Contexte
Un député de la majorité détenu après avoir critiqué le gouvernement
Le 23 mars 2024, le député de la majorité Aimé Hydevert Mouagni, membre du Club perspectives et réalités (CPR), a été arrêté puis détenu à la Centrale d'intelligence et de la documentation (CID), l'ancienne Direction générale de la surveillance du territoire (DGST). Il est inculpé pour diffusion et propagation de nouvelles de nature à porter atteinte à la sécurité, à la défense nationale et à ébranler le moral de la population ; diffamation et propagation de fausses nouvelles susceptibles de troubler la paix publique, de nuire à l’intérêt national et d’ébranler le moral de la nation ; et détention illégale d’armes et de munitions de guerre. Il a vivement critiqué la gestion du pays, notamment les cas de détournement des fonds publics et le non-paiement des émoluments dus aux parlementaires. Il a également dénoncé l'insécurité dans les grandes villes du pays et a pointé du doigt le ministre de l'Intérieur et les services de sécurité, qu’il accuse de ne pas être en mesure d’éradiquer ce fléau. Il a comparu devant la commission d'instruction de la Haute Cour de justice le 29 mai 2024.
Les cas de torture ont augmenté en 2024
Dans un rapport publié le 26 juin 2024 par le Centre d'actions pour le développement (CAD), l'organisation a constaté une forte hausse des cas de torture et d'autres violations graves des droits humains en République du Congo en 2024. Elle a documenté 122 cas de torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants durant les six premiers mois de 2024, contre 13 cas durant la même période en 2023. Ces violations ont été documentées au Sangha, au Niari, aux Plateaux, à Pointe-Noire et à Brazzaville, soit dans cinq des douze départements du pays. Quant aux cas d'arrestation et de détention arbitraires, l'augmentation est encore plus marquée : ils sont passés de 31 à 251 en 2024. Le nombre d'exécutions sommaires est passé de trois à cinq et celui des cas de torture ayant entraîné la mort de deux à cinq. D’autre part, le nombre de manifestations et de réunions réprimées a été multiplié par cinq, passant de deux à dix. D'après le rapport, les agents de l'État sont les principaux responsables des abus documentés et les victimes sont des femmes, des mineurs, des personnes âgées et des jeunes, dont la plupart sont issus de familles à faibles revenus.
Mécanismes des Nations unies
En prévision de l'Examen périodique universel de la République du Congo au Conseil des droits de l'homme des Nations unies le 30 janvier 2024, les organisations de la société civile ont présenté plusieurs propositions concernant l'espace civique. Le chef de la délégation congolaise a reconnu les défis persistants auxquels le pays est confronté en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne l'accès à la justice, les conditions de détention et la protection des groupes vulnérables.
Le 2 février 2024, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a publié ses observations finales sur les rapports de l'État sur la situation des droits de l'enfant au Congo. Il a exprimé sa préoccupation pour les violations et a noté « que les organisations non gouvernementales ont du mal à obtenir un statut juridique, notamment celles qui s’occupent des droits de l’enfant, ce qui les empêche de mener leurs activités ».
Le 26 avril 2024, les autorités congolaises ont déposé auprès du Secrétaire général des Nations unies l'instrument d'adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce protocole permet à des organismes internationaux et nationaux indépendants de se rendre dans les lieux où des personnes sont privées de liberté, afin de prévenir des actes de torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cette démarche a été soutenue par plusieurs organisations de défense des droits humains, dont ACAT Congo et la FIACAT, qui ont mené des efforts conjoints pour l'adhésion au dispositif.
L'opposition et la société civile dénoncent la détérioration de la situation économique et sanitaire
Dans une déclaration commune, les partis membres du Collectif de l'opposition au Congo ont dénoncé le chaos et la faillite que traverse le pays. Pour appuyer leurs propos, ils ont évoqué les arriérés de salaires des agents de la mairie d’Ouesso, qui cumulent 120 mois de retard, soit dix ans (voir Réunion pacifique), et ont dénoncé la mauvaise gestion des dirigeants au pouvoir. En 2022, l'Indice de développement humain avait placé le Congo à la 149ᵉ place sur 193.
