
Dans cette mise à jour, nous analysons les événements liés à la liberté d'expression, d'association et de réunion survenus en Haïti du 15 octobre 2024 au 31 mars 2025. Dans notre rapport annuel People Power Under Attack publié le 4 décembre 2024, nous avons qualifié la situation en Haïti de préoccupante.
Contexte
Haïti est toujours confronté à de profondes crises politiques, humanitaires et de sécurité, et le chaos causé par la violence des gangs se poursuit sans répit. Le 27 mars 2025, l'ancien Premier ministre jamaïcain et membre du Groupe de personnalités éminentes de la CARICOM, chargé d'assurer la médiation dans la crise politique haïtienne, a averti qu'Haïti était « dangereusement proche de devenir un État défaillant ».
Le 8 novembre 2024, le gouvernement de transition haïtien a démis le Premier ministre Garry Conille de ses fonctions après cinq mois en poste. Il a été remplacé par l'homme d'affaires Alix Didier Fils-Aimé, qui est devenu le troisième Premier ministre en l'espace de trois ans.
Le 11 novembre 2024, des gangs ont ouvert le feu sur des avions commerciaux qui s'approchaient de la piste de l'aéroport international, entraînant la fermeture des installations durant un mois. L'autorité fédérale américaine de l'aviation a interdit les vols commerciaux et de fret américains à destination de Port-au-Prince et d'autres régions, et a prolongé la mesure jusqu'au 8 septembre 2025 en raison de l'escalade de violence des gangs, laissant de nombreuses personnes piégées à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.
Le 11 mars 2025, William O'Neill, expert des Nations unies sur la situation des droits humains en Haïti, a déclaré que « le risque de voir la capitale tomber sous le contrôle des gangs est palpable », car ceux-ci contrôlent environ 85 % de la capitale. Afin de juguler la violence des gangs, la Police nationale, qui manque cruellement de fonds et d'effectifs, travaille de concert avec une mission soutenue par les Nations unies et dirigée par la police kényane, elle aussi confrontée aux mêmes difficultés. Le 21 octobre 2024, Leslie Voltaire, le chef du Conseil présidentiel de transition d'Haïti, a officiellement demandé que la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) soit transformée en une opération de maintien de la paix des Nations unies. Le 25 février 2025, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a écarté cette possibilité, mais a recommandé au Conseil de sécurité de demander à l'ONU de fournir un soutien logistique et financier à la mission.
Des massacres perpétrés par des gangs
D'après les chiffres publiés par les Nations unies, plus de 5 600 personnes ont été tuées en Haïti en 2024 et plus d'un million sont devenues sans-abri à cause de l'activité des gangs. Selon Crisis Watch, d'octobre 2024 à février 2025, les gangs ont perpétré au moins quatre massacres qui ont coûté la vie à quatre cents personnes.
Le 20 novembre 2024, Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a déclaré qu'« au moins 150 personnes ont été tuées, 92 blessées et environ 20 000 contraintes de fuir leurs domiciles au cours de la semaine écoulée ». Il a ajouté que les échanges de tirs entre les gangs et la police étaient responsables d'au moins 55% des décès.
Du 6 au 7 décembre 2024, des tueries ont eu lieu dans le quartier Wharf Jérémie à Cité Soleil. L'organisation haïtienne Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a indiqué que le chef de gang Micanor avait ordonné le meurtre de personnes âgées dans cette zone, car il les soupçonnait d'avoir provoqué la maladie de son enfant par des actes de sorcellerie. D'après la Primature, l'attaque a fait 180 morts. D'autre part, ACLED a recensé 242 décès du 6 au 11 décembre 2024.
Le gouvernement condamne avec une indignation absolue l’atrocité inhumaine perpétrée à Wharf Jérémie, qui a coûté la vie à environ 180 compatriotes sans défense, orchestrée par le chef de gang Micanor. Une ligne rouge a été franchie, et l’État mobilisera toutes ses forces pour… pic.twitter.com/xrYKWtY4eT
— Primature de la République d’Haïti (@PrimatureHT) December 9, 2024
Le 27 janvier 2025, la coalition de gangs Viv Ansanm a attaqué Kenscoff, un faubourg de la capitale, et tué au moins quarante personnes, dont des pasteurs, des enseignants et des enfants.
