Ibrahim Traore has been sworn in as interim president in Burkina Faso, just weeks after he led a coup and overthrew the country’s previous leader. It was the second military coup in Burkina Faso in just eight months. https://t.co/8DNukhB3z2
— Democracy Now! (@democracynow) October 25, 2022
Contexte
Second putsch en moins d'un an
Le 30 septembre 2022, des officiers militaires mécontents dirigés par le capitaine Ibrahim Traoré ont orchestré un second soulèvement militaire, destitué le chef militaire de transition, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, dissous le gouvernement de la transition et suspendu la Constitution. Selon le capitaine Traoré, le groupe d'officiers militaires a décidé d'écarter Damiba du pouvoir en raison de son incapacité à mettre fin à l'insurrection djihadiste et de la détérioration de la sécurité dans le pays. Deux jours plus tard, à la suite de pourparlers, Damiba a accepté de démissionner, évitant ainsi une impasse et des affrontements entre les factions de l'armée, et s'est réfugié au Togo, pays voisin. Traoré a été déclaré président de la transition le 6 octobre 2022.
Comme nous l'avons signalé sur le Monitor CIVICUS, des officiers militaires avaient organisé un premier coup d'État le 24 janvier 2022 et annoncé sur Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB) la démission du président Roch Marc Christian Kaboré, la suspension de la Constitution, la dissolution du Parlement et du gouvernement, ainsi que la fermeture des frontières. Quelques semaines plus tard, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba avait été investi président de la transition.
#BurkinaFaso : La suspension des activités des OSC concerne les appels à « manifestations populaires » (communiqué)https://t.co/k74R4sLPJQ
— Faso7 (@Faso7_BF) October 4, 2022
Liberté de réunion pacifique
Manifestations après le putsch contre la France
Après le coup d'État, des manifestations en soutien à Traoré se sont tenues à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, où des manifestants s'en sont pris aux institutions françaises et se sont heurtés aux forces de sécurité. À titre d'exemple, le 2 octobre 2022, des dizaines de partisans d'Ibrahim Traoré se sont rassemblés devant l'ambassade de France à Ouagadougou, suite à des accusations émanant de la nouvelle junte militaire, qui avait affirmé que la France était en train d'aider Damiba à reprendre le pouvoir. Les manifestants auraient lancé des pierres et les forces de sécurité auraient riposté au moyen de gaz lacrymogènes afin de les disperser.
Depuis le second coup d’État, les manifestations pour le départ des troupes françaises se sont succédé et des manifestants brandissant des drapeaux russes ont souvent y pris part. Par exemple, des centaines de personnes se sont rassemblées le 28 octobre 2022 à différents endroits à Ouagadougou, notamment devant l'ambassade de France et le camp militaire Bila Zagré de Kamboinsin, où sont stationnées les forces spéciales françaises, pour exiger le départ de la France et de ses troupes du pays. Des manifestants ont scandé des slogans tels que « France, on en a marre », tandis que d'autres portaient des drapeaux russes. Les manifestants ont remis une lettre à l'ambassade française exigeant le départ de la France « dans un délai de 72 heures ». Le 19 novembre 2022, les forces de sécurité ont employé des gaz lacrymogènes pour disperser une dizaine de manifestants qui se trouvaient à proximité de l'ambassade de France et, plus tard, au camp militaire de Kamboinsin.
Interdiction de certaines manifestations ou d'appels à des manifestations
Dans un communiqué publié le 4 octobre 2022, le secrétaire général chargé des affaires courantes au sein du ministère de la Sécurité du nouveau gouvernement militaire, Edgard Sié Sou, a annoncé l'interdiction des « manifestations ou appels à manifestations populaires [organisés par des OSC ou des partis politiques] pouvant entraîner des troubles à l’ordre public, susceptibles de saper nos efforts communs de renforcement de la cohésion sociale ». Dans la même déclaration, Sou a invité les organisations de la société civile « à faire preuve d'une responsabilité soutenue ».
