peut obtenir du juge administratif des mesures provisoires pour prévenir ou faire cesser toute atteinte à l'environnement.
L'ONG française Notre affaire à tous, engagée dans des contentieux contre le changement climatique, a salué cette décision et l'a qualifiée d'historique.
Décision historique du conseil d'Etat : en s'appuyant sur la charte de l'environnement, le CE consacre une nouvelle liberté fondamentale. Désormais en France, "vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé" est un droit pour chacun.e. https://t.co/44FrrAFfoh
— Notre Affaire à Tous (@NotreAffaire) September 21, 2022
Concernant les droits climatiques et environnementaux, et à titre d'exemple des synergies entre les OSC et les villes dans la lutte contre le changement climatique, les mairies de Paris, Poitiers et New York ont rejoint une coalition formée par seize collectivités territoriales et six associations dans une affaire portée devant le tribunal de Paris par l'ONG Notre affaire à tous dans le but de rehausser les ambitions climatiques de Total.
Liberté de réunion pacifique
Manifestations suite à la réélection de Macron
Après l'annonce des résultats de l'élection présidentielle du 24 avril 2022, des manifestants d'extrême gauche sont descendus dans les rues des villes françaises. À Paris, Rennes et Toulouse, des incidents ont été signalés lors des affrontements entre la police et les manifestants. À Rennes, plusieurs manifestants ont été interpellés et l'un d'entre eux a été placé en garde à vue. À Paris, la police a employé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule.
PARIS - Quelques tensions plutôt dans la soirée après les résultats.
— Clément Lanot (@ClementLanot) April 24, 2022
Gaz lacrymogène utilisé, le mobilier urbain utilisé comme barricade. #presidentielles2022 #NiMacronNiLePen pic.twitter.com/NPRhdmRT2P
Un tribunal administratif suspend les arrêtés anti-attroupement
Le 19 juillet 2022, le maire de Roubaix a pris quatre arrêtés interdisant sur un large périmètre de la commune tout rassemblement visant à occuper l'espace public de manière prolongée et susceptible de provoquer des nuisances sonores ou de troubler l'ordre public. L'interdiction s'appliquait du lundi au samedi et de 10 h à 22 h jusqu'au 30 septembre 2022. La LDH a présenté un recours en annulation assorti d’un référé de suspension temporaire devant un tribunal administratif. Les décrets ont été suspendus en raison du caractère disproportionné de l'interdiction et des mesures provisoires ont été accordées.
Ouverture d'une enquête judiciaire sur les méthodes de contrôle des foules lors d'une manifestation des « gilets jaunes » en 2019
Suite à une plainte de deux militants, une information judiciaire a été ouverte à Paris pour enquêter sur la légalité globale des méthodes de contrôle des foules employées par la police sous l'autorité du préfet de police Didier Lallement lors d'une manifestation des « gilets jaunes » le 16 novembre 2019 (voir mise à jour précédente).
Nous étions 3 équipes d'observateu•ice•s, dont une nassée.
— Pierre-Antoine Cazau (@PA_Cazau) September 8, 2022
Suite à la plainte, le parquet a classé sans suite. Un juge d'instruction a été saisi.
Le rapport de l'@ObsParisien (@LdhFedeparis @LDH_Fr @syndicatavocats @Saf_Paris) est là:https://t.co/kmLGtV2cXs
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Un rapport publié par l'Observatoire parisien des libertés publiques corrobore les allégations citées dans la plainte déposée auprès du juge d'instruction. L'affaire, initialement classée sans suite par le parquet de Paris, est soutenue par la LDH.
Reporters sans frontières (RSF) a également documenté des cas de violences policières contre des journalistes à Paris durant le mandat du préfet de police Didier Lallement, remplacé le 20 juillet 2022. Au total, 70 agressions commises par la police contre des journalistes ont été documentées entre mars 2019 et juillet 2022. RSF a déposé des plaintes concernant dix journalistes victimes de violences policières en région parisienne depuis la prise de fonction de Didier Lallement. Parmi celles-ci, six ont été classées sans suite, une est toujours en instruction, et aucune à ce stade n’a donné lieu à un procès.
