President Alpha Conde’s Third Term Bid Pushes #Guinea to the Brink of Rule-of-Law Meltdownhttps://t.co/onyTPf8Y0h
— Media Foundation for West Africa (@TheMFWA) July 18, 2019
Débat sur le changement de la Constitution de 2010
Les groupes d'opposition et de la société civile ont dénoncé les projets du parti au pouvoir visant à remplacer l'actuelle Constitution de 2010. Alors que le parti au pouvoir – Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) – prétend que la modification de la Constitution est nécessaire à la modernisation des institutions, le calendrier du projet – les élections présidentielles doivent se tenir en 2020 – fait suspecter aux observateurs qu'il ouvrirait la porte au président Condé pour un troisième mandat. La Constitution de 2010 limite le nombre de mandats du président à un maximum de deux mandants de cinq ans chacun. La plate-forme Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), composée de membres de l'opposition politique, de groupes de la société civile et de syndicats, a été créée le 3 avril 2019 en réponse au débat sur une nouvelle constitution et à l'ambition apparente du président Condé de remplacer la Constitution afin de prolonger son mandat au-delà de 2020. Selon les organisations de défense des droits de l'homme en Guinée, cette proposition d'une nouvelle constitution pourrait déstabiliser le pays et entraîner une recrudescence de la violence politique.
#Manifestation contre le #3ème_mandat à #Nzérékoré : un mort, 34 blessés et plusieurs boutiques pillées https://t.co/Pxt52mizJu #Kibaro #Gn224 #Amoulanfé
— Guineematin (@guineematin) June 14, 2019
Assemblée pacifique
Bilan d'une manifestation contre les changements de la Constitution de 2010 : un décès et plusieurs blessés
Le 13 juin 2019, une personne est décédée et au moins 28 autres ont été blessées lors d'affrontements au cours d'une manifestation à N'Zérékoré, une ville du sud de la Guinée. La manifestation avait été convoquée par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) pour protester contre un éventuel remplacement de la Constitution permettant au président Condé de briguer un troisième mandat après 2020. Moïse Haba, membre du FNDC, a déclaré à Radio France Internationale (RFI) que les manifestants ont été encerclés par les forces de l'ordre au moment où ils s'étaient rassemblés devant le siège d'un parti politique et que de jeunes manifestants ont commencé à lancer des pierres lorsque les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Auparavant, Moriba Albert Délamou, maire de N'Zérékoré, avait interdit cette manifestation, ainsi que d'autres manifestations afin d'éviter des troubles à l'ordre public.
🔎[#GUINÉE] 🇬🇳 Un jeune manifestant a été tué mardi à Conakry lors de heurts avec les forces de l'ordre, après une marche avortée de l'opposition. Son leader Cellou Dalein Diallo @Cellou_UFDG, a été empêché de quitter les abords de son domicile. pic.twitter.com/MOLGjGt4Lf
— Le journal Afrique (@JTAtv5monde) October 30, 2018
Manifestations de l'opposition : plusieurs morts
Le 30 octobre 2018, une personne a été tuée par une balle et quinze autres ont été blessées à Conakry lors d'une manifestation de l'opposition. Auparavant, la maison de Cellou Dalein Diallo, chef du parti d'opposition Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), avait été encerclée par les forces de police, l'empêchant ainsi de participer à la manifestation. La police a justifié la mesure en affirmant qu'elle était nécessaire afin d'assurer sa sécurité. Auparavant, les autorités avaient interdit la manifestation en invoquant les tensions sociopolitiques dans le pays. Comme indiqué précédemment sur le Monitor CIVICUS, deux personnes sont mortes lors des manifestations de l'opposition et des actions de protestation « ville morte » les 15, 16 et 23 octobre 2018 pour dénoncer ce que l'opposition qualifie de manipulation et de corruption dans mise en place des conseils municipaux par le parti au pouvoir.
Selon Amnesty International, au moins 18 personnes sont mortes dans le cadre de manifestations au cours des dix mois écoulés entre janvier 2018 et fin octobre 2018. Une authentification des vidéos et des photos de la manifestation du 15 octobre 2018 par l'organisation a permis de confirmer la présence de membres des « bérets rouges », une unité militaire impliquée dans des violations des droits de l'homme dans le passé, portant des armes meurtrières. François Patuel, membre de l'organisation des droits de l'homme, commente :
« Au cours de cette année, les manifestations en Guinée ont été marquées par une violence effroyable de tous les côtés, notamment un usage excessif de la force par les forces de sécurité, et le déploiement d’une unité militaire connue pour avoir commis des violations des droits humains risque d’aggraver encore la situation. »
Deux autres manifestants ont été tués par balles réelles alors qu'ils défiaient l'interdiction d'une manifestation de l'opposition en novembre 2018. L'opposition avait appelé à une action de protestation « ville morte » le 7 novembre et une manifestation le 8 novembre. Plus tôt dans la journée du 7 novembre 2018, des affrontements se sont produits entre les manifestants et les forces de l'ordre. Un agent de police a succombé à des blessures à l'arme blanche infligées par des manifestants en colère le 8 novembre 2018.