Cette communication est venue compléter l'annonce du 30 septembre 2022 sur la suspension des activités des partis politiques et des organisations de la société civile par la nouvelle junte militaire, une mesure condamnée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
Après le #Mali 🇲🇱, le Burkina Faso a suspendu jusqu'à nouvel ordre la diffusion des programmes de @RFI sur toute l'étendue du territoire burkinabè. pic.twitter.com/DRJYb4x0Yl
— L'ACCENT (@Laccent_) December 3, 2022
Liberté d'expression
Radio France Internationale suspendue jusqu'à nouvel ordre
Le 3 décembre 2022, la junte militaire a suspendu avec effet immédiat, et jusqu'à nouvel ordre, le média français et radiodiffuseur public Radio France International (RFI). Dans un communiqué, le porte-parole du gouvernement militaire de la transition, Rimtalba Jean Emmanuel Ouedraogo, a indiqué que l'origine de cette suspension se trouve dans une émission de RFI du 3 décembre 2022 qui « s'est fait relai d'un message d'intimidation de la population attribué à un chef terroriste », tout en accusant RFI d'avoir diffusé une « information mensongère » le 2 décembre 2022, selon laquelle le président du gouvernement de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, aurait affirmé avoir été la cible d'une tentative de coup d'État.
Reporters sans frontières (RSF) a signalé que cette décision du gouvernement contourne l'autorité du régulateur des médias, le Conseil supérieur de la communication (CSC), qui, selon la loi, a la « prérogative exclusive » de suspendre ou de sanctionner les médias. En outre, avant toute sanction, la CSC doit tenir une audience, suivie d'un avertissement. D'après RSF, le CSC ne peut pas exercer ses fonctions actuellement puisque le président de la transition, le capitaine Traoré, n'a pas encore signé le décret confirmant la nomination du nouveau président de l'organisme.
En mars 2022, le Mali avait également annoncé la suspensionde RFI et de France 24.
Des menaces contre des journalistes et le groupe Oméga Médias
Dans un communiqué publié le 19 octobre 2022, le groupe Oméga Médias a affirmé avoir reçu plusieurs menaces contre son personnel et de ses locaux via des messages vocaux, notamment :
- Des menaces contre l'intégrité physique et la vie du journaliste et animateur Alain Traoré, alias Alain Alain, à la suite de ses déclarations dans l'émission « Le défouloir de Alain Alain » du 13 octobre 2022 sur Radio Oméga et Oméga TV. Il y avait critiqué la destruction de bâtiments et d'intérêts français lors des manifestations qui ont suivi le second putsch.
- Des menaces contre l'intégrité physique d'Alpha Barry, promoteur d'Oméga Médias.
- Des menaces d'incendie des bureaux du groupe en raison de sa ligne éditoriale.
Oméga médias a déposé une plainte contre X pour ces menaces.
Ollo Mathias Kambou "Kamao", du Balai Citoyen, vient d'être condamné à 6 mois de prison avec sursis et à une amende de 300.000 FCFA pour "outrage contre un dépositaire de l'autorité publique". La sentence est exagérée pour un post Facebook #BurkinaFaso pic.twitter.com/87wKGh1GD7
— Ousmane A. Diallo (@Usmaan_Aali) October 4, 2022
Liberté d'association
Un militant condamné à six mois de prison avec sursis
Le 4 octobre 2022, un tribunal de Ouagadougou a condamné le militant Ollo Mathias Kambou, membre du mouvement social Balai citoyen, à une peine de six mois de prison avec sursis et à une amende de 300 000 francs CFA (environ 452 USD) pour outrage au chef de l'État, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, président de la transition au moment de l’arrestation de Kambou. Les accusations portaient sur des propos qu'il avait tenus sur les réseaux sociaux. Comme nous l'avons signalé sur le Monitor CIVICUS, Kambou avait été arrêté le 5 septembre 2022, après avoir participé à une émission spéciale organisée par Radio Oméga.
Le 6 septembre 2022, des membres de Balai citoyen ont manifesté devant les bureaux de la Brigade Centrale de Lutte contre la Cybercriminalité (BCLCC) à Ouagadougou pour demander la libération de Kambou. Selon les médias, des affrontements se sont produits avec des personnes se réclamant du mouvement en faveur de la junte militaire Sauvons le Burkina, qui s'y étaient rendus pour contrer la manifestation et qui auraient fait usage de violence contre les manifestants de Balai citoyen. Une personne a été blessée.