Dans cette mise à jour, nous analysons les événements liés à la liberté d’expression, d'association et de rassemblement survenus en Algérie du 7 janvier 2025 au 1ᵉʳ août 2025.
En Algérie, l’espace de liberté a continué de se rétrécir dans un contexte marqué par des relations diplomatiques tendues avec ses voisins, le Maroc et le Mali, ainsi qu’avec l’ancienne puissance coloniale, la France. Les activités des partis politiques sont soit interdites, soit entravées, les médias sont muselés et la dissidence pacifique est la cible d’accusations pénales. De même, les lois sont adoptées sans qu’il y ait de larges consultations, ce qui inquiète les experts, qui craignent qu’elles n’aient un impact négatif sur les activistes.
Contexte
La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme exprime sa consternation
Le 30 janvier 2025, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains, Mary Lawlor, a publié un communiqué de presse dans lequel elle condamne les restrictions et le harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits humains en Algérie. À propos de sa visite dans le pays en 2023, elle a exprimé sa profonde déception de voir que les personnes qu’elle avait rencontrées continuaient de faire l’objet d’arrestations arbitraires, de harcèlement judiciaire, d’intimidation et de criminalisation.
Les ONG internationales appellent à mettre fin à la répression
Le 7 mars 2025, Amnesty International, Article 19, l’Institut du Caire pour les études des droits humains, Euromed Rights, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Human Rights Watch, le groupe MENA Rights et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont organisé un événement en marge de la 58ᵉ session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, qui a coïncidé avec la présentation du rapport de la rapporteuse spéciale sur sa visite dans le pays en 2023. Ils ont signalé que, malgré cette visite, le gouvernement avait continué de réprimer la dissidence en s’attaquant aux droits à la liberté d’expression, à la liberté de manifestation pacifique et à la liberté d’association.
Dans son rapport d’avril 2025 sur l’Algérie, Amnesty International a signalé que l’utilisation d’accusations de terrorisme infondées contre des journalistes, des syndicalistes et des défenseurs des droits humains avait conduit à la fermeture progressive de l’espace civique. Selon l’organisation internationale de défense des droits de l’homme, les autorités sont restées très intolérantes à l’égard des rassemblements pacifiques et ont empêché la tenue d’événements culturels et de défense des droits humains. Le 24 avril 2025, l’ONG a dénoncé une « répression implacable » durant les cinq derniers mois, en particulier en réponse à un mouvement de protestation en ligne qui s’est soldé par des arrestations « arbitraires » et des poursuites « injustes ».
Le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire passe au crible les détentions de militants algériens
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que l’arrestation et la détention d’Ihsane El Kadi en 2022 et 2023 étaient arbitraires et a demandé au gouvernement algérien de remédier à la situation, notamment en octroyant une indemnisation, conformément au droit international. Fondateur et directeur de médias indépendants connus pour leurs reportages critiques sur le gouvernement, Ihsane El Kadi a été placé en détention à plusieurs reprises. Le gouvernement n’a pas répondu à la demande.
Le 4 février 2025, l’organisation MENA Rights Group a présenté le cas de Tahar Larbi au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Il avait été condamné à quatre ans de prison le 20 novembre 2024. Après une série de publications sur les réseaux sociaux, il a été accusé d’« offense au président de la République », d’« atteinte à l’image des services de sécurité » et d’« affichage de publications nuisibles à l’intérêt national ».
Les autorités interdisent une réunion d’un parti politique
Le 22 mai 2025, les autorités de la wilaya d’Alger ont empêché le parti d’opposition algérien Rassemblement pour la culture et la démocratie de tenir une réunion politique prévue le 24 mai à l’auditorium Ibn Khaldoun, dans le centre de la capitale. Pour justifier leur refus, elles ont argué que la salle ne serait pas disponible en raison d’autres activités prévues du 17 au 30 mai. Cependant, le RCD a tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas d’un incident isolé, mais d’un exemple révélateur d’une tendance récurrente : le refus d’autoriser les rassemblements politiques. En réponse, le parti a publié une déclaration condamnant l’interdiction et a déposé un recours contre la décision devant un tribunal administratif.
