L'état de santé du président Ali Bongo a fait l'objet de nombreuses spéculations depuis que le président a été victime d'un accident vasculaire cérébral en octobre 2018 et qu'il est resté plusieurs mois à l'étranger pour se faire soigner. Pour s'adapter à la longue absence du chef de l'État gabonais, la Cour constitutionnelle a modifié la Constitution le 14 novembre 2018 afin de permettre au vice-président ou au premier ministre d'exercer certaines fonctions lorsque le président est « temporairement indisponible », manœuvre vivement critiquée par l'opposition et les membres de la société civile. Cette modification permet au président Bongo de rester au pouvoir, car la Constitution prévoyait la tenue d'élections dans les 30 à 60 jours suivant la proclamation d'une «vacance du pouvoir à la présidence » par la Cour constitutionnelle. Un groupe nommé « Appel à agir », composé de dix membres dirigeants de l’opposition et de la société civile, a demandé la déclaration de la vacance du pouvoir et a engagé une action en justice pour exiger un examen médical du président afin de déterminer s'il est apte à gouverner. Toute spéculation sur les problèmes de santé du président – qui est entre-temps revenu au Gabon mais dont les apparitions publiques restent rares – a été sanctionnée, en particulier au sein des médias et parmi les journalistes.
Échec de la tentative de coup d'État du 7 janvier 2019
La tentative de coup d'État du 7 janvier 2019 a été rapidement déjouée. Ce jour-là, un groupe de soldats prétendant appartenir à un groupe appelé Mouvement patriotique des jeunes des forces de défense et de sécurité du Gabon a fait irruption dans les locaux de la radio nationale et a diffusé un message invitant la population à se soulever, à prendre le contrôle des rues, des aéroports, des bâtiments publics et des médias. En outre, ils ont déclaré qu'ils allaient « restaurer la démocratie », mettant ainsi en cause la « capacité du président Bongo à assumer les responsabilités de son poste ». À la suite de la tentative de coup d'État, un porte-parole du gouvernement a annoncé son intention d'enquêter sur la société civile et sur les dirigeants de l'opposition mentionnés dans la déclaration des soldats en raison de leur possible soutien au coup d'État.
#Gabon media regulator suspends two newspapers over defamation claims https://t.co/20nytjRHCw
— Committee to Protect Journalists (@pressfreedom) May 19, 2019
Liberté d'expression
La HAC suspend plusieurs médias
Le 23 août 2019, la Haute Autorité de la Communication du Gabon (HAC) a suspendu pendant trois mois le média numérique Gabon Review pour avoir « endommagé l'image de la HAC par des insinuations malveillantes ». Le 1er août 2019, la HAC a suspendu le journal en ligne Gabon Media Time (GMT) pour une période d'un mois. Cette suspension est liée à un article publié la veille affirmant qu'une fillette de deux ans avait été renvoyée de l'institut gabonais du cancer en raison d'un manque de lits. La HAC a accusé le média de publier un article rempli « d'insinuations malveillantes, suspicieuses et tendancieuses » et de violer l'éthique et la conduite professionnelle des journalistes.
Le 20 juin 2019, la HAC a suspendu le journal Fraternité pendant un mois en raison « d'insinuations malveillantes, calomnieuses, injurieuses et mensongères » dans son article « Qui gouverne le Gabon? » , publié le 13 juin 2019 ; selon HAC « il porte atteinte à l’honneur et à la dignité du président de la République. »
Le 10 avril 2019, la HAC a suspendu le journal L'Aube pour une période de six mois. Selon des informations parues dans les médias, deux articles du journal ont fait l'objet de sanctions pour plusieurs infractions au Code de la communication. Le 25 mars 2019, L'Aube a publié une interview du fondateur du journal Échos du Nord, suspendu par la HAC quelques semaines auparavant (voir ci-dessous). La HAC a qualifié l'interview « d'excuses pour avoir insulté » la HAC et ses membres en utilisant « des expressions péjoratives et sarcastiques ». En outre, le 5 avril 2018, Maixent Accrombessi, ancien chef de cabinet du président Bongo Ondimba, a porté plainte contre le journal pour diffamation au sujet d'une interview fictive satirique publiée le 1er avril. Plus tard, le 8 avril 2019, le journal a affirmé qu'il s'agissait d'un poisson d'avril. Comme nous l'avons signalé précédemment sur le Monitor, L'Aube a été suspendu pendant trois mois en novembre 2018 et le rédacteur en chef du journal, Orca Boudiandza Mouellé, s'est vu interdire l’exercice de son métier de journaliste pendant six mois pour avoir publié un article sur l'état de santé du président Bongo.