Le 24 février 2025, une attaque perpétrée par un groupe armé dans la commune de Delmas 33, à Port-au-Prince, a fait au moins vingt morts.
Plus d'un million de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays et plus de cinq millions souffrent d'insécurité alimentaire aiguë
Les données de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) publiées le 14 janvier 2025 ont révélé l'existence de 1 041 000 déplacés internes en Haïti. Selon l'organisation, la majorité de ces personnes sont des habitants originaires de la région métropolitaine de Port-au-Prince et cherchent refuge en province.
D’après l'initiative multipartite Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, près de la moitié de la population haïtienne (48 %) était confrontée à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë d'août 2024 à février 2025, et la situation ne devrait pas s'améliorer au cours des quatre prochains mois, car l'aide alimentaire humanitaire ne suffira pas à combler les besoins de la population.
Les déportations augmentent et les États-Unis mettent fin à la libération conditionnelle des Haïtiens
D'après l'Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (IJDH), le nombre de renvois de ressortissants haïtiens cherchant refuge dans des pays étrangers a augmenté de juin à novembre 2024. Le 2 octobre 2024, la République dominicaine a décidé d'expulser 10 000 Haïtiens par semaine. Ces expulsions ont fait jaillir de nombreuses accusations de violations des droits humains, allant des perquisitions non autorisées au profilage racial, en passant par l'expulsion de femmes qui allaitent et de mineurs non accompagnés.
Selon un porte-parole du Groupe d'appui aux rapatriés et réfugiés d'Haïti, 258 nationaux ont été expulsés des États-Unis et 231 autres de la Jamaïque, des Bahamas et des Turks et Caïques en octobre 2024. Des militants et des organisations de défense des droits humains s'inquiètent de ces expulsions « draconiennes » et affirment que les réfugiés renvoyés en Haïti ne pourront pas retourner chez eux à cause des gangs et rejoindront les milliers de sans-abri victimes du conflit incessant.
Le 22 mars 2025, le ministère de la Sécurité intérieure des États-Unis a mis fin aux programmes d'accueil pour certains ressortissants de Cuba, d'Haïti, du Nicaragua et du Venezuela, ainsi que pour les membres de leur famille proche (CHNV). La révocation du statut légal de ces migrants par le gouvernement de Donald Trump exposerait bon nombre d'entre eux au risque d'être expulsés s'ils choisissent de rester aux États-Unis. Le programme d'octroi de titres de séjour aux Haïtiens avait été lancé en janvier 2023 sous la présidence de Joe Biden et permettait aux citoyens de ces pays d'entrer aux États-Unis dans le cadre d'un dispositif humanitaire pour une durée maximale de deux ans. Jusqu’à la fin de novembre 2024, 213 200 ressortissants Haïtiens avaient obtenu un titre de séjour. Un recours a été déposé devant les tribunaux fédéraux contre la décision du gouvernement.
La violence sexiste prend de l'ampleur
Le 25 novembre 2024, Human Rights Watch a mis en garde contre l'escalade des violences sexuelles dans le pays. De janvier 2024 à octobre 2024, le Sous-groupe de travail sur la violence basée sur le genre a recensé 5 400 cas de ce type, parmi lesquels 72 % impliquaient des violences sexuelles qui auraient été commises principalement par des membres de gangs. Les groupes armés instrumentalisent les violences sexistes pour déstabiliser, asseoir leur contrôle territorial, réprimer toute résistance, obtenir des fonds et enrôler de nouveaux membres.
Dans son rapport du 12 février 2025 sur les conséquences de l'activité des gangs sur les enfants, Amnesty International a également établi que des filles et de jeunes femmes avaient été victimes de viols collectifs perpétrés par des membres de gangs qui avaient entraîné la contagion d'infections sexuellement transmissibles.
À ceci s'ajoute l'accès limité, voire inexistant, aux services de protection et de soins pour les victimes de violences sexistes.
Les enfants sont victimes de la violence des gangs
Le 12 février 2025, Amnesty International a publié un rapport sur l'impact des gangs sur la vie des enfants haïtiens. Pour ce faire, l'organisation a interrogé 112 personnes, de mai à octobre 2024, notamment à Port-au-Prince. Elle a constaté une multitude de violations des droits humains à l'encontre des enfants, notamment des recrutements dans des gangs, des viols et d'autres formes de violence sexuelle, des enlèvements, des meurtres et des blessures. L'organisation souligne également l'impact disproportionné de ces abus sur les enfants handicapés.