Une nouvelle loi pour faciliter la mobilisation militaire
Le 8 juillet 2025, le Conseil de la nation a adopté à l’unanimité deux projets de loi majeurs qui établissent un nouveau modèle de gouvernance sécuritaire et judiciaire considéré comme répressif par une grande partie de la société civile. Le premier est la loi de mobilisation générale, qui autorise les forces armées à entrer en état de guerre avec l’accord du président et qui rend obligatoire la participation des citoyens, des entreprises et des institutions publiques. De même, elle criminalise la non-conformité et prévoit des sanctions sévères en cas de refus de coopérer. Le texte est entré en vigueur le 27 juillet 2025.
Des citoyens ordinaires et des experts ont exprimé leurs inquiétudes et craignent une escalade militaire. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont exprimé leur préoccupation quant à la formulation vague du texte, qui confère à l’exécutif des prérogatives exceptionnelles en matière de réquisition et de contrôle des biens et des personnes, sans un contrôle institutionnel suffisant. Elles déplorent également que la loi n’ait pas fait l’objet d’une large consultation et d’un débat parlementaire approfondi.
Le Code de procédure pénale fait l’objet de modifications
Le 8 juillet 2025, le Parlement a adopté des amendements au Code de procédure pénale. Comme pour la loi sur la mobilisation générale, ces modifications ont été adoptées sans une consultation transparente des acteurs de la société civile.
Selon l’Observatoire pour la protection des défenseur⋅es des droits humains, ces nouvelles dispositions affaiblissent les garanties du droit à un procès équitable et portent atteinte à la liberté de circulation. La prolongation des gardes à vue sans autorisation d’un juge, même après la clôture d’une enquête par la police judiciaire, accroît le risque de détentions arbitraires sans base légale claire.
Forte de ses 60 000 membres, l’Union nationale des ordres d’avocats (UNOA) avait demandé une réunion d’urgence avec le ministre de la Justice pour lui faire part de ses réserves concernant des dispositions qu’elle considérait comme des violations des droits de la défense, notamment le renforcement des pouvoirs du parquet et le maintien de la procédure de comparution immédiate. Elle a souligné que la détention provisoire devrait, en principe, être une mesure exceptionnelle et non la règle.
Les infractions liées aux stupéfiants sont désormais passibles de la peine de mort
Un amendement à la loi nᵒ 04-18 relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic illicites de stupéfiants a été adopté le 1ᵉʳ juillet 2025. Il prévoit notamment des peines plus lourdes en cas de récidive, dont la peine de mort pour certaines infractions.
Cette évolution va à l’encontre du mouvement mondial pour l’abolition de la peine de capitale, ainsi que de l’engagement de l’Algérie, qui a voté en faveur d’un moratoire sur la peine de mort au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2024.
Liberté d’association
Les collectifs de familles de disparus sont victimes d’une répression croissante
Le 23 mai 2025, le Collectif des familles de disparu·e·s en Algérie (CFDA) a publié un communiqué de presse dans lequel il dénonce l’intensification des hostilités à l’encontre de ses activités. Depuis 1998, le CFDA milite en faveur de la vérité et de la justice au sujet des disparitions forcées survenues pendant le conflit civil algérien des années 1990. Aujourd’hui, l’organisation alerte sur une série d’attaques coordonnées visant à réduire son travail au silence. Récemment, la police a interdit deux événements qui devaient se tenir à Alger et a bloqué physiquement l’accès aux lieux. En parallèle, la présence numérique de l’organisation a été soumise à un état de siège : sa plateforme de radio en ligne, la Radio des sans voix, est désormais inaccessible ; le site web du Mémorial des disparus a été supprimé ; et le site web principal du CFDA est bloqué en Algérie. L’organisation considère que ces actions s’inscrivent dans une initiative plus large qui vise à effacer la mémoire historique et à exclure la société civile du processus d’établissement de la vérité et de documentation des violations.