Le 24 avril 2024, l'ONG congolaise Publiez ce que vous payez a édité son 8ᵉ Rapport de suivi de l’exécution des projets d’investissements publics dans le secteur de la santé pour les exercices 2020, 2021 et 2022. Dans le document, elle dénonce que, de 2020 à 2023, seuls 2 % des projets destinés à améliorer l'accès à la santé ont été réalisés, malgré les 245 millions d’euros (160 milliards de francs CFA) mis à disposition. Elle condamne également l'opacité qui entoure la gestion de ces fonds. Avant la publication, l'ONG a envoyé un brouillon du rapport au gouvernement, qui n'a pas réagi.
ACTU
— France-AfriqueMÉDIA (@FranceAfrique23) April 26, 2024
CONGO 🇨🇬 : détournement de plusieurs milliards de FCFA destinés aux projets de santé. Selon la coalition "Publiez ce que vous payez", environ 160 milliards auraient été détournés vers d'autres desseins(Tsieleka tv) pic.twitter.com/2x0ibXJthQ
La cession de terres au Rwanda toujours controversée
Le 18 mai 2022, le gouvernement congolais a conclu des accords avec son homologue rwandais pour la cession d'environ 12 000 hectares à Eleveco-Congo SAS durant vingt ans en vue de la mise en œuvre d'un projet agropastoral. Les opposants congolais dénoncent le manque de transparence sur ces accords, tandis que d'autres soutiennent qu'ils portent atteinte à la souveraineté nationale.
Le 24 août 2024, à Brazzaville, la Coalition citoyenne contre les crimes économiques et financiers au Congo a sollicité du ministre des Affaires étrangères l’expulsion de l’ambassadeur du Rwanda, Théoneste Mutsindashyaka, pour son ingérence dans les affaires intérieures du Congo. Le groupement des ONG désapprouve les propos tenus le 11 juillet 2024 par le diplomate rwandais au sujet de la cession de terres au Rwanda. « La polémique autour de cet accord a été créée, alimentée et entretenue par des groupes politiques » aurait déclaré l'ambassadeur, qui a promis de « faire de la pédagogie au peuple congolais ». La Coalition a condamné ces déclarations, qu’elle considère comme « une insulte à l’intelligence du peuple congolais » et qui causent un préjudice moral aux Congolais.
Liberté d'expression
Des défenseurs des droits humains harcelés par la justice
Le 13 mai 2024, la société METSSA SARL Congo, filiale d’un groupe implanté à Dubaï, aux Émirats arabes unis, a déposé une citation directe devant la deuxième chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire visant Cyrille Ndembi, président d'un collectif d'habitants de Vindoulou qui dénonce l'impact sanitaire d'une usine de recyclage.
L’usine de METSSA Congo produit et recycle des métaux non ferreux et des plastiques à partir de batteries au plomb, de pneus usagés et d'autres produits. Elle est située à moins d’une cinquantaine de mètres d'une école dans une zone densément peuplée, et elle émet de la fumée et de la poussière, selon un rapport d'Amnesty International de juin 2024 sur l'impact des industries de recyclage au Congo.
Community cry foul over pollution caused by lead factory in the Congo https://t.co/nSLuuimeKh
— africanews (@africanews) May 30, 2024
Depuis 2019, un collectif de résidents a pris diverses initiatives pour défendre leur droit à un environnement sain : il a envoyé des lettres à la Direction de l'environnement, engagé un avocat en mars 2023 et effectué des prélèvements de sang qui ont été analysés par plusieurs laboratoires. Le 3 avril 2024, le tribunal administratif de Pointe-Noire a ordonné la suspension temporaire des activités de METSSA Congo en raison d'une pollution avérée. Toutefois, au 22 mai 2024, la société refusait toujours de se conformer à la décision de justice.
Le 7 mai 2024, Cyrille Ndembi est intervenu sur le média en ligne Ziana TV et a dénoncé l'impact des activités de l'entreprise sur la santé des habitants de Vindoulou. Il devra comparaître devant le tribunal le 23 mai 2024 pour « diffusion sur les réseaux sociaux d’informations qui ont porté atteinte à l’honneur de la société METSSA Congo ».