Des OSC marchent pour un avortement sans risque
Le 28 septembre 2022, à l'occasion de la Journée internationale pour l'avortement sans risque, des OSC sont descendues dans les rues pour demander que l'avortement sans risque soit reconnu comme un droit fondamental.
Dans un communiqué de presse, la LDH dénonce :
« En France, l’accès à l’avortement est empêché par les fermetures de maternités de proximité et, donc, de centres d’interruption volontaire de grossesse, les diminutions de budgets alloués aux associations féministes, la double clause de conscience qui perdure et des délais qui sont plus restrictifs que dans d’autres pays européens et obligent encore des femmes à avorter à l’étranger ! Une loi de février 2022 a entériné le fait que les sages-femmes puissent pratiquer des IVG “ instrumentales ”, mais les décrets d’application ne sont toujours pas publiés ! »
Mobilisations dans plusieurs villes en solidarité avec les femmes iraniennes
À la suite de la mort de Mahsa (Jina) Amini, âgée de 22 ans, le 13 septembre 2022, après avoir été arrêtée par la police des mœurs à Téhéran (Iran) parce qu'elle portait mal le voile, des personnes sont descendues dans les rues en France pour montrer leur solidarité avec les femmes iraniennes et dénoncer la répression du régime iranien. À Paris, le 25 septembre 2022, lors d'une manifestation à laquelle ont participé plus de quatre mille personnes, la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour empêcher les manifestants d'atteindre l'ambassade d'Iran. Des manifestations ont également eu lieu à Strasbourg, Grenoble et Poitiers.
Liberté d'expression
Un mécanisme de financement adéquat est nécessaire pour garantir le rôle démocratique des médias publics
Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement français de mettre en place un dispositif de financement approprié pour France Télévisions, après la suppression de la redevance et son remplacement par un prélèvement sur la TVA dans la loi de finances pour 2022.
« Supprimer la principale source de financement des médias publics sans proposer une solution digne de leur rôle dans notre démocratie relève d’une logique de bricolage. L’improvisation est inacceptable au regard de l’importance de l’enjeu, à savoir l’indépendance et le pluralisme de l’information. Nous exhortons le gouvernement à trouver une solution pérenne de financement qui garantisse la protection des médias publics des pressions politiques, et demandons aux parlementaires de l’inscrire rapidement dans la législation. »
Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.
Les journalistes qui couvrent les élections font l'objet d'obstructions, d'amendes et d'intimidations
- Le 2 avril 2022, les journalistes des médias indépendants Blast, QG et Reporterre se sont vu refuser l'accès à l'unique meeting du président et candidat Emmanuel Macron pendant la campagne de l'élection présidentielle. Blast a finalement réussi à entrer après deux heures d'attente. Le journaliste de QG Adrien AdcaZz se trouvait à l'extérieur, devant le bâtiment dans lequel se tenait le rassemblement, pour filmer des sympathisants et les interviewer. Il a été escorté jusqu'à une station de métro par des policiers.
- Le 10 avril 2022, la police a infligé une amende de 135 euros à la journaliste Emmanuelle Anizon du Nouvel Obs, alors qu'elle suivait des partisans des « gilets jaunes » la nuit des élections dans le cadre de son travail, et ce, malgré le fait qu'elle avait présenté sa carte de presse pour justifier sa présence sur les lieux. Après avoir tenté de récupérer ses papiers d'identité, la journaliste a été repoussée et plaquée contre un mur par l'un des policiers. Finalement, elle ainsi que d’autres « gilets jaunes » se sont vu imposer une amende pour « manifestation non déclarée ». Après la publication d’un article sur l’incident sur le site web du Nouvel Obs, la préfecture de police de Paris a informé le magazine que l'amende serait retirée et s'est excusée auprès de la journaliste, en précisant que les agents n'avaient pas reconnu la carte de presse de la journaliste.
