Contexte
Dans notre dernière mise à jour, nous avons signalé que l'espace politique et civique s'était encore rétréci dans les mois précédant le vote du 6 mai 2024. La composition du nouveau gouvernement, constitué de fidèles au président Mahamat Idriss Déby Itno, a été annoncée le 27 mai. Cependant, sous la nouvelle République, les opposants et la société civile sont toujours réduits au silence comme auparavant.
Le 21 septembre 2024, Gam Robert, secrétaire général du Parti socialiste sans frontières (PSF), a été « enlevé par des agents des services de renseignement », a indiqué son parti, qui affirme qu'il a été « harcelé et intimidé » depuis l'assassinat de Yaya Dillo, président du PSF, en février 2024. Le Centre d'études sur le développement et la prévention de l'extrémisme a exigé sa libération immédiate.
La Commission électorale a annoncé que les élections législatives, provinciales et communales se tiendront le 29 décembre 2024.
Liberté d'expression
🚨 Arrestation de notre correspondant Ibrahim Hassan Mouhadjir par les services de renseignement à Abéché alors qu'il exerçait ses fonctions journalistiques. Nous dénonçons fermement cette atteinte à la liberté de la presse et appelons à sa libération immédiate.… pic.twitter.com/mbnW9mjDl9
— tchadinfos (@tchadinfos) July 2, 2024
Des journalistes menacés et détenus, et des sites web suspendus
Le 1ᵉʳ juillet 2024, deux journalistes ont signalé la mort d'un conducteur de rakcha aux mains d'agents de police dans la province du Ouaddaï. Le lendemain, le chef du Service de sûreté extérieure de la province a arrêté les journalistes Ibrahim Hassan Mouhadjir de Tchadinfos et Saleh Hassan Adoum de Tribune Echos. Plusieurs médias et associations ont dénoncé ces arrestations injustifiées.
Le 23 juillet 2024, à Doba, Ndoumde Palkoubou Karos, agent de la police judiciaire, a menacé le journaliste Djikoloum Frédéric Ngardodjim, rédacteur en chef de la radio La Voix du paysan, et a saisi son portable. D'après le site d'information Al Widha, les faits ont eu lieu après que Djikoloum a répondu à une question concernant une rumeur sur la mort d'un prisonnier à la police judiciaire, soulevée lors de la visite du président d’Action chrétienne pour l'abolition de la torture au Tchad, un jour plus tôt. Mécontent de la situation, le lieutenant Ndoumde a menacé Djikoloum.
Du 26 au 29 juillet 2024, Tchadinfos.com, le principal site d'information du pays, a été suspendu et plusieurs médias ont été contraints de retirer des articles après qu'un ancien conseiller présidentiel a réussi à les censurer au moyen d'une loi américaine. L'ancien conseiller du chef de l'État et homme d'affaires Abakar Manany a copié-collé dans un blog tous les articles publiés sur lui par des médias tchadiens. Par la suite, il a contacté l'hébergeur de Tchadinfos.com, qui se trouvent aux États-Unis, pour dénoncer qu'ils avaient été plagiés. En vertu de la loi américaine sur les droits d'auteur (la Digital Millennium Copyright Act), les hébergeurs d'un site doivent suspendre un portail d'actualités lorsqu'une plainte est déposée, jusqu'à ce que le contenu incriminé ait été retiré ou que des preuves du contraire aient été apportées. Abakar Manany avait été limogé en 2023 et souhaitait la suppression de tous les articles le concernant. Selon Reporters sans frontières, les médias Le Pays, Le N'Djam Post, N'Djamena Actu, Tchad One et l'Agence de presse africaine (Apanews) ont été mis en demeure par Manany de supprimer les articles en question et de les mettre en suspens pour éviter que leurs sites ne soient pas bloqués. Tchadinfos.com a refusé de le faire. Abakar Manany dément toute participation.
Quelques jours plus tard, le 7 août 2024, le journaliste et rédacteur en chef de Tchadinfos.com, Oumar Ali Badour, est resté en détention pendant vingt-quatre heures dans les locaux de l'Agence nationale de sécurité. Il avait été convoqué à un poste de police, puis emmené à l'Agence nationale de sécurité de l'État par des hommes cagoulés pour des raisons que l'on ignore.
Au Tchad, les journalistes sont confrontés à un contexte effroyable. Ils subissent des pressions, des agressions, des enlèvements ou des meurtres, et travaillent dans des régions où sévissent des groupes armés. En 2023, Reporters sans frontières a prévenu qu'en l'absence de changement et d'une protection accrue de la presse, le Sahel pourrait devenir « la plus grande zone de non-information de l'Afrique ». Le 24 septembre 2024, à Bamako, plus de 500 radios de l'Afrique de l'Ouest ont lancé un appel pour la protection des journalistes au Sahel.
LIBERTÉ D'EXPRESSION ET D'ASSOCIATION
A key figure in the process that led to the trial of Hissène Habré before a special African court, American lawyer Reed Brody was scheduled to present his book recounting the pursuit of the former dictator. https://t.co/XKrbx1byLh
— The Africa Report (@TheAfricaReport) October 3, 2024
Le 2 octobre 2024, des militaires ont suspendu une conférence à laquelle participait l'avocat américano-hongrois Reed Brody, invité par la section culturelle de l'ambassade des États-Unis, en partenariat avec le Centre d'études et de formation pour le développement. Il était venu présenter son livre sur le procès d'Hissène Habré en compagnie de deux confrères. Les forces de police ont envahi les lieux et dispersé les participants. Elles ont arrêté Brody et l'ont expulsé du pays plus tard dans la journée. Fin février de cette année, les victimes de l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré ont enfin commencé à être indemnisées.
Liberté de réunion pacifique
Des réfugiés soudanais protestent contre les conditions calamiteuses dans les camps
Plus d'un million de réfugiés soudanais vivent actuellement sur le sol tchadien. Les agences humanitaires s'efforcent de fournir l'aide nécessaire. En novembre 2023, dans le camp de réfugiés d'Iridimi, près de la frontière, des réfugiés soudanais ont manifesté contre l'anarchie qui règne sur le site. Ils ont manifesté à nouveau en mai 2024 pour réclamer de l'eau, des vivres, des services de santé et d'éducation, et davantage de sécurité. En juillet 2024, des réfugiés nouvellement arrivés dans le camp de Djabal ont protesté contre la famine devant le siège du HCR. Le 14 août de la même année, les réfugiés du camp de Milé, dans l'est du pays, ont manifesté contre les pénuries d'aliments et ont empêché les travailleurs humanitaires d'entrer sur le site.