Le président chassé par un coup d'État militaire
Le 5 septembre 2021, les forces spéciales de Guinée, sous la direction de Mamady Doumbouya, ont arrêté le président Alpha Condé, suspendu la Constitution et dissous le gouvernement et ses institutions. Ces faits ont poussé l'Union africaine et la CEDEAO à suspendre la participation de la Guinée au sein de leurs organes de décision. Ce putsch intervient moins d'un an après la réélection de Condé pour un troisième mandat controversé qui a nécessité une modification de la Constitution, puisque celle-ci prévoyait une limite de deux mandats pour les présidents. En mars 2020 s'est tenu un référendum constitutionnel malgré des mois de manifestations. Depuis octobre 2019 les autorités ont réprimé les manifestations et les militants qui s'opposaient à la modification de la Constitution permettant à Condé de briguer un troisième mandat. Par la suite, elles ont réprimé les opposants au troisième mandat de Condé.
Dans ce contexte, le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), c'est-à-dire, l'autorité militaire, a libéré des dizaines de prisonniers politiques, dont le militant Oumar Sylla (cf. Liberté d'association), et a tenu des consultations avec l'opposition, la société civile et d'autres acteurs de la société. Malgré ceci, la durée et les modalités de la transition vers un régime civil n'ont pas encore été précisées. Le 27 septembre 2021, le CNRD a publié la Charte nationale de transition, qui établit la feuille de route vers un régime civil, et prévoit notamment la rédaction d'une nouvelle constitution et la tenue d'élections démocratiques. Elle énonce également les quatre institutions chargées de la transition : le CNRD, le président de la transition, le gouvernement de la transition et le conseil national de la transition. Le 1er octobre 2021, le colonel Mamadi Doumbouya a été investi président.
Après le putsch, le groupe de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a demandé au CNRD de rétablir et de respecter les libertés fondamentales. Après avoir consulté des journalistes et des organisations de médias dans le pays, l'organisation de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières (RSF) a formulé dix recommandations pour garantir la liberté de la presse en Guinée pendant la transition.
Depuis le coup d'État de septembre qui a renversé le président guinéen Alpha Condé, les médias privés ont systématiquement exclu les réunions de « coordination nationale » entre les représentants militaires et civils rapporte @RSF_Inter : https://t.co/LhjTBeZQQd
— IFEX (@IFEX) October 22, 2021
Liberté d'expression
Coup d'État militaire et violations de la liberté de la presse
Le 5 septembre 2021, le jour du putsch, des inconnus ont attaqué deux institutions publiques nationales et le journal national d'État Horoya à Conakry, selon la Fondation des médias pour l'Afrique de l'Ouest (MFWA). Le ministère de l'Information et de la Communication et la Direction nationale de la radio rurale de Guinée ont été les premiers attaqués ; les assaillants auraient volé du matériel de travail de la rédaction de la presse publique nationale guinéenne. Les locaux du journal Horoya ont été cambriolés également, les agresseurs ont volé des ordinateurs et du mobilier.
Le 9 octobre 2021, des agents des forces spéciales de l'armée ont fait une descente dans les bureaux de Djoma Média, qui appartient à un allié de l'ancien président Condé, sous prétexte de rechercher des véhicules d'État disparus. Les agents de sécurité présents dans les locaux ont refusé de laisser entrer les militaires ; ensuite il y a eu des tirs qui ont fait au moins deux blessés. Les agents ont finalement réussi à pénétrer dans les locaux mais n'ont pas trouvé les véhicules manquants. Par la suite, un membre du CNRD a exprimé publiquement sa solidarité avec Djoma Média et a affirmé que la question serait « réglée au niveau de la hiérarchie militaire ».
En octobre 2021, les médias privés ont saisi le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée, car on les a empêchés de couvrir certains événements officiels organisés par le CNRD, comme les consultations nationales entre celui-ci et des secteurs de la société — seulement couvertes par le diffuseur public, Radio télévision guinéenne (RTG) —, la cérémonie d'investiture du président de la transition et, plus récemment, l'investiture du premier ministre.