- Le 10 avril 2022, un mouvement anarchiste Radio Anti-France a piraté le signal de France Inter pendant la soirée électorale du premier tour des élections présidentielles. L'émission en cours a été interrompue durant environ une heure par un message anti-système préenregistré.
- Le 24 avril 2022, la journaliste Fany Boucaud de radio France Bleu Creuse a été agressée par un homme alors qu'elle couvrait le second tour de l'élection présidentielle à Bourganeuf, dans la Creuse. Elle suivait des militants du parti d'extrême droite Rassemblement national lorsqu'un militant a commencé à l'insulter, puis lui a jeté une chaise en métal. Elle a été touchée, mais n'a pas été blessée. Elle a déposé une plainte pour violence avec usage d'une arme. Dans un communiqué, Radio France a condamné l'attaque « très fermement » et a offert « son soutien total et son assistance juridique à la journaliste ».
Aujourd'hui, j'ai porté plainte. Pour violence avec usage d'une arme. J'ai été agressée parce que je suis #journaliste. "Juste" parce que je suis journaliste. En France. Pour mon métier. En couvrant l' #Elections2022. Comment est-ce encore possible ?
— Fany Boucaud (@ScolastikeB) April 26, 2022
- En juin 2022, le journaliste du journal d'investigation lecorrespondant.net, Djaffar Ait Aoudia, et son épouse, avocate à Draguignan, ont reçu des menaces de mort de la part de Philippe Schreck, député du parti d'extrême droite Rassemblement national. À la veille des élections législatives, le média avait publié sur son site un article concernant des détournements de fonds commis par Philippe Schreck en sa qualité d'ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de la ville de Draguignan, dans le Var. Le journaliste a déposé une plainte auprès de la police à la suite de ces menaces. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a dénoncé« des pratiques odieuses qui tendent à museler la presse ».
- Le 22 août 2022, Toufik de Planoise, correspondant de presse de Kawa TV, a été agressé par des militants d'extrême droite à Besançon alors qu'il venait de couvrir d'un procès impliquant des militants d'extrême droite pour des violences commises en mars 2022, en marge d'un rassemblement d'extrême gauche. Le journaliste a déposé une plainte auprès de la police.
Des médias français sous la menace de poursuites judiciaires pour diffamation
Mediapart, Reflets et ASI sont poursuivis pour diffamation par la société Avisa Partners, spécialisée dans l'e-réputation, la cybersécurité et l'influence en ligne. Le nom de cette entité apparaît dans plusieurs enquêtes sur des pratiques de désinformation et de lobbying dissimulées au service des intérêts des entreprises du CAC40 et de dictateurs au Congo, au Kazakhstan et dans d'autres pays.
En outre, dans une série de trois enquêtes publiées par ASI, des journalistes ont identifié de nombreux petits médias numériques et blogs reproduisant des contenus produits par Avisa Partners, et ont montré comment des campagnes de désinformation ont infiltré des médias traditionnels établis par le biais d'articles d'opinion signés par des experts et des politiciens.
Avisa Partners a également adressé des mises en demeure aux médias Next Inpact, l'ADN et le Miroir du Nord pour qu'ils effacent certaines références des enquêtes journalistiques sur les activités du groupe.
Un journaliste arrêté et mis en examen dans le cadre d'une enquête antiterroriste
Le 22 juin 2022, à Paris, le journaliste Alex Jordanov a été placé en garde à vue durant 48 heures et mis en examen pour divulgation de secrets défense et recel de violation du secret professionnel. Cette arrestation fait suite à la publication en 2019 d'un livre dans lequel il rend compte de son enquête sur certains dysfonctionnements de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Dans Les guerres de l'ombre de la DGSI, le journaliste décrit les méthodes employées par la police dans la lutte contre le terrorisme en France. À présent, il est accusé de divulguer des détails qui pourraient permettre l'identification d'agents et de sources. Jordanov avait déjà témoigné devant la police judiciaire en 2020 lors d'une audience publique suite à une plainte déposée par la DGSI.
