Interview pour @AFRICA24TV de @BAM_bba, membre de #Tournonslapage sur la crise politique au #Togo alors que se profilent des législatives rejetées par l'opposition et la société civile : https://t.co/4q1C8oCxez #Togodebout
— Tournons la Page (@TournonsLaPage) 12 de diciembre de 2018
Au Togo, les élections législatives doivent se tenir le 20 décembre 2018, mais les partis d'opposition, les groupes religieux et les organisations de la société civile sont de plus en plus nombreux à demander l'interruption du processus ou le report des élections jusqu'à ce que les réformes constitutionnelles et institutionnelles soient mises en œuvre. Une coalition de quatorze partis d'opposition, connue sous le nom de C-14, manifeste depuis août 2017 pour réclamer des réformes constitutionnelles, notamment l’établissement d'une limite de deux mandats pour le président. Le 26 novembre 2018, C-14 a annoncé qu'elle boycotterait les élections. C-14 affirme qu'il y a eu des irrégularités lors des préparatifs et demande la recomposition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Comme nous l'avons signalé précédemment sur le Monitor, le Togo est plongé dans une crise politique depuis le 19 août 2017, date à laquelle plusieurs personnes ont été tuées lors de manifestations de l'opposition réclamant le retour à la constitution de 1992. Plusieurs violations de l'espace civique se sont produites depuis août 2017, entre autres l'arrestation et la détention de défenseurs de droits de l'homme, l'interruption de l'accès à Internet et aux réseaux sociaux, ainsi que les interdictions de manifester.
At least four people have been killed in protest-related violence since 8 Dec in #Togo, including a 12-year-old boy who was shot in the head. We urge the authorities to properly investigate and sanction all those responsible for those deaths. https://t.co/ALg0KUGUaq
— Amnesty West & Central Africa (@AmnestyWARO) 13 de diciembre de 2018
Liberté de réunion pacifique
Manifestations de l'opposition
La coalition de quatorze partis d'opposition a organisé plusieurs manifestations à la veille des élections générales du 20 décembre 2018. Le 29 novembre 2018, des milliers de personnes sont descendues dans les rues des principales villes du Togo, dont Lomé, Sokodé, Kpalimé et Atakpamé, pour dénoncer ce qu'ils appellent des irrégularités dans le processus électoral et pour exiger le départ anticipé du président sortant Faure Gnassingbé. Le 1er décembre 2018, des affrontements faisant plusieurs blessés ont été signalés lors de nouvelles manifestations de l'opposition.
Le 5 décembre 2018, le ministre de l'Administration territoriale, Payadowa Boukpessi, a interdit toute manifestation dans les rues pendant la période électorale en raison d'un « risque très élevé de troubles graves de l'ordre public ». Malgré l'interdiction générale prononcée par les autorités, des manifestations de l'opposition se sont déroulées dans la capitale togolaise (Lomé) et dans d'autres villes du pays. Au moins quatre personnes ont été tuées lors de violences liées aux manifestations entre le 8 et le 10 décembre 2018.
Au cours des manifestations du 8 décembre 2018, au moins deux personnes sont mortes à Lomé, dont l'une à la suite d'une blessure par balle, selon une déclaration des autorités. L'opposition a affirmé qu'une troisième personne était décédée. Les autorités ont également indiqué que quatre policiers avaient été blessés et que 28 manifestants avaient été arrêtés. Parmi les victimes figurent un enfant tué à Agoè, un quartier de Lomé.
D'autres manifestations ont suivi et d'autres victimes ont été signalées. Le 10 décembre 2018, deux personnes auraient été tuées à Sokodé. Des affrontements entre manifestants et forces de sécurité ont été signalés, tandis que les médias ont également fait état de l'utilisation de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants et du brûlage de pneus par ces derniers.