Liberté d’expression
Les médias et les journalistes sont réduits au silence
Selon RSF, depuis l’élection d’Abdelmadjid Tebboune en décembre 2019, les médias et les journalistes sont soumis à une pression constante et le gouvernement exerce une influence directe sur la nomination et le licenciement des responsables des médias et des autorités de régulation. Comme l’ont remarqué les journalistes de The Africa Report, il n’y a pratiquement plus de rapports critiques en circulation et les enquêtes journalistiques ont quasiment disparu.
À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025, onze organisations de défense des droits humains ont publié une déclaration commune dans laquelle elles ont condamné les violations persistantes et systématiques de la liberté de la presse perpétrées par les autorités algériennes. Les signataires ont dénoncé l’utilisation abusive de dispositions légales vagues et trop larges pour criminaliser la dissidence, et ont exigé la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement, ainsi que des réformes législatives.
Un journaliste français condamné à sept ans de prison
Le 29 juin 2025, le journaliste sportif français Christophe Gleizes a été condamné à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national ». Le tribunal de Tizi Ouzou, dans le nord de l’Algérie, a ordonné son incarcération immédiate. Arrêté le 28 mai 2024, il avait été contraint de rester en Algérie pendant plus de treize mois sous contrôle judiciaire.
Reporters sans frontières affirme que ces accusations sont aussi choquantes que dénuées de fondement. Christophe Gleizes, journaliste sportif collaborateur pour le magazine So Foot, s’était rendu en Algérie en mai 2024 pour réaliser un reportage sur le club de football de Tizi Ouzou, la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK), du nom de la région algérienne de Kabylie, où habite le peuple berbère kabyle. D’après l’ONG, ces accusations sont principalement « dues au fait que le journaliste avait eu des contacts, en 2015 et 2017, avec le responsable du club de football de Tizi Ouzou qui était, d’autre part, responsable du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par les autorités algériennes en 2021 ».
Sa condamnation à sept ans de prison est absurde et démontre une chose : aujourd’hui, rien n’échappe à la politique. De plus, la justice algérienne a manqué une occasion décisive de régler cette affaire de manière honorable.
- Thibaut Bruttin, directeur général de RSF
L’écrivain Boualem Sansal condamné à une peine de prison
Le 27 mars 2025, l’écrivain Boualem Sansal, âgé de 80 ans, a été condamné à cinq ans de prison pour atteinte à l’intégrité du territoire algérien, à la suite de propos tenus dans un média français. Le 1er juillet 2025, un tribunal algérien a confirmé sa condamnation à cinq ans de prison. Il disposait toutefois d’un délai de huit jours pour présenter un nouveau recours devant la Cour suprême.
La décision du gouvernement algérien de maintenir en prison Boualem Sansal, un écrivain âgé et malade, puni pour ses idées et pour s’être exprimé, est autant incompréhensible qu’inadmissible.
- Karin Deutsch Karlekar, directrice du programme Writers at Risk de PEN America
Un historien est condamné pour des commentaires sur les minorités
Le 3 juin 2025, le tribunal de Dar El Beida a condamné l’historien Mohamed Amine Belghit pour atteinte à l’unité nationale. Lors d’une interview diffusée sur Sky News Arabia, Belghit, connu pour ses propos provocateurs, a affirmé que l’identité amazighe n’existait pas et qu’il s’agissait d’une construction « franco-sioniste ».
Dans un communiqué, le parquet a expliqué que Belghit avait été arrêté pour « crime d’atteinte à l’unité nationale par un acte ciblant l’unité nationale, aux fins de porter atteinte aux symboles de la Nation et de la République », ainsi que pour « délit d’atteinte à l’intégrité de l’unité nationale » et « délit de diffusion de discours de haine et de discrimination via les technologies de l’information et de la communication ». Le ministère public avait requis une peine de sept ans de prison et une lourde amende. Finalement, il a été condamné à cinq ans de prison et à une amende de 500 000 dinars (environ 3 850 USD).