Un Conseiller Municipal fait Irruption dans le studio d’une radio et s’attaque aux présentateurs en pleine emissionhttps://t.co/vYxh2C6Luo
— Media Foundation for West Africa (@TheMFWA) August 24, 2021
Un élu local prend d'assaut une station radio et agresse des journalistes
Selon les informations de la Fondation des médias pour l'Afrique de l'Ouest (MFWA), le 12 août 2021, Alpha Saliou Barry, conseiller communal de Mamou, a fait irruption dans les locaux de la station de radio Global FM et a agressé trois journalistes, qui étaient à l'antenne à ce moment. Les faits se sont produits après l'émission « Choc des idées », qui abordait ce jour-là la situation sanitaire dans le district de Mamou. Le directeur des affaires de la jeunesse du district était l'invité de l'émission et s'y était rendu pour faire la promotion d'un programme d'assainissement public lancé par les autorités locales et qui cherche à mobiliser les jeunes pour nettoyer la ville chaque samedi. Au cours de l'émission, un journaliste a déclaré que Mamou était en désordre et que les médias suivraient l'évolution de l'initiative. Peu de temps après, Alpha Saliou Barry aurait fait irruption dans la station de radio et aurait attaqué les trois présentateurs tout en proférant des insultes et des menaces; ce qui a conduit à l’interruption du programme en direct. Le téléphone d'un journaliste a été endommagé lors de l'altercation.
Saliou Barry a fait l'objet d'une enquête de police et il a ensuite été accusé d'« injures, menaces et destruction de bien privé ». Plus tard, la direction de Global FML a abandonné les poursuites dans le cadre d'un règlement à l'amiable. La station a cité « les interventions des acteurs sociaux, religieux et administratifs de Mamou » pour justifier sa décision de rechercher un règlement à l’amiable. Le maire de Mamou a également présenté des excuses écrites au nom du conseiller.
Agression et menaces contre un journaliste enquêtant sur les mines d'or artisanales
Selon la MFWA, le 13 août 2021, un groupe d'orpailleurs artisanaux a attaqué le journaliste de Radio Milo Djanko Dansoko, qui travaille également comme journaliste indépendant pour Futur Media. L'attaque s'est produite dans le village de Tatakouro, dans la préfecture de Siguiri. Dansoko était là pour rendre compte de l'impact environnemental de l'exploitation artisanale de l'or ; une activité interdite. Le journaliste a raconté à MFWA que le groupe l'a poursuivi et l'a rattrapé à une station-service, après qu'il a réussi à s'échapper dans sa moto. Le gérant de la station-service l'a sauvé, mais le groupe de mineurs l'a insulté et menacé. Même si le journaliste et le directeur général de Radio Milo ont voulu porter plainte pour cette attaque, l'affaire aurait été réglée à l'amiable après l'intervention de l'imam et des autorités religieuses du district de Doko.
Foniké Menguè libre ! #Guinée #GuinéePutsch pic.twitter.com/Um76NsDliN
— Sidy Yansané (@SidyYansane) September 7, 2021
Liberté d'association
Libration d'un défenseur des droit de l'homme
Le 7 septembre 2021, le militant du Front national de la défense de la Constitution (FNDC) et coordinateur adjoint du mouvement pro-démocratie Tournons la page, Oumar Sylla, également connu sous le nom de Foniké Menguè, a été remis en liberté deux jours après le putsch sur les instructions de la junte militaire. Comme nous l'avons indiqué sur le Monitor CIVICUS, le militant avait été arrêté le 29 septembre 2020 alors qu'il s'apprêtait à participer à une manifestation du FNDC. Le 28 janvier 2021, il avait été condamné à une peine de onze mois de prison pour « participation délictueuse à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public », et le 10 juin 2021, il avait été condamné en appel pour « communication et divulgation de fausses informations, violences et menaces de mort ». Il s'agissait des mêmes chefs d'accusation auxquels Sylla avait dû faire face lors d'une précédente arrestation en avril 2020 et qui avaient été rejetés par un juge en août 2020.