Dans un communiqué, le Réseau Ouest Africain des Défenseurs des Droits Humains (ROADDH) et la Coalition Togolaise des Défenseurs des Droits Humains ont dénoncé la vague d'arrestations, le nombre de blessés ainsi que la mort de six personnes depuis le 8 décembre 2018. D'après ces deux organisations de défense des droits de l'homme, 34 personnes ont été arrêtées dans le cadre des manifestations et certaines ont été condamnées à des peines privatives de liberté, sans la présence de leurs avocats dans certains cas. Evelyne Petrus Barry, d'Amnesty International, s'exprime à ce propos :
« Même après la mort d’un adolescent, les autorités togolaises continuent de souffler sur les braises de la violence en déployant des militaires portant des armes à feu sur les sites de contestation, au risque d’exacerber une situation déjà tendue. »
Actions de la société civile
Lors d'une conférence de presse, le Mouvement des Forces Vives Espérances, un large regroupement de la société civile et d'organisations religieuses, dont le Front Citoyen Togo Debout, a déclaré que la situation était « inacceptable ». Le mouvement a également annoncé une série d'actions pacifiques, dont un rassemblement citoyen pour la résistance le 16 décembre 2018. Abra Aïcha Atchana, du Mouvement des Forces Vives Espérances, déclare :
« Nous demandons à tous les citoyens togolais qui cherchent véritablement la paix d'entrer en résistance contre ce régime parce qu'il veut organiser des élections sans (...) avoir effectué les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales nécessaires. »
Le 14 décembre, le ministre de l'Administration territoriale a interdit la manifestation du 16 décembre au motif que les organisateurs n'avaient pas déclaré la manifestation cinq jours à l'avance, comme l'exige la loi 2011-010 du 16 mai 2011. Le révérend Pierre Marie Chanel Affognon, porte-parole du Mouvement des Forces Vives Espérances a commenté à RFI :
« [...] ll revient à ceux et celles qui connaissent le droit de voir si nous sommes vraiment en erreur ou si c’est plutôt le gouvernement qui est en erreur. Nous respectons les autorités. Nous ne sommes pas un mouvement politique, un mouvement de personnes irresponsables qui veulent l’anarchie ou qui veulent créer une révolution violente. Nous, nous allons respecter mais si on continue comme ça, on crée, dans le cœur des Togolais, tellement de frustration qu’à un moment donné, il y aura des manifestations violentes, sans demande de permission et c’est ce que nous voulions éviter. »
Le 10 décembre, le mouvement de la société civile Front citoyen Togo debout (FCTB) a organisé un sit-in spontané devant les bureaux des Nations Unies à Lomé afin d’alerter le public sur la tension politique qui règne au Togo. Abra Aicha Atchana, au nom de la FCTB, affirme : « La Cedeao brille par son silence, qui ressemble à de la complicité ou du moins à de la compromission. »
Auparavant, le 3 novembre 2018, des milliers de personnes s’étaient rassemblées à Lomé à l'initiative de la FCTB pour exiger la libération de toutes les personnes arrêtées lors de manifestations. Selon les organisateurs, une cinquantaine de personnes sont toujours en prison. Comme nous l'avons signalé précédemment sur le Monitor, la FCTB a récemment organisé une campagne et une manifestation pour exiger la libération des défenseurs des droits de l'homme et d'autres « prisonniers politiques ».
Elections au Togo: Amnesty s'inquiète d'une loi sur la cybersécurité https://t.co/8kueYhWwiB pic.twitter.com/dKz8CNLm83
— RFI (@RFI) 14 de diciembre de 2018
Liberté d'expression
Le 7 décembre 2018, l'Assemblée nationale du Togo a approuvé une loi sur la cybersécurité. Cette nouvelle norme restreint la liberté d'expression d'après Amnesty International. Elle prévoit des peines d'emprisonnement pour ceux qui publient de fausses informations, portent atteinte à la moralité publique et produisent, diffusent ou partagent des données qui portent atteinte « à l'ordre, à la sécurité ou à la dignité humaine ». Cette loi contient également des dispositions vagues relatives au terrorisme et à la trahison pouvant conduire à des peines d'emprisonnement allant jusqu'à 20 ans. En outre, des pouvoirs supplémentaires sont accordés à la police, notamment pour la surveillance des équipements technologiques et de communication, selon l'ONG de défense des droits de l'homme.