Un défenseur des droits humains condamné à 18 mois de prison
Le 30 avril 2025, le tribunal des délits et des contraventions d’Oued Rhiou, dans la province de Relizane, a condamné le défenseur des droits humains Abdallah Benaoum à 18 mois de prison ferme. Il a également été condamné à une amende de 200 000 dinars algériens et a été déchu de ses droits civils et politiques pour une durée de cinq ans. Benaoum avait été arrêté une semaine auparavant par les services de sécurité intérieure. Son domicile a été perquisitionné de fond en comble et tous les téléphones et appareils électroniques, tant les siens que ceux de sa famille, ont été saisis.
Cette décision de justice fait suite à des accusations liées à la diffusion d’informations fausses susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à l’ordre publics, au titre de l’article 196 bis du code pénal, ainsi qu’à la publication de contenus jugés préjudiciables à l’intérêt national, conformément à l’article 96. Dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, Benaoum a été placé en détention juste après son procès.
Depuis 2018, il avait été arrêté à plusieurs reprises pour avoir critiqué le gouvernement sur Internet et lors de manifestations. PEN America a indiqué qu’il avait été arrêté fin 2019 et condamné pour plusieurs chefs d’accusation. Il a été libéré sans conditions le 3 février 2022, à la suite d’une grève de la faim de 154 jours. Cependant, il a de nouveau été placé en détention brièvement en octobre 2023.
Un syndicaliste est arrêté et placé en détention pour « terrorisme »
Le 19 mars 2025, Ali Mammeri, fonctionnaire, militant du Hirak, président du Syndicat national des fonctionnaires de la culture (SNFC) et membre du Conseil national de la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP), a été arrêté sur son lieu de travail à Oum El Bouaghi par des agents en civil.
Il avait été victime de représailles et de menaces de poursuites judiciaires pour avoir organisé une campagne de syndicalisation dans le secteur culturel en 2024.
D’après l’organisation MENA Rights Group, au 23 mars 2025, aucune information officielle sur son lieu de détention n’avait été transmise à sa famille ou à sa défense. Le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires avait été informé de la disparition forcée de Mammeri le 22 mars 2025.
Un avocat défenseur des droits humains condamné pour ses publications sur les réseaux sociaux
Le 16 février 2025, un tribunal de Sétif a condamné par contumace Mounir Gharbi, membre du Comité national pour la libération des détenus, à trois ans de prison pour « exposition au regard du public de publications de nature à nuire à l’intérêt national » et « outrage à l’autorité constituée ». En 2022, il avait publié sur Facebook des commentaires à propos de l’annonce de l’arrestation et de la mort de Madani Salou lors d’une opération antiterroriste.
Un militant de la société civile tente de s’immoler
Le 1ᵉʳ juin 2025, Faouzi Abdelkader Zekout, militant de la société civile, a tenté de s’immoler devant le ministère de la Justice pour protester contre ce qu’il a qualifié d’« injustice judiciaire persistante et d’abus systématique » de la part d’un juge du tribunal de Frenda (cour de justice de Tiaret). Selon les médias, il « est connu localement pour son travail bénévole et humanitaire, et participe régulièrement à des campagnes d’actions solidaires pour la communauté, ainsi qu’à des revendications en faveur d’une meilleure gouvernance locale ». Zekout avait été emprisonné en 2020 en raison de son activisme au sein de la société civile. Il a été transféré à l’hôpital de Zeralda, spécialisé dans le traitement des grands brûlés.
Les discours de haine à l’encontre des migrants se multiplient
Selon l’Institut du Caire pour les études des droits de l’homme, ces dernières années on a constaté en Algérie une augmentation des discours de haine à l’encontre des migrants d’Afrique subsaharienne. Les migrants sont confrontés à des diatribes racistes largement relayées par certains médias et sur les réseaux sociaux, alors que le nombre d’expulsions est élevé. D’avril 2025 à juin 2025, l’Algérie a renvoyé plus de 16 000 migrants au Niger.