En novembre 2018, les autorités ont déployé des unités militaires dans des lieux clés de Conakry, souvent utilisées pour des manifestations, en raison de l'aggravation de la situation en matière de sécurité. Le 15 novembre 2018, les forces de sécurité ont dispersé une manifestation de l'opposition à Conakry, où environ un millier de manifestants s'étaient rassemblés selon les médias. Des affrontements entre des groupes de jeunes et des agents de police équipés de matériel anti-émeutes ont été signalés dans le district de Hamdallaye. Les manifestants ont condamné l'impunité des violences commises par la police lors des manifestations précédentes qui, selon l'opposition, ont provoqué la mort de plus d'une centaine de civiles aux mains des forces de l'ordre.
Dans une déclaration du 17 avril 2019, Human Rights Watch (HRW) a appelé les autorités à mettre en place une unité spéciale chargée d'enquêter sur la mort de plusieurs personnes dans le cadre de ces manifestations. En particulier, l'organisation des droits de l'homme a exigé des enquêtes sur le comportement et la participation des forces de l'ordre et d'autres personnes dans des actes illégaux pendant les manifestations. Les manifestations ont été souvent violentes, avec des affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité, selon des témoins et des journalistes interrogés par HRW en janvier et février 2019. Bien que les responsables de la police aient déclaré que leurs agents ne pouvaient utiliser que des armes non létales, telles que des canons à eau et des gaz lacrymogènes, plusieurs témoins ont déclaré avoir vu les forces de l'ordre porter des armes automatiques lors de certaines manifestations. Les personnes interrogées ont également déclaré que les forces de l'ordre avaient été impliquées dans des actes de délit, comme le vol et le banditisme.
Le 5 avril 2019, la police a arrêté quinze membres de l'opposition lors d'une manifestation contre la réouverture de l'Assemblée nationale à Conakry. En janvier 2019, le président Condé avait prolongé le mandat des parlementaires, lequel avait pris fin le 13 janvier, jusqu'à la tenue de nouvelles élections législatives. Les élections auraient dû avoir lieu en septembre et octobre 2018 mais avaient été reportées depuis. En mai 2019, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de Guinée a annoncé que des élections législatives se tiendront fin 2019. Parmi les détenus figuraient Faya Millimouno, chef du parti d'opposition Bloc Libéral (BL).
Dissolution de manifestations d'étudiants et d'enseignants
Le 4 juin 2019, des affrontements entre des étudiants qui manifestaient et les forces de sécurité ont éclaté sur le campus de l'Université de Labé, dans le nord de la Guinée. Un étudiant est décédé des suites de blessures subies lors des affrontements et plusieurs autres ont été blessés. Des étudiants du département de sociologie avaient convoqué cette manifestation en solidarité avec deux autres camarades dont la présence aux examens avait été rendue obligatoire malgré leur hospitalisation après un accident de la route. Les autorités universitaires ont demandé l'intervention de la police pour contenir la manifestation. Une enquête a été ouverte tandis que les autorités universitaires et le ministre de l'éducation ont condamné la réaction brutale des forces de l'ordre.
Le 14 février 2019, les forces de sécurité ont dispersé le sit-in d'un groupe d'enseignants contractuels au moyen de gaz lacrymogènes alorsqu'ils tentaient de se réunir afin de se rendre au ministère de l’Éducation Nationale et de l'Alphabétisation pour exiger leur admission sans conditions dans la fonction publique. Les enseignants contractuels avaient remplacé les enseignants titulaires ayant entamé une grève de trois mois récemment. Certains manifestants auraient été blessés, tandis que d'autres auraient été arrêtés.
La Guinée a une nouvelle loi qui vise à protéger les gendarmes qui utilisent les armes à feu des poursuites judiciaires.
— Jim Wormington (@jwormington) July 4, 2019
Avec la Guinée au bord d’une crise politique, la loi pourrait favoriser l’impunité en cas de nouvelles violations des droits humains.https://t.co/oDBB7XDju6
L'Assemblée nationale adopte une loi sur l'utilisation des armes par les gendarmes
Le 25 juin 2019, l'Assemblée nationale guinéenne a approuvé un projet de loi sur l'utilisation des armes par les gendarmes précisant les conditions encadrant l'utilisation de la force létale. Les groupes de défense des droits de l'homme Amnesty International et Human Rights Watch ont critiqué cette loi en affirmant qu'elle ne précise pas que les armes à feu ne peuvent être utilisées que lorsqu'existe une menace imminente de mort ou de blessures graves. En outre, ils craignent que la loi ne conduise à une impunité encore plus grande puisque la note explicative de la loi mentionne la nécessité de protéger les gendarmes contre des poursuites en justice vindicatives.