Selon des données publiées par l'UNICEF le 24 novembre 2024, le nombre d'enfants haïtiens recrutés par des groupes armés a bondi de 70 % en un an. Les enfants interrogés par Amnesty International ont affirmé qu'« ils n’avaient pas le choix et que leur implication était principalement motivée par la faim ou la peur ». Les enfants sont contraints de porter des armes, d'espionner la police et les bandes rivales, et d’effectuer des tâches pour les gangs.
Conseil électoral provisoire complet : la préparation des élections peut commencer
Le 13 décembre 2024, les deux derniers membres du Conseil électoral provisoire ont été nommés à l'issue d'un processus contesté : Yves Marie Edouard a été désignée comme représentante du secteur "Femme", et Rose Thérèse Magalie Georges comme représentante du secteur des droits humains. Ces nominations portent la proportion de femmes au sein du conseil à 44 %. Le Conseil se chargera d'organiser un référendum constitutionnel afin de doter le pays d'une nouvelle Constitution, de préparer un projet de décret électoral et d'établir le calendrier des prochaines échéances électorales, ainsi que d'organiser les élections.
Les 17 et 18 décembre, le Service des droits de l'homme du Bureau intégré des Nations unies en Haïti a apporté son soutien à l’Institut haïtien des droits de l’homme pour l'organisation d'un forum sur le processus électoral, afin de sensibiliser les acteurs nationaux à l’importance de garantir les droits humains lors des prochaines élections. Cette rencontre a réuni 26 organisations de la société civile, des partis politiques et des institutions publiques.
Le 29 janvier 2025, lors d'une visite au Palais de l'Élysée, en France, le président du Conseil présidentiel de transition s'est engagé à organiser des élections en novembre 2025 et à investir le gouvernement issu des urnes en février 2026. Le 7 mars 2025, Fritz Alphonse Jean a été investi président du Conseil présidentiel de transition, chargé de préparer les prochaines élections présidentielles. Cependant, l'organisation Crisis Group estime que « tenir des élections dans le contexte sécuritaire actuel est [...] infaisable ».
Le 24 mars 2025, les organisations de la société civile ont été invitées à discuter du référendum et du processus électoral avec les membres du Conseil électoral provisoire. Les représentants de la Fondation Je Klere, de SKL, du secteur protestant, des paysans et des Madan Sara, entre autres, ont rejeté, à l'unanimité, l'idée d'un référendum et proposé, à la place, de modifier certains articles de la Constitution.
Liberté d'expression
Des journalistes attaqués et assassinés par des gangs
Le 5 novembre 2024, le domicile de Jean-Baptiste Lookens, journaliste à la radio Tropic FM, a été incendié, probablement par des membres de gangs. En déclarations au Comité pour la protection des journalistes, il a indiqué que ces hommes croient que ses confrères « ont tous des liens avec la police ».
Le 11 novembre 2024, le journaliste et rédacteur en chef du média local indépendant Vant Bèf Info, Wandy Charles, et sa famille ont été abattus par des membres de gangs devant leur domicile dans la banlieue de Port-au-Prince, la capitale. Juste avant l'attaque, il portait son gilet pare-balles « Presse », mais l'a retiré par crainte d'être pris pour cible en raison de son travail.
Le 24 décembre 2024, les journalistes Marckendy Natoux et Jimmy Jean ont été tués par balle dans le centre de Port-au-Prince alors qu'ils couvraient la réouverture de l'hôpital de l'Université d'État d'Haïti, pillé par des gangs un an auparavant. À cette occasion, plusieurs de leurs confrères s'y étaient rassemblés et plusieurs d'entre eux ont été blessés. Peu après leur arrivée, des hommes armés ont ouvert le feu. Johnson « Izo » André, chef d'un groupe armé membre de la coalition de gangs Viv Ansanm, a revendiqué l'attaque dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Il y affirme ne pas avoir autorisé la réouverture du centre médical.
Natoux travaillait pour le service créole de Voice of America, l'agence U.S. Agency for Global Media et le réseau Boston Caribbean Network, entre autres. Jean, âgé de 44 ans, était père de six enfants et travaillait comme reporter et présentateur pour le média en ligne Moun Afe Bon.