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a dénoncé le harcèlement judiciaire à l'encontre de Ndembi, « qui ne semble viser qu’à l’intimider et le dissuader d’exercer ses activités légitimes de défense du droit à un environnement sain et du droit à la santé ».
Liberté de réunion pacifique
Les manifestations sont systématiquement interdites, d'après les ONG
Dix manifestations et réunions ont été réprimées, parfois violemment, en 2024 et au moins quatre personnes ont été arrêtées pour avoir fait valoir leur droit à la liberté d'expression, selon un rapport publié en juin dernier par l'ONG congolaise de défense des droits humains Centre d'actions pour le développement (CAD). D'après plusieurs ONG de défense des droits de l'homme, la préfecture de Brazzaville n'autorise jamais les marches, sauf celles en soutien au gouvernement.
Le CAD signale que les manifestations sont systématiquement interdites pour des raisons non valables et au mépris des standards démocratiques. Par conséquent, elle demande aux autorités d'abolir le régime d'autorisation préalable imposé aux rassemblements pacifiques par l'ordonnance 62-28 du 23 octobre 1962.
Des manifestants arrêtés
Le 26 juillet 2024, le Collectif des jeunes du Congo et de la diaspora (CJCD) a organisé une marche pacifique à Brazzaville pour exiger que le gouvernement prenne des mesures fortes pour enrayer le chômage, que les promesses du discours du chef de l'État sur l'année de la jeunesse soient respectées et que le gouvernement congolais soit démis de ses fonctions pour incompétence. Les militants Cédric Castellin Balou, Melvin Louwamou et René Manaka ont été arrêtés par les forces de sécurité et conduits à la Brigade territoriale de la gendarmerie. Ils ont été détenus pendant 72 heures, puis libérés sans autre forme de procès.
Manifestation pour la libération des « bébés noirs »
Le 12 juin 2024, une foule d'une cinquantaine de personnes munies de casseroles, dont des mères, s'est rassemblée devant le domicile du procureur André Oko Ngakala pour exiger la libération des « bébés noirs » en détention. Ces jeunes âgés de 13 à 25 ans, le plus souvent désœuvrés et déscolarisés, portent des couteaux et se livrent à des pillages, des viols, des meurtres et des agressions contre les populations.
Les manifestants ont demandé la libération de leurs enfants en garde à vue dans un centre à Texaco la Tsiémé.
En février 2024, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies avait exprimé sa vive inquiétude concernant des informations selon lesquelles des enfants, principalement ceux qui se trouvent en situation de rue, sont victimes de menaces, d’arrestations arbitraires et de mauvais traitements lorsqu'ils sont privés de liberté.
Des salaires impayés suscitent des grèves
Le 8 juin 2024, le personnel et les enseignants de l'Université Marien Ngouabi, la plus grande du pays, ont suivi le mouvement de grève lancé par trois syndicats pour réclamer le paiement d'arriérés de salaires. Le 20 juillet, après de nombreuses discussions avec le gouvernement, l'intersyndicale a obtenu gain de cause et les salaires non payés leur seront versés en avril et mai 2024.
Le 13 septembre 2024, les éboueurs de la capitale ont cessé le travail, en raison du non-versement de leurs salaires depuis trois mois. Averda, l'entreprise pour laquelle ils travaillent, affirme qu'elle attend toujours le transfert des fonds du gouvernement. Ils étaient toujours en grève au 18 septembre 2024.
Depuis le 1ᵉʳ octobre, les enseignants et l’ensemble des travailleurs de l'université Marien-Ngouabi de Brazzaville ont commencé une grève générale illimitée pour obtenir le paiement de leurs arriérés de salaires. L'intersyndicale à l'origine du mouvement social critique l'indifférence du gouvernement face aux difficultés de l'université et soutient que la grève se poursuivra tant que tous les salaires et les heures dus depuis 2018 n'auront pas été payés.