Corinne Dufka de Human Rights Watch commente :
« Alors que la tension politique monte à l'approche de l'élection présidentielle de 2020, la dernière chose dont la Guinée a besoin est une loi aux termes vagues qui semble donner aux gendarmes le pouvoir discrétionnaire de décider de recourir à la force létale. »
7 manifestants anti-3ème mandat condamnés à #Kindia : « c’est un procès de la honte », dit leur avocat https://t.co/Zh4amD84Bi
— Guineematin (@guineematin) May 8, 2019
Association
Le 7 mai 2019, un tribunal de Kindia a condamné sept membres de la plate-forme Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) à une peine de prison de trois mois et à une amende de 500 000 francs guinéens (54 USD). Ces sept personnes – Boubacar Barry, Thierno Mamoudou Diallo, Mohamed Camara, Amadou Soumah, Sylla Mohamed, Mamadou Celou Diallo et Mohamed Keita – avait été arrêtés le 4 mai 2019 au stade Fodé Fissa de la ville de Kindia où le président Condé devait lancer les festivités du 61ème anniversaire de l'indépendance de la Guinée. Selon Media Foundation for West Africa (MFWA), ils portaient des t-shirts sur lesquels on pouvait lire « Ne touche pas à ma Constitution » et ont été accusés d'obstruction au droit de manifester et de perturbation de l’ordre public en vertu des articles 625 et 561 du Code pénal. Le 13 mai 2019, une cour d'appel de Conakry les a acquittés et mis en liberté au motif que l'infraction n'avait pas été commise.
Lansana Camara, the editor of the news portal https://t.co/fn6xSarUL1, has been released after spending eight days in detention over defamation charges. https://t.co/TEE0DKT2KW
— Media Foundation for West Africa (@TheMFWA) April 3, 2019
Expression
Arrestation arbitraire d'un journaliste
Le 26 mars 2019, des agents de la police judiciaire ont arrêté Lansana Camara, journaliste et rédacteur en chef de conakrylive.info, suite à une plainte du ministre des Affaires étrangères, Mamadi Touré, qui l'avait accusé de diffamation à la suite d'un article dans lequel Lansana aurait soulevé des questions sur les montants de carburant importé non prévus dans le budget et destinés au ministère. La détention arbitraire du journaliste s'est produite malgré la dépénalisation des délits de presse en 2010 et a été condamnée par les organisations nationales de médias. Lansana a été mis en liberté le 2 avril 2019 suite à une marche de solidarité organisée par des organisations de médias, telles que le Syndicat des professionnels de la presse privée (SPPG) et d'autres journalistes. Media Foundation for West Africa (MFWA) a déclaré que la veille de la libération de Camara, le juge d'instruction du tribunal de première instance de Conakry avait rejeté une demande de libération de Camara. La MFWA a condamné cette arrestation arbitraire :
«Nous condamnons le traitement de Camara comme un criminel en ce qui est clairement une affaire civile et exhortons les autorités à annuler toutes les charges criminelles portées contre lui. »
Agression contre des journalistes couvrant les grèves et les manifestations
Le 30 avril 2019, deux journalistes ont été agressés alors qu'ils couvraient une manifestation contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé, dans la ville de Kankan, dans l'est de la Guinée. Malick Diakité d'Horizon FM et Alhassane Diallo du site d'information GuineeAlerte.com ont été battus et leur équipement leur a été confisqué par un groupe de personnes soupçonnées d'être des partisans de la coalition présidentielle au pouvoir, l'Alliance Arc-en Ciel.
Le 29 octobre 2018, un agent de la brigade d'intervention mobile de sécurité a agressé deux journalistes dans la banlieue de Kipé à Conakry, d'après Media Foundation for West Africa (MFWA). Kadiatou Diallo, de Lynx FM, et Mohamed Nana Bangoura, de Mosaicguinee, couvriraient une grève d'enseignants lorsqu'ils ont été agressés. Aucun motif a été évoqué pour cette agression.
Le régulateur national des médias suspend l'accréditation d'un journaliste
La Haute autorité de la communication (HAC), le régulateur national des médias, a suspendu l'accréditation du journaliste et correspondant de Radio France Internationale (RFI) et de l'Agence France-Presse (AFP) Mouctar Bah dans une décision du 14 novembre 2018. Cette décision faisait suite à une plainte du ministre de la Défense concernant un reportage de Bah, publié par RFI et AFP le 8 novembre 2018, sur le meurtre de deux personnes dans le cadre des manifestations de l'opposition du 7 novembre (cf. Assemblée pacifique). Dans le reportage, Bah avait cité des témoins et avait signalé que les coups de feu qui ont tué les deux personnes décédées avaient été tirés par les forces de sécurité, identifiées grâce à leurs bérets rouges. Le HAC a confirmé sa décision en déclarant que le journaliste n'avait pas procédé au recoupement des informations et qu'il y avait un manque de preuves et d'équilibre dans son reportage, malgré les efforts répétés de Bah pour contacter les représentants des forces de l'ordre afin d'obtenir leur version. La HAC a ajouté dans sa décision que toute nouvelle demande d'accréditation en faveur de Mouctar Bah ne sera pas examinée par le collège des commissaires avant fin février 2019.