Haitian freelance journalist Marckendy Natoux was a 42-year-old father of two who worked for local and U.S. media outlets. Freelancers are particularly vulnerable, as they account for one in three journalist killings worldwide.
— Committee to Protect Journalists (@pressfreedom) February 18, 2025
Natoux also spoke four languages, taught English,… pic.twitter.com/aKKgFoPE6I
Les journalistes Petyon Robens, Réginald Baltazar, Miracle Velondie, Florise Deronvil, Jean-Jack Aspèges, Jocelyn Justin et Rosemond Vernet ont été blessés par les tirs nourris des membres du gang.
L'Association des journalistes haïtiens a appelé les autorités à fournir dans les plus brefs délais l'assistance nécessaire aux journalistes blessés et aux proches des personnes assassinées, et à faire preuve de circonspection dans leur prise de décisions afin d'éviter de mettre en danger la vie des journalistes et de tout autre citoyen qui les accompagnerait dans leurs déplacements. Les journalistes abattus lors de cette attaque avaient été invités par le gouvernement à assister à l'événement. À la suite de la fusillade, le ministre de la Santé Duckenson Lorthé Blema annulé sa venue. Il a été démis de ses fonctions le 27 décembre 2024.
Un journaliste enlevé et torturé
Le 3 décembre 2024, le journaliste Valéry Pierre a été kidnappé à Pont-Vincent, dans le centre-ville de Petite-Rivière-de-l'Artibonite. Il a été retenu en captivité par un gang durant 45 jours avec deux autres femmes, et a été torturé. Il a été victime de brûlures et de coups d'une grande violence avant d'être libéré le 18 janvier 2025. Le Bureau intégré des Nations unies en Haïti a révélé que 431 personnes avaient été enlevées d'octobre à décembre 2024.
En Haïti, les assassins de journalistes jouissent de l'impunité.
Le 30 octobre 2024, le Comité pour la protection des journalistes a publié son rapport annuel intitulé « Indice mondial de l’impunité 2024 », qui recense les pays dans lesquels les meurtres de journalistes restent impunis. Haïti s’est hissé en tête du classement en raison des meurtres non élucidés de sept journalistes, perpétrés entre le 1ᵉʳ septembre 2014 et le 31 août 2024.
Des attaques contre les médias
Le 12 mars 2025, des groupes armés ont pillé et incendié les locaux de la Radio Télévision Caraïbes (RTVC) à Port-au-Prince. La direction et le personnel des médias n'étaient pas sur place puisqu'ils avaient été contraints d'abandonner les lieux depuis un an. Selon les informations de RSF, l'incendie a été allumé délibérément et «constitue un coup symbolique dévastateur à l’encontre de l’un des médias les plus influents du pays ».
Cet incendie criminel contre RTVC est une tentative supplémentaire de museler la presse haïtienne par la terreur et la destruction. Depuis plusieurs années, les journalistes et les médias en Haïti sont la cible de violences, de menaces et d’exil forcé à cause des gangs armés. [...] L’impunité persistante alimente le risque croissant d’un black-out médiatique sur certaines zones du pays devenues de plus en plus inaccessibles, privant la population de son droit à l’information.
- Artur Romeu, directeur du bureau Amérique latine de RSF
Le 12 mars 2025, les locaux de Radio Mélodie F.M. ont été vandalisés. D'après SOS Journalistes, cet acte d'intimidation est la conséquence de l'impunité généralisée.
Dans la nuit du 15 au 16 mars 2025, des individus ont enfoncé le portail principal du siège de Télé Pluriel, à Delmas, et ont ensuite mis le feu aux locaux.
La situation est très alarmante. Nous assistons à des attaques répétées contre les civils, les étudiants et les journalistes. Les attaques contre les médias visent à les intimider et à mettre fin à leur mission essentielle d'information du public.
- Eric Voli Bi, chef du Bureau de l'UNESCO à Haïti
Une émission de radio suspendue
Le 22 novembre 2024, le Conseil national des télécommunications (CONATEL) a suspendu l'émission Boukante Lapawòl de Radio Mega pour avoir prétendument diffusé de la propagande en faveur des gangs. Cette décision a été prise à la suite de la participation de chefs de gang de la coalition Viv Ansanm à l'émission. Selon le propriétaire de Radio Mega, l’intervention téléphonique du chef de gang Jimmy Chérizier, alias Barbecue, n’était pas prévue. L'organisme de régulation a suspendu l'émission sans donner à Radio Mega la possibilité de s'expliquer ou de se défendre en justice.