Un poète est arrêté et condamné
Le 20 janvier 2025, un tribunal d’Alger a condamné le célèbre militant du Hirak et poète Mohamed Tadjadit à cinq ans de prison dans le cadre d’une procédure accélérée qui a porté atteinte à son droit à un procès équitable. Il devra également s’acquitter d’une amende pour « atteinte à l’unité nationale », « publication d’informations susceptibles de nuire à l’intérêt national », « incitation à un rassemblement non armé » et « offense à un corps constitué », uniquement sur la base de ses récentes publications sur les réseaux sociaux. Certains de ces messages comportaient le mot-dièse #Manich_Radi (« je ne suis pas satisfait »), en référence à une campagne lancée en décembre 2024 sur les réseaux sociaux pour exprimer le mécontentement à l’égard du gouvernement actuel.
Selon PEN, Tadjadit avait déjà été arrêté à plusieurs reprises de 2020 à 2024, et Amnesty International avait demandé l’abandon de ces fausses accusations. Il a été libéré le 1ᵉʳ novembre 2024 à la suite d’une grâce présidentielle, toutefois, il a de nouveau été arrêté le 16 janvier 2025. Sa condamnation a donc été prononcée quatre jours seulement après son arrestation.
Un défenseur des droits humains détenu se met en grève de la faim et se voit privé de visites
Larbi Tahar, défenseur des droits de l’homme et ancien président du bureau de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme d’El Bayadh, aujourd’hui dissoute, est toujours détenu. Il a entamé une grève de la faim le 21 avril 2025 pour protester contre ses conditions de détention.
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains a signalé que Larbi Tahar, transféré à la prison d’Abadla le 26 mai 2025, y a été battu et harcelé par des gardiens. Ces derniers auraient tenté, par la violence et l’intimidation, de le forcer à mettre fin à sa grève de la faim. Deux jours plus tard, sa famille a été informée qu’il avait été privé de tous ses droits, y compris de visites familiales, en guise de punition. Cette décision enfreint l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, qui proscrivent l’interdiction des contacts avec la famille comme sanction disciplinaire ou mesure de restriction.
Trois défenseurs des droits humains sont acquittés après des années de poursuites
Le 26 février 2025, la cour d’appel criminelle du Conseil judiciaire d’Alger a acquitté les défenseurs des droits humains Said Boudour, Kaddour Chouicha et Jamila Loukil du délit d’« enrôlement dans une organisation terroriste ou subversive active à l’étranger ou en Algérie ».
Kaddour Chouicha était vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), une organisation désormais dissoute. Jamila Loukil (épouse de Chouicha) et Saïd Boudour, tous deux journalistes, étaient également membres de la LADDH. Douze autres militants, impliqués dans le mouvement de contestation du Hirak, sont également concernés par cette affaire.
Le site de l’ONG Riposte internationale est bloqué
Depuis le 30 avril 2025, des internautes, des journalistes et des défenseurs des droits humains ont signalé qu’il était impossible d’accéder au site de Riposte internationale depuis l’Algérie. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains — un organisme issu d’un partenariat entre la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) — s’est également fait l’écho de l’incident. Riposte internationale informe sur la situation des droits humains, la gouvernance et les mobilisations citoyennes, notamment en Algérie. Le site web publie régulièrement des enquêtes et des reportages sur la répression des journalistes et les restrictions à la liberté d’expression. Il est l’un des derniers relais d’information sur les prisonniers politiques, les arrestations arbitraires, les convocations, les condamnations et les peines prononcées par les juges, notamment à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.
Liberté de réunion pacifique
Les critiques font face à des interdictions de voyager
Human Rights Watch et MENA Rights Group ont dénoncé l’utilisation croissante d’interdictions de voyager arbitraires comme représailles contre les détracteurs présumés. Ces interdictions peuvent être imposées sans qu’il y ait eu de mise en demeure, en dépit des garanties procédurales, sont souvent d’une durée illimitée et presque impossibles à contester. Elles empêchent les personnes visées de quitter le pays, les séparent de leur famille et ont des répercussions sur leur vie professionnelle et leur santé mentale.
