"#Cameroon: Arbitrary detentions and military courts highlight the latest crackdown on opposition members" https://t.co/38UBmHeYtq
— Fabien Offner (@fabienoff) December 9, 2020
Liberté d'association et de réunion pacifique
Manifestations de l'opposition en septembre 2020 : plus d'une centaine de personnes sont toujours détenues et s'exposent à des poursuites devant des tribunaux militaires
Le 15 janvier 2021 Human Rights Watch a dénoncé que 136 personnes arrêtées dans le cadre des manifestations de l'opposition du 22 septembre 2020 étaient toujours en prison. Plus de 500 personnes ont été arrêtées, principalement des partisans et des membres du parti d'opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). En décembre 2020 Amnesty International avait déclaré que plusieurs personnes avaient été jugées ou poursuivies, soit devant des tribunaux civils, soit devant des tribunaux militaires :
- Le 17 novembre 2020 le Tribunal de première instance de Mfou a condamné huit personnes à deux ans de prison pour « des délits d’attroupement, de réunions et manifestations publiques, et de rébellion en groupe ».
- Le 6 novembre 2020 un tribunal de Nkongsamba a condamné cinq personnes à quatre mois de prison pour « tentative de manifestation publique ».
- Entre le 24 et le 25 novembre 2020 le Tribunal militaire de Bafoussam a poursuivi quatorze personnes pour « tentative d’insurrection en coaction, et réunion et manifestation publique non autorisée ». Une personne a été poursuivie pour « outrage au Président de la République » et pour avoir brandi des pancartes exigeant le départ du président Biya.
- Le tribunal militaire de Yaoundé a mis en examen au moins 45 autres personnes pour « tentative de révolution, rébellion, attroupement aggravé et défaut de carte d’identité », et les a placées en détention provisoire.
- Un tribunal militaire a accusé Awasum Mispa Fri, présidente des femmes du MRC, de « complicité de révolution et rébellion » pour avoir réclamé la fin de l'assignation à résidence de Maurice Kamto, leader du MRC.
Les quatre membres de Stand up Cameroon, une plate-forme de partis politiques d'opposition et d'organisations de la société civile, ont été arrêtés le 18 septembre 2020 après avoir participé à une réunion à Douala. Le tribunal militaire de Douala Bonanjo les a mis en examen pour « tentative de complot, révolution et insurrection » et ils ont été placés en détention provisoire.
Concernant le recours aux tribunaux militaires pour poursuivre les membres de l'opposition, Fabien Offner d'Amnesty International commente :
« Les tribunaux militaires ne devraient en aucun cas être compétents pour juger des civils, tel que rappelé dans les directives et principes sur le droit à un procès équitable de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. »
Interdiction du mouvement « 10 millions de Nordistes »
Dans un arrêté daté du 18 novembre 2020 le ministre de l'Administration territoriale a interdit le mouvement « 10 millions de Nordistes » affirmant qu'il n'avait pas été déclaré et que ses objectifs vont à l'encontre de la Constitution. Ce mouvement a été fondé par le journaliste Guibaï Gatama et ses membres le considèrent comme « une initiative apolitique visant à promouvoir les intérêts du grand Nord dans un esprit républicain ».
Cameroonian publisher of Kalara, Christophe Bobiokono and journalist Irène Mbezele were fined and given 2 year suspended prison sentences on charges of defamation and “insulting a state institution”: https://t.co/gSTTPiO6CC @Follow_SALC @mediadefence @ComfortMussa
— IFEX (@IFEX) December 27, 2020
Liberté d'expression
Le 4 décembre 2020, dans le cadre d'une procédure d'appel, les journalistes Christophe Bobiokono et Irène Mbezele ont été condamnés pour « diffamation et outrage à corps constitué ». Le rédacteur en chef et la journaliste du Kalara, un hebdomadaire d'investigation centré sur le système judiciaire, se sont vus infliger une peine de deux ans de prison avec sursis et de lourdes amendes — 7 265 USD et 2 750 USD respectivement —. Reporters sans frontières (RSF) dénonce « la complicité du système judiciaire camerounais pour réduire la publication au silence ». Les accusations remontent à deux articles publiés dans l'hebdomadaire en octobre 2018 concernant les propos de la députée Faustine Fotso lors d'un dîner. À cette occasion, elle aurait commenté les manœuvres qu'elle avait utilisées pour influencer les juges dans un différend entre deux hommes politiques. Elle aurait également cherché à influencer le magistrat chargé du procès contre Bobiokono et Mbezele. Les commentaires ont été enregistrés par l'un des convives à l'insu de Fotso et le Kalara s'est procuré l’enregistrement. La procédure judiciaire, en appel et lors du procès initial en décembre 2019, a été entachée d'irrégularités, notamment la violation systématique des droits de la défense et l'omission d'une déclaration clé signée lors d'une audience au cours de laquelle Fotso a reconnu les propos qu'elle avait tenus lors dudit dîner. Arnaud Froger de RSF s'insurge :
« Par deux fois, les juges camerounais se sont rendus complices de poursuites et d’accusations complètement infondées qui ne visent qu’à empêcher ce journal de poursuivre ses enquêtes. À l’issue d’une affaire qui aurait dû se solder rapidement par un non-lieu, la survie du journal, cible incontestable de toutes ces manœuvres, est menacée. Quant aux deux journalistes, ils se retrouvent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête et risquent à tout moment d’être incarcérés s’ils ne payent pas les très lourdes amendes auxquelles ils ont été condamnés. »