#DGSI Le journaliste #AlexJordanov placé en garde à vue ! Son livre est une mine d'or sur l'islamisme en France. Une référence bien documentée par des agents de la Dgsi eux mêmes. Ça doit déranger certains. https://t.co/aTnxoMNtyU via @LePoint
— @TopDepar (@TopDepar) June 23, 2022
Yannick Dehée, son éditeur, affirme que l'œuvre avait été relue par des spécialistes du renseignement afin d'éviter toute divulgation d'information sensible. Il déplore :
« La pression exercée sur Alex Jordanov pour livrer ses sources bafoue les droits élémentaires de la presse et crée un précédent très dangereux pour le fonctionnement de notre démocratie. »
« Une telle procédure, trois ans après la publication du livre, semble à la fois disproportionnée et incongrue. Il est à craindre que l'objectif des autorités avec cette garde à vue soit d'intimider le journaliste. Si le secret des sources n'est pas garanti dans un pays, s'il est mis à mal par des actions telles que celles-ci, les citoyens seront privés de leur droit à disposer d'informations non officielles », prévient Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.
La police empêche les journalistes d'interviewer des défenseurs de l'environnement
Le 25 mai 2022, Justine Prados, journaliste à Vert le média ; Alexandre Reza-Kokabi, journaliste à Reporterre ; et Paul Larrouturou, journaliste à LCI, se sont vu refuser l'accès aux militants écologistes qui bloquaient l'assemblée générale de Total à Paris à laquelle devaient assister les actionnaires. Les trois journalistes se trouvaient dans la rue, devant le bâtiment qui accueillait la réunion, pour interviewer des militants et des actionnaires de Total. Mapping Media Freedom a signalé que Justine Prados et Alexandre Reza-Kokabi ont été priés de quitter la zone pour procéder à un contrôle de leurs accréditations et n'ont pas pu poursuivre les interviews malgré le fait d’avoir présenté leur carte de presse. On a également empêché Paul Larrouturou d'interviewer des militants. La police a justifié cette obstruction en affirmant qu'elle avait reçu l'ordre d’éviter que les journalistes entrent dans le bâtiment. Le Syndicat National des Journalistes (SNJ) a dénoncé la violation de la liberté d'informer.
Une balle touche une vitre des locaux de France Télévisions
Le 26 septembre 2022, deux coups de feu ont été entendus et un projectile a atteint l'une des fenêtres du service culturel de France Télévisions à Paris. Une enquête pour tentative de meurtre a été ouverte. Pour l'instant, on ignore si le média était visé ou si la balle a percuté la fenêtre par hasard. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a annoncé le renforcement de la sécurité autour du bâtiment.
Un tribunal juge illégale la tentative de perquisition des locaux de Médiapart en 2019
Dans un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal de Nanterre a condamné l’État pour sa tentative de perquisition des locaux de Mediapart le 4 février 2019 sous les ordres du procureur de la République de Paris. Les magistrats ont jugé qu'elle n'était « ni nécessaire dans une société démocratique ni proportionnée à l’objectif poursuivi ».
Le 14 février 2019, deux procureurs, escortés de trois policiers dont un commissaire de la brigade criminelle, se sont rendus dans les locaux de Mediapart pour effectuer une perquisition. Elle a été ordonnée après que Mediapart a enquêté sur l'ancien collaborateur du président Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, reconnu coupable d'avoir participé aux affrontements dans les rues lors de la Journée internationale des travailleurs de 2018 à Paris. Cette perquisition n'ayant pas été autorisée au préalable par un juge des libertés et de la détention (JLD), les journalistes de Mediapart s'y sont légitimement opposés.
Le jugement estime que la tentative de perquisition avait cherché à produire un « effet d'intimidation » et qu'elle avait été disproportionnée, puisque le bureau du procureur disposait d'autres moyens moins coercitifs pour obtenir des informations sur l'affaire.