La suspension de L'Aube s'est produite seulement quelques semaines après la suspension de quatre mois du journal Échos du Nord. Le 20 mars 2019, la HAC a ordonné sa suspension, après avoir reçu une plainte pour diffamation de Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon. Le journal avait été suspendu à plusieurs reprises – en août 2018 et en juin 2017 – et leurs bureaux ont fait l'objet d'une une descente de la police en 2016.
Arnaud Froger de Reporters sans frontières (RSF) à propos du régulateur national des médias :
« La HAC apparaît comme une machine à sanctions, piochant dans l’arsenal législatif vague, imprécis et liberticide des textes qui encadrent l’exercice du journalisme au Gabon pour servir les intérêts du pouvoir et empêcher toutes critiques légitimes sur des sujets d’intérêt général. »
.@yveslaugoma1 interdit de travailler au #Gabon: RSF condamne une nouvelle restriction de la liberté de la presse par l’autorité censée la garantir. Il est urgent de réformer en profondeur la Haute autorité de la communication! https://t.co/j9ITtEfLeU
— RSF (@RSF_inter) August 23, 2019
Des journalistes interdits d'exercer leur profession
Le 22 août 2019, la HAC a annoncé, par une déclaration lue à l’antenne de la télévision nationale, la suspension de l'accréditation du correspondant de Radio France internationale (RFI) Yves-Laurent Goma pour une période de deux mois. La HAC a déclaré que cette suspension était due à « des informations inexactes avec une insinuation malveillante mettant en cause l'intégrité physique du président de la République, Ali Bongo » pour avoir affirmé, dans un article publiée le 17 août 2019 sur la cérémonie célébrant la fête de l'indépendance du Gabon, que « le président de la République ne s'était à aucun moment levé comme autrefois pour saluer les troupes de l'armée ».
Le journaliste indépendant gabonais basé en France, Freddy Koula Moussavou, s'est vu interdire d'exercer sa profession pendant une période de six mois, par une décision de la HAC du 16 juillet 2019. De plus, la HAC a demandé aux médias nationaux et internationaux gabonais de ne pas travailler avec le journaliste au cours ces six mois. Dans sa décision, qui fait suite à une plainte de la Fédération gabonaise de football, la HAC a déclaré que Koula avait enfreint les règles et l'éthique de la profession de journaliste « en faisant le choix du sensationnel, du mensonge et non celui de l’information vraie ». Cette suspension est en relation avec un article publié par Koula sur sa page Facebook dans lequel il cite des plaintes de membres de l'équipe nationale féminine de moins de 20 ans concernant des mauvais traitements, notamment des abus sexuels, perpétrés par l'équipe d'accompagnement lors de leur séjour en France pour le tournoi Sup Ladies Cup.
Trente médias numériques suspendus pour non-respect des exigences légales et administratives
Le 23 juillet 2019, le régulateur national des médias a suspendu trente médias en ligne pour non-respect du code de la communication. La suspension durera jusqu'à ce que les médias se conforment aux exigences légales et administratives.
Confirmed: Internet connectivity shut down across #Gabon from 6:00AM UTC amid apparent military coup attempt; ongoing incident #Libreville #KeepItOnhttps://t.co/DHXAL6NOVQ pic.twitter.com/HebW4G5WOJ
— NetBlocks.org (@netblocks) January 7, 2019
Échec de la tentative de coup d'État : coupure d'Internet et suspension des services de radiodiffusion
Suite à l'échec de la tentative de coup d'État du 7 janvier 2019, Internet a été coupé et les services de radiodiffusion ont été suspendus. Selon l’OSC pour les droits numériques NetBlocks, l'interruption d’internet a commencé à sept heures du matin et la connexion a été rétablie 28 heures plus tard.
Mise en liberté d'un blogueur après 17 mois en détention provisoire
Le 5 février 2019, un tribunal de Libreville a ordonné la libération du blogueur Hervé Mombo Kinga après 17 mois en détention provisoire. Il a été arrêté le 31 août 2017 alors qu'il projetait des vidéos contre le gouvernement lors d'une manifestation de l'opposition. Il était poursuivi pour propagande écrite tendant à créer un trouble à l’ordre public et outrage au chef de l’État.