LIBERTÉ D'ASSOCIATION
Médecins sans frontières dénonce des conditions de travail intenables
Le 11 novembre 2024, une ambulance de Médecins sans frontières (MSF) qui transportait trois personnes blessées par balle a été prise en embuscade à Port-au-Prince et forcée d'effectuer un transfert vers un hôpital public. Selon MSF, la police a escorté l'ambulance jusqu'à l'hôpital La Paix. Une fois sur place, des agents des forces de l'ordre et des membres d'un groupe d'autodéfense ont encerclé le véhicule, percé les pneus et aspergé de gaz lacrymogène le personnel qui se trouvait à l'intérieur. Les patients blessés ont été emmenés et au moins deux d'entre eux ont été exécutés.
Le 20 novembre 2024, MSF a annoncé la suspension de ses activités à Port-au-Prince, en raison d'une série de menaces proférées par les forces de police, dont des menaces de mort et de viol à l'encontre de son personnel à la suite de l'attentat du 11 novembre 2024.
Le 11 décembre 2024, après 22 jours de suspension, MSF a partiellement repris ses activités médicales dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, à l'exception du transport des patients.
Finalement, l'hôpital de Turgeau a rouvert ses portes le 20 janvier 2025, après plusieurs mois de dialogue entre MSF et les autorités et l'obtention de garanties de la part de toutes les parties concernant la protection de la mission médicale de l'organisation. MSF a affirmé avoir effectué plus de 2 500 consultations médicales et plus de 400 séances de physiothérapie dans le centre d'urgence en février 2025. En mars 2025, des groupes armés se sont installés à quelques mètres de l'hôpital, menaçant de le transformer en ligne de front. Le 15 mars 2025, MSF a décidé de suspendre ses activités sur place. Lors de l'évacuation du personnel, quatre véhicules de l'organisation ont été la cible de tirs, alors que le départ du convoi avait été coordonné avec les autorités et que les véhicules étaient dûment identifiés. Des membres du personnel ont subi des blessures sans gravité.
Un défenseur des droits humains agressé par des policiers
Selon les informations recueillies par ACLED, le 23 novembre 2024, aux Gonaïves, dans l'Artibonite, un avocat et défenseur des droits humains a été agressé par quatre policiers dans la zone de Bienac 23. Les médias locaux ont affirmé qu'il s'agissait d'une tentative d'assassinat.
L'arrêt des aides d'USAID et ses conséquences
La décision du gouvernement de Donald Trump de suspendre les programmes d'aide américaine à l'étranger touche particulièrement Haïti, l'un des pays les plus pauvres au monde. D'après une analyse, le gel de ces aides pourrait entraîner la suspension du versement de quelque 330 millions de dollars déjà alloués à des programmes en cours. Selon cette même analyse, la Fondation SEROvie, qui fournit des services aux jeunes à risque, en particulier pour le traitement du VIH/SIDA, est le plus grand bénéficiaire du pays. Le projet mené par l'organisation évangélique World Relief est également affecté par cette mesure.
Le 4 février 2025, les Nations unies ont averti que plus de 13 millions de dollars destinés à la force de sécurité internationale, qui contribue à la lutte contre les gangs armés en Haïti, avaient été gelés dans le cadre de l'interruption de 90 jours de l'aide étrangère. Le 6 février 2025, le Département d'État des États-Unis a annoncé que le secrétaire d'État américain Marco Rubio avait débloqué 40,7 millions de dollars pour la Police nationale haïtienne et la mission de sécurité.
Un gang met à sac les locaux des Missionnaires de la Charité
Le 26 octobre 2024, dans la capitale, des membres armés d'un gang ont pillé puis incendié un couvent des Missionnaires de la Charité et l'hôpital adjacent.
Liberté de réunion pacifique
Des manifestations contre l'insécurité après le massacre de Port-Sondé
Des bandes armées ont ouvert le feu sur les habitants de Pont-Sondé les 3 et 4 octobre 2024. Le maire de la ville a annoncé que le nombre de morts s'élevait à 115. Selon le Réseau national de défense des droits humains d'Haïti, des hommes armés avaient accusé les habitants de Pont-Sondé d'être de connivence avec les membres d'un groupe d'autodéfense nommé « La Coalition » pour limiter les activités des gangs.