Ces interdictions de voyager s’inscrivent dans le cadre d’une campagne plus vaste de harcèlement incessant à l’encontre des critiques du gouvernement, dont le but est de museler les dissidents et de réduire à néant l’espace civique.
- Bassam Khawaja, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Human Rights Watch.
Human Rights Watch et le MENA Rights Group ont recensé 23 cas de ressortissants algériens auxquels une interdiction de voyager a été imposée. Aucune de ces personnes n’a par ailleurs été informée de la base légale de cette mesure. Il convient de souligner que cette pratique s’est intensifiée depuis 2022.
Une militante algérienne est détenue à l’aéroport et expulsée
Le 30 juillet 2025, Nassera Dutour, présidente du Collectif des familles de disparu·e·s en Algérie (CFDA) et mère d’une personne disparue, a été détenue pendant trois heures par la police aux frontières à l’aéroport d’Alger, sans aucune justification, puis expulsée de force vers la France. Ce renvoi est contraire à la Constitution algérienne ainsi qu’à de nombreux traités internationaux qui garantissent à toute personne le droit de retourner dans son pays.
En violant la Constitution du pays, l’État algérien ouvre la voie à l’impunité et rompt le lien de confiance entre les citoyens et les autorités.
- Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
Un syndicaliste est arrêté et condamné de manière précipitée
Le 5 juillet 2025, Lounis Saïdi, syndicaliste et secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du transport ferroviaire, a été arrêté, jugé à la hâte et condamné à deux ans de prison et à une amende de deux millions de dinars. Le 25 juin 2025, il avait appelé à une grève à durée illimitée pour protester contre la détérioration des conditions de travail et réclamer des augmentations de salaires. Il avait dénoncé l’ingérence de l’administration dans les affaires syndicales et la mauvaise gestion des dossiers de retraite et de recrutement, entre autres.
Cette condamnation est intervenue très rapidement : dès le lendemain de son appel à la grève, les autorités l’ont arrêté et ont insisté pour que soit tenue une assemblée générale afin de le remplacer à la tête du syndicat et de le priver de son rôle de dirigeant. Le nouveau secrétaire général a immédiatement annulé la grève et publié une déclaration dans laquelle il mettait en garde ses collègues contre toute tentative de « désordre ».
Il s’agit d’un fait sans précédent et d’une extrême gravité car il implique « la criminalisation et la judiciarisation du droit de grève et, plus généralement, de la pratique syndicale indépendante. Il s’agit de la caporalisation des syndicats par l’interférence directe de la direction et autres instances dans leurs affaires internes avec pour objectif de les neutraliser".
- Communiqué du Parti des travailleurs (PT)
Une grève des enseignants empêchée et des arrestations
Les enseignants ont tenu une grève nationale les 11 et 12 février 2025 pour protester contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail.
Les syndicats Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (CNAPESTE), Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (SNAPEST), Organisation algérienne des enseignants de l’éducation (Madjal) et Conseil des enseignants des lycées algériens (CELA) ont appelé à une nouvelle grève de deux jours, les 17 et 18 février 2025. Dans un communiqué publié le 17 février, le ministère de l’Éducation a affirmé que ces quatre syndicats n’étaient pas « représentatifs » et qu’ils n’avaient donc pas le droit d’appeler à la grève.
Le 24 février 2025, les forces de sécurité ont empêché de nombreux enseignants d’entrer dans la ville de M’sila, où devait se tenir un rassemblement devant la Direction de l’Éducation de la wilaya de M’sila. D’après le média Maghreb émergent, les forces de sécurité ont également encerclé les locaux du Conseil national du CNAPESTE, le principal syndicat impliqué dans la grève, et ont arrêté Messaoud Boudiba, coordinateur national du CNAPESTE, ainsi que d’autres membres du syndicat.
Le 24 juillet 2025, le conseil syndical de la wilaya d’Oran du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (CNAPESTE) a dénoncé la suspension arbitraire à titre conservatoire de plusieurs syndicalistes, dont leur coordinateur de wilaya, A. Rahmane Fitas. Ces mesures ont été prises à la suite de la participation des personnes affectées à des manifestations pacifiques.