#Gabon Interdiction de la tenue de l'AG du syndicat Dynamique Unitaire au terrain de basket d'Awendjé. Quadrillage du quartier par les forces de l'ordre + jets de gaz lacrymogènes + arrestation des leaders de DU dont Jean-Rémy Yama et le syndicaliste Albert Obiang.
— Delphine Lecoutre (@DelphLecoutre) April 27, 2019
Liberté de réunion pacifique
Les forces de l'ordre ont empêché la tenue de l'assemblée générale de la confédération syndicale Dynamique Unitaire, prévue le 27 avril 2019 à Awendje à Libreville. Selon les médias, la police aurait occupé les alentours du stade, lieu de la réunion, à partir de cinq heures et aurait utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les membres cherchant à se rassembler.
Depuis le 8 avril 2019, des milliers d'étudiants ont manifesté dans plusieurs villes du pays en réponse à un nouveau décret sur les bourses universitaires introduit par le gouvernement fin mars. Selon la nouvelle loi, seuls les étudiants âgés de moins de 19 ans et ayant obtenu une note moyenne d’au moins 12 sur 20 au baccalauréat pourront accéder aux bourses. Après trois jours de manifestations, le gouvernement a annoncé la fermeture de toutes les écoles « jusqu'à nouvel ordre », puis a adopté un nouveau décret faisant passer l'âge maximum de 19 à 27 ans pour pouvoir bénéficier de la bourse, tout en ordonnant la reprise des cours à partir du 19 avril 2019.
Le 15 décembre 2018, la police a dispersé une manifestation spontanée de partisans de l'opposition à Libreville en utilisant du gaz lacrymogène. La manifestation a commencé après une réunion du chef de l'opposition, Jean Ping, qui a déclaré à ses partisans : « Quand toutes les voies de la négociation et de la diplomatie n’ont pas donné les fruits escomptés ; quand la concertation est bloquée, il ne reste plus que la confrontation. Nous y sommes. Je ne vous retiens donc plus. La voie est bien libre. Vous pouvez foncer. C’est le moment ! ». Certains manifestants auraient été arrêtés.
#Gabon Inquiétude pour quatre membres de la confédération Dynamique unitairehttps://t.co/pVBHelGZXx Au Gabon, la confédération syndicale Dynamique unitaire dénonce une série d'intimidations et d'arrestations
— Clément Boursin (@ClementBoursin) July 15, 2019
Liberté d'association
Le 3 juillet 2019, le ministre de l'Intérieur du Gabon a annoncé dans un communiqué son intention de poursuivre en justice le président de la confédération syndicale Dynamique unitaire, Jean Rémy Yama, pour « diffusion de fausses informations » après que ce dernier eut déclaré lors d'une conférence de presse que son organisation considérait que le président Bongo Ondimba était décédé. Dans une déclaration, la confédération syndicale a annoncé que plusieurs de ses représentants avaient été arrêtés les 11 et 12 juillet 2019. Cela concerne Ghislain Malanda (président de l'Union des agents du ministère des Transports et de l'Aviation civile), Simon Ndong Edzo'o (vice-président de Dynamique unitaire), Sylvie Nkogue Mbot (secrétaire confédérale de Dynamique unitaire) et Jean Bosco Boungoumou Boulanga (président d’Onpese). Selon une déclaration de Dynamique unitaire citée dans les médias, ces quatre personnes ont été remises en liberté le 19 juillet 2019.
Le 15 juillet 2019, la police judiciaire a arrêté le président du parti d'opposition Front patriotique gabonais (FPG), Gérard Ella Nguéma, quelques heures avant le début d'une manifestation organisée par son parti dans le quartier de Nzeng Ayong à Libreville, capitale du pays. Il a été arrêté, puis interrogé, à propos d'une conférence de presse qu'il a tenue une semaine avant son arrestation et au cours de laquelle il a accusé des responsables proches du président Bongo d'avoir profité de l'état de santé du président pour le manipuler. Nguéma a été libéré le 17 juillet 2019.
Selon les médias, un membre de l'opposition, Privat Ngomo, aurait été arrêté le 12 juillet 2019 devant l'ambassade de France à Libreville pour avoir barré le Boulevard du Bord de Mer. Il y a lu une déclaration adressée aux autorités françaises leur demandant pourquoi elles avaient refusé de reconnaître la victoire du chef de l'opposition, Jean Ping, aux élections présidentielles de 2016. Selon les résultats officiels, Jean Ping a perdu les élections de 2016 par une marge étroite contre le président sortant Ali Bongo et conteste les résultats depuis.