Diverses manifestations contre l'inaction des forces de sécurité ont eu lieu durant les semaines qui ont suivi le massacre. Malgré des rumeurs sur la possibilité d’un massacre à Pont-Sondé à la suite de l'annonce d'une incursion par le leader de Gran Grif, les forces de sécurité étaient absentes.
- Le 7 novembre 2024, un millier de personnes ont défilé sur la route nationale numéro 1 pour demander le démantèlement total des deux principaux groupes armés actifs dans leur région. La marche avait été organisée par le Collectif du 3 octobre, un groupement de diverses organisations de la société civile de la communauté de Pont-Sondé.
- Le 22 novembre 2024, un millier de citoyens ont manifesté à Saint-Marc pour demander le démantèlement du gang Grand Grif de Savien, le plus puissant de la région. La manifestation s'est tenue une cinquantaine de jours après le massacre de Pont Sondé.
- Le 3 décembre 2024, plus d'un millier d'habitants de Pont-Sondé ont participé à un sit-in devant le sous-commissariat de Pat Chwal pour exiger le démantèlement de la base du Grand Grif de Savien.
Les rassemblements publics sont interdits à Pétion-Ville
Le 27 novembre 2024, la municipalité de Pétion-Ville a interdit une activité religieuse organisée par la paroisse Notre-Dame de l'Immaculée Conception qui devait se tenir dans les rues de la localité. Cette interdiction est intervenue après l'interception de dizaines de membres présumés de la coalition Viv Ansanm dans les environs.
Le 5 février 2025, la même municipalité a annoncé l'interdiction de tous les défilés de fanfares et de groupes musicaux pendant le carnaval de cette année.
Des manifestations contre l'insécurité
Le 22 décembre 2024, à Hinche, dans le département du Centre, des centaines d'habitants ont organisé une marche pour réclamer une bonne gouvernance et pour protester contre la montée de l'insécurité. La mobilisation a été lancée par la Ligue des pasteurs de Hinche et d'autres organisations de la société civile.
Un manifestant tué et des journalistes agressés lors d'une manifestation à Port-au-Prince
Le 19 mars 2025, des habitants de Canapé-Vert et des personnes déplacées dans les camps de la zone de Canapé-Vert, à Port-au-Prince, ont manifesté pour exiger des mesures de protection face aux gangs. Les manifestants, machettes à la main, ont tenté de rejoindre le bureau du Premier ministre. Pour disperser la foule, la police a utilisé des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles. Élibert Idovic, un manifestant âgé de 35 ans, a succombé à ses blessures à l'hôpital. Il était membre de la brigade de vigilance de Canapé-Vert.
Selon le Collectif haïtien des médias en ligne (CMEL), au moins dix journalistes ont été victimes d'agressions physiques alors qu'ils tentaient de couvrir cet événement. Jephté Bazil, Sonsonn Cazeau, René Celias, Moïse Beaucejour, Peter Lyonelson Biamby, Herby Val, Wilkenson Germain, Junior Jean, Rudy Éveillard et Patrick ont été blessés et leur matériel a été emporté.
Grèves d'enseignants et manifestations d'étudiants
Le 6 janvier 2025, des enseignants ont entamé une grève dans les villes de Cap-Haïtien, Limonade, Port-au-Prince, Jérémie, Gonaïves, Miragoâne et Jacmel. Ils réclament une revalorisation des salaires afin de compenser les disparités entre les communes et la hausse du coût de la vie dans le pays. Le mouvement social a entraîné la fermeture d'écoles et a incité les étudiants à se mobiliser en faveur de la réouverture des établissements et du retour des enseignants. Le 14 janvier 2025, des étudiants ont organisé une manifestation à Cap-Haïtien. Le 15 janvier 2025, des centaines d'élèves du secondaire sont descendus dans les rues à Jacmel. Le 20 janvier 2025, à Limonade, des étudiants ont défilé en brandissant des feuilles de papier pour réclamer le retour de leurs professeurs.
Public school students in Limonade protesting to demand their teachers to report back to work. Teachers have been on strike since Jan. 6. pic.twitter.com/vyobDURDuA
— Onz Chéry 🇭🇹/ The Haitian Times (@Onz_11